MONTRÉAL - Spécialiste en médecine sportive, Mark Aubry est le médecin en chef de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF). Il occupe le même poste avec Hockey Canada.

 

C’est le docteur Aubry et les spécialistes qui l’épaulent dans son travail qui ont recommandé à René Fasel, président de la IIHF, et Tom Renney qui dirige Hockey Canada d’annuler en cascade tous les tournois qui devaient clore la saison 2019-2020 sur la planète hockey. Des championnats de hockey mineur dans toutes les provinces canadiennes au Championnat du monde sénior qui devait, encore cette année, être disputé dans l’ombre des séries éliminatoires de la coupe Stanley en passant par le Championnat du monde de hockey féminin qui devait se tenir à Halifax, ou à la coupe Memorial qui devait être présentée à Kelowna, aucun tournoi n’a été épargné par la COVID-19.

 

« Nous n’avions pas le choix. Quand on a vu la progression rapide de la pandémie, quand on s’est rendu compte que la majorité des équipes qui devaient converger vers nos sites de compétitions provenait de pays qui composaient déjà avec l’épidémie ou commençaient à la faire, la décision de recommander toutes ces annulations a été très facile à prendre », a convenu le médecin.

 

A-t-il était aussi facile de faire accepter ces recommandations?

 

Mark Aubry assure qu’il n’a fait face à aucune réticence malgré les contrecoups majeurs que ces décisions ont assénés aux comités organisateurs de tous les tournois et championnats qui étaient sur le point de se mettre en branle au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe.

 

Sans oublier que l’annulation des Championnats du monde séniors autant chez les hommes que chez les femmes prive le président de la IIHF de ses deux plus importantes compétitions avant de quitter son poste en septembre prochain.

 

« René est dentiste de profession. Malgré son amour pour le hockey, il était très à même de comprendre les risques associés à une telle pandémie et il n’a pas hésité une seconde à pousser l’annulation de tous les tournois. Aucun médecin ne pouvait accepter de prendre le risque de réunir des joueurs et des joueuses de hockey de partout dans le monde, de les regrouper dans des milieux fermés et d’attirer des foules de spectateurs dans de telles circonstances », a insisté Mark Aubry.

 

Les sports d’équipe devront attendre

 

Si les décisions d’annuler en cascade tous les tournois ont été faciles à recommander et à prendre par la suite, Mark Aubry reconnaît qu’il sera beaucoup plus difficile d’y aller de recommandations quant au retour de joueurs et joueuses sur les patinoires.

 

Aux jeunes garçons et filles qui lui demanderaient aujourd’hui, demain ou la semaine prochaine, de confirmer s’ils pourront retrouver leurs coéquipiers sur une patinoire cet automne, le spécialiste admet d’ailleurs candidement qu’il serait pris au dépourvu.

 

« Pour l’instant, je serais obligé de me limiter à répondre : je l’espère. Je sais que ce n’est pas ce qu’ils ou elles voudraient entendre. Je comprends que ce n’est pas la réponse que tu espérais en me contactant, mais il est beaucoup trop tôt pour avancer quoi que ce soit d’autre. »

 

Pourtant, le Président américain Donald Trump trépigne de relancer l’économie de son pays. Au Québec et au Canada, on a amorcé une reprise graduelle des activités. Il est donc possible de croire que le hockey et le sport en général suivront rapidement eux aussi.

 

« Pas si vite », réplique Mark Aubry quand on le place devant cette équation.

 

« Les activités vont reprendre graduellement parce que c’est important pour la reprise économique, parce que c’est important pour la société en général. Et il faut insister sur le mot graduellement. Cela dit, j’ai beau me spécialiser dans le sport depuis toujours et préconiser que la pratique du sport est essentielle pour avoir une société en santé. Il n’en demeure pas moins qu’à mes yeux, les sports seront parmi les éléments qui tarderont le plus à recevoir le feu vert et que les sports d’équipe seront les plus tardifs à recevoir ce feu vert. »

 

La LNH dans une classe à part

 

Quand Mark Aubry parle du hockey, il parle du hockey amateur au Canada. Il parle du hockey chapeauté par la IIHF dont il est un membre influent.

