TORONTO – Même si sa carrière a basculé le 26 mai 2000 lorsque le défenseur Scott Stevens des Devils du New Jersey lui a fait subir une commotion cérébrale dont il ne s’est jamais vraiment remis, Eric Lindros n’a pas ajouté son nom à la liste des anciens joueurs qui tiennent à poursuivre la LNH.

Lindros aurait pourtant bien des motifs de le faire. Car en plus du choc subi à la suite de la mise en échec terrible, mais légale, que lui a assénée Stevens en première période du septième match de la finale de l’Est opposant les Devils aux Flyers, match que les Flyers ont finalement perdu 2-1, Lindros a dû composer avec d’autres commotions. De fait, Lindros venait de rater 10 semaines de compétition lorsqu’il a effectué son retour au jeu dans le cadre du septième match de la série contre les Devils. Un retour qui aura à peine duré 10 minutes…

Pourquoi ne le fait-il pas? Parce que Lindros n’est pas en guerre contre la Ligue nationale. Il est en guerre contre les commotions cérébrales et leurs conséquences néfastes qui ont mis un terme hâtif à sa carrière et à celle de son frère Brett.

« Je lutte contre les commotions sur d’autres fronts. J’ai fait des dons importants à la clinique du docteur Arthur Brown de l’Université western – on parle d’un don de 5 millions $ – car il travaille sur une façon de traiter les commotions. Il faut réduire les risques de commotions, c’est clair. Mais lorsqu’elles surviennent, il faut savoir aussi les traiter. Depuis des années, ce sont le calme et le temps qui permettent de surmonter les commotions, mais les recherches du docteur Brown révèlent qu’on pourra un jour les traiter de façon médicale. J’espère que ce jour viendra bientôt et c’est la raison pour laquelle je m’implique beaucoup afin de mousser les campagnes de financement. Car ça prend beaucoup d’argent pour mener à bien ces recherches importantes», expliquait Eric Lindros vendredi alors qu’il était entouré d’une quinzaine de journalistes dans le grand hall du Temple de la renommée du hockey.

Eric Lindros est encouragé par les recherches du docteur Arthur Brown. Il l’est aussi par le nouveau protocole instauré par la LNH en matière de commotion cérébrale.

« C’est une belle amélioration. Il faut que les équipes soient plus responsables quant aux diagnostics offerts en matière de commotion », a indiqué Lindros qui s’y connaît en la matière.

Car c’est justement parce que la direction des Flyers, incluant leur soigneur et les médecins, ont mis en doute les doléances médicales de leur ancien capitaine qu’Eric Lindros a décidé de déserter les Flyers. Il faut dire que Lindros a failli payer de sa vie cette guerre ouverte qui l’opposait aux Flyers. Retrouvé dans la baignoire de la chambre d’hôtel qu’il partageait avec son coéquipier des Flyers à l’époque (Keith Jones) après une blessure aux côtes subie lors d’un match à Nashville. Les Flyers avaient décidé de retourner Lindros à Philadelphie par avion. Keith Jones avait insisté pour qu’il soit plutôt envoyé à l’hôpital. Une décision qui a sauvé la vie de Lindros qui avait subi une perforation d’un poumon. Une blessure qui aurait été fatale s’il avait effectué l’envolée ordonnée par la direction de l’équipe.

Baisser l’intensité de 25 %

Lindros souligne également l’importance de responsabiliser les joueurs. Il convient d’ailleurs qu’il aurait dû mieux gérer sa carrière.

« Il n’y a pas que les coups que tu reçois qui sont susceptibles de te donner des commotions. Ou de te fragiliser. Il y a ceux que tu donnes. Si j’avais à tout recommencer, je peux vous assurer que je tenterais de réduire mon niveau d’intensité sur le plan physique de 25 %. Je suis convaincu que cela aurait des répercussions positives. »

Lindros tient aussi à ce que la Ligue soit plus stricte dans l’application de son protocole. « Je l’ai dit tantôt, le protocole est bon. Mais il y a des bouts de ficelles à rattacher. Le test de référence que les joueurs subissent est une farce monumentale. Les gars peuvent fausser ce test en donnant des résultats très bas pour s’assurer de le passer après un impact à la tête. Ce n’est pas normal qu’un gars ait de meilleurs résultats après une commotion que lors de son test de base. En fait, ça ne devrait jamais arriver », a plaidé Lindros.

La fluctuation de la taille des joueurs pourrait aussi contribuer à réduire les risques de commotions.

Surtout que si les gardiens n’ont jamais été aussi gros qu’ils ne le sont aujourd’hui, ce qui a poussé l’illustre gardien Rogatien Vachon qui sera intronisé lundi à dire qu’il ne serait pas même repêché aujourd’hui, les attaquants sont de plus en plus petits. Eric Lindros, qui était un colosse parmi des colosses lorsqu’il dominait la LNH, serait un colosse exceptionnel dans le hockey d’aujourd’hui.

« Les nouvelles règles ont contribué à ce changement. Avec l’accrochage tel qu’il était pratiqué et toléré à mon époque, les équipes avaient beau jeu de miser sur des gars gros et forts à défaut d’être petits et agiles. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. La qualité première des joueurs est la vitesse. Et il est plus difficile d’être rapide quand tu es gros et lourd », a souligné Lindros.

Cette vérité ne s’applique toutefois pas vraiment au principal intéressé. Car s’il est vrai que Lindros était énorme sur la patinoire, il est tout aussi vrai qu’il était très rapide et agile sur ses patins et qu’il profitait d’une touche magique en dépit de la taille imposante de ses mains.

Eric Lindros a grandi à Toronto. Il se promenait donc avec un chandail des Leafs sur le dos. Un chandail qui n’avait pas de nom entre les épaules. Pas de numéro au milieu du dos. Oui il aimait bien les Leafs, mais il aimait bien davantage Mark Messier. Son héros. Son idole. Le joueur qu’il a toujours voulu imiter. « J’avais un poster de Messier accroché sur le mur de ma chambre. J’avais un de ses bâtons. À 16 ans, j’ai eu la chance de le voir jouer. »

Pas facile de baisser son intensité physique de 25 % lorsqu’on a Mark Messier comme idole.