MONTRÉAL – Frédérick Gaudreau s’est senti renaître en 2021. Confiné à la Ligue américaine durant toute la saison précédente, le grand joueur de centre a retrouvé chez les Penguins de Pittsburgh l’aplomb qui lui avait initialement permis de faire sa niche dans la Ligue nationale.

Mais pour ce faire, celui qui avait passé six saisons dans l’organisation des Predators de Nashville a dû faire peau neuve et se délester de mauvais réflexes qui avaient gangréné sa confiance.

Un bel exemple du succès de cette métamorphose est survenu le 24 mars dans un match contre les Sabres de Buffalo, son quatrième avec sa nouvelle équipe. En fin de deuxième période, alors que les Penguins se défendaient en désavantage numérique, Gaudreau a intercepté au vol une passe de Taylor Hall en direction du point d’appui.

Quelques années plus tôt, il aurait sans doute dégagé son territoire le plus vite possible afin d’éteindre définitivement la menace. Ce n’est pas ce qui s’est passé ici. Gaudreau a plutôt servi une tasse de café à Rasmus Dahlin à la ligne bleue, puis a détalé à toute vitesse en direction du gardien adverse. Arrivé à destination, malgré la pression imposée par ses poursuivants, il a retenu son lancer et s’est plutôt déporté vers sa droite, a patienté une demi-seconde et a passé en retrait à un coéquipier qui n’a eu qu’à tirer dans un filet ouvert.  

« Je l’ai vécu à Nashville : être le gars qui ne voulait pas faire d’erreur, qui voulait s’assurer d’être safe pour garder sa place dans l’alignement. C’était plus une mentalité de peur. Sans dire que ça ne m’amenait nulle part, j’ai réalisé que ce n’était pas vraiment où était mon plein potentiel », répond Gaudreau quand on lui parle de cette séquence.

« J’ai travaillé fort pour me défaire de cet état d’esprit et en adopter un dans lequel je crée ma propre réalité, si on veut. Je me suis défait de mes peurs et j’ai travaillé à me dire : ‘Si tu veux quelque chose, arrête d’hésiter, faut juste que tu fonces’. En arrivant ici, je voulais juste aller jouer au hockey comme j’en suis capable. Je ne voulais me mettre aucune limite dans ma propre tête, me sentir libre. S’ils aiment ça, tant mieux. Sinon, au moins j’aurai montré mes vraies couleurs au lieu de montrer 25% de ce que je suis. »

Les Penguins, selon toute vraisemblance, ont aimé. Dans les premiers matchs qui ont suivi son rappel de la Ligue américaine, Gaudreau a été utilisé pendant neuf minutes et des poussières. À peine dix jours plus tard, l’entraîneur-chef Mike Sullivan lui donnait 18 minutes contre les Islanders de New York, puis 17 minutes contre les Bruins de Boston.

Jamais le Québécois n’avait eu autant de responsabilités dans la LNH et – cause ou conséquence? – il a répondu en affichant les meilleures statistiques de sa jeune carrière. En saison régulière, son compteur s’est arrêté à dix points en seulement 19 parties. Lors du bref parcours des Penguins en séries, il a ajouté trois points en six matchs.

Des atouts pour renégocier

L’élimination précoce aux mains des Islanders a été difficile à accepter, mais au niveau individuel, la dernière saison a été un franc succès pour le natif de Bromont.

« Je l’ai toujours senti au fond de moi que je pouvais jouer dans cette ligue. Il y a deux ans, j’étais à Nashville mais ça avait été une année difficile pour moi. J’avais passé toute l’année en haut, mais j’avais eu un temps de jeu assez limité et j’avais un peu perdu ma confiance avec la rondelle. Dans ma tête, peu importe la ligue, je devais jouer au hockey l’an dernier. C’est ce qui était le plus important pour rebâtir ma confiance. Et c’est ce qui s’est passé, je suis resté à Milwaukee toute l’année. Mais c’est sûr qu’après, ça devient plus difficile de remonter dans la Ligue nationale. Il faut se refaire un nom, disons. »

Avec une récolte de 28 points en 42 matchs avec le club-école des Predators, Gaudreau s’attendait à devoir attendre patiemment son tour à l’ouverture du marché des joueurs autonomes. À sa grande surprise, il a finalement parlé à une demi-douzaine d’équipes et reçu quatre offres dès sa première journée en vitrine.

« Ça a été la journée la plus folle de mon été, et probablement une des plus folles de ma vie, je te dirais. J’avais pas une seconde à perdre. Je parlais à des DG ou à leurs assistants qui me vendaient leur salade. À travers ça, il fallait que je me crée un portrait mental de chaque organisation, de leur profondeur, de la ville, du personnel d’entraîneurs. De leur côté, les équipes ne te donnent pas du temps à l’infini pour prendre ta décision parce que si c’est pas toi, ça va être quelqu’un d’autre. Il y en a qui te donne deux heures, d’autres 30 minutes, d’autres jusqu’à 20h. C’est stressant quand c’est ton avenir qui est en jeu. Mais ça a été le fun une fois la journée finie. »

Gaudreau se félicite aujourd’hui d’avoir suivi son instinct et d’avoir accepté l’offre des Penguins. Son contrat est toutefois venu à échéance à la fin de la saison, ce qui veut dire que cet exaltant processus pourrait être à recommencer d’ici quelques semaines.

À la différence que l’ancien champion de la coupe Memorial avec les Cataractes de Shawinigan devrait avoir un peu plus d’atouts dans son jeu à la table des négociations.