 

Il ne parle pas de la LNH et des autres ligues professionnelles qui jouent sur des terrains bien à eux et composent avec des réalités bien différentes.

 

« La LNH, la NBA et les autres ligues professionnelles sont de grosses business. Elles ont beaucoup de pression. Mais les réalités sont les mêmes : comment reprendre les activités tout en minimisant le plus possible les risques de contagions des joueurs et du personnel des équipes », a lancé le docteur Aubry qui en plus de ses fonctions avec la Fédération (IIHF) et Hockey Canada a fait partie de l’équipe médicale des Sénateurs d’Ottawa.

 

«Je n’ai pas de lien direct avec la LNH. Mais à mes yeux il est utopique de croire qu’on pourrait reprendre devant les spectateurs à court terme. Et si on regroupait les joueurs de plusieurs équipes dans une ou des villes neutres pour y ternir des matchs il faudrait avoir recours à beaucoup de tests effectués sur des bases régulières. Car les joueurs sont tellement proches les uns des autres dans le vestiaire, sur les bancs, sur la patinoire qu’une contamination pourrait en entraîner une multiplication très rapidement. C’est ça qui va compliquer la reprise des activités sportives. Particulièrement les sports d’équipe», analyse le spécialiste.

 

Au niveau mineur les décisions seront plus faciles à prendre assure Mark Aubry parce qu’un seul critère sera pris en considération.

 

« La seule priorité est la santé et la sécurité des joueurs et joueuses de hockey. Le reste ne compte pas. Ou pas assez pour qu’on prenne quelque risque que ce soit. Les choses évoluent rapidement et c’est pour cette raison que je ne peux être plus précis dans mon évaluation. Est-ce qu’on en saura plus en août ou en septembre sur le virus et la façon de composer avec lui? C’est sûr. Est-ce que le fait que de plus en plus de jeunes auront été exposés et auront développé des anticorps aidera? Bien sûr. Mais il est impossible de savoir ou nous serons rendus collectivement dans la lutte contre la COVID-19. C’est pour cette raison que je t’assure qu’au niveau de Hockey Canada, je préconiserai toujours la prudence. Nous n’avons aucune raison de prendre des risques. »

 

Dans les rangs juniors majeurs où les équipes de la Ligue canadienne de hockey ont un patin dans la zone du sport amateur et l’autre dans la zone du hockey professionnel, Mark Aubry se montre plus prudent, mais revient toujours aux considérations fondamentales de la santé et de la sécurité des joueurs.

 

« Nos joueurs sillonnent le pays à bord d’autobus. Ils sont regroupés dans de petits vestiaires à l’intérieur desquels les joueurs des clubs visiteurs se succèdent jour après jour. Les mesures d’hygiène seront certainement améliorées et les paramètres seront suivis très sérieusement. Mais quand même : il faudra y penser à deux fois et attendre d’avoir vraiment les confirmations que tout sera sécuritaire avant de donner le feu vert à la reprise des activités dans toutes les ligues de hockey. Peu importe l’âge des joueurs et des joueuses. Car si on ouvre la porte à une reprise de la contagion, c’est tout le monde et pas seulement les joueurs et les joueuses qui seront menacés», assure le médecin qui pratique dans ses cliniques d’Ottawa et de Gatineau en plus de diriger les équipes médicales de la Fédération internationale de hockey et de Hockey Canada. C’est d’ailleurs le docteur Aubry qui a mené la croisade pour l’abolition des mises en échec afin de réduire les risques de commotions cérébrales dans le hockey mineur.

Mark Aubry, qui a raccroché les patins il y a une dizaine d’années en raison de genoux un brin trop usés pour lui permettre de rivaliser à son goût avec ses adversaires, garde la forme en faisant beaucoup de marche. Il espère pouvoir également reprendre le golf dès que les autorités médicales permettront aux golfeurs de s’élancer.

D’ici là, pour le golf comme pour le hockey, il prône la patience : « Nos jeunes vont rejouer au hockey et les vedettes de la LNH vont le faire aussi. Ce n’est qu’une question de temps. Mais assurons-nous de justement bien prendre notre temps avant de les renvoyer sur la patinoire. »