Avec les quelques jours de congé forcé suite à l’élimination des Canadiens en cinq petits matchs au premier tour des séries éliminatoires, j’ai regardé plusieurs rencontres au petit écran. Le premier constat : le printemps nous présente vraiment le hockey le plus intense, le plus inspiré et le plus serré qui existe. Deuxième constat : le hockey joué en séries n’a rien, mais rien à voir avec celui de la saison régulière. Conclusion : est-ce vraiment ce que l’on veut?

Je m’explique. Pourquoi mettre en valeur la vitesse, éliminer l’obstruction et prôner une production offensive plus grande en saison pour favoriser l’endurance physique et le jeu robuste en séries. Croyez-moi, j’apprécie les bonnes mises en échec et je ne détourne pas mon regard lorsque les gants tombent sur la glace. Je comprends aussi que certains préfèrent ce style de jeu serré et intense, comme gardien j’aimais bien que mes défenseurs puissent plus librement défendre notre territoire. Mais les confrontations et les duels engendrés dans l’après-saison relèvent parfois plus d’un combat de lutte, ou d’un concours de bûcherons que du hockey fluide et porté sur l’attaque. Je pense qu’en 2013, nous sommes rendus ou, plutôt, nous devons nous rendre ailleurs. Comme joueur, je préconisais une approche de laisser-faire, laisser-aller, alors que je savais que c’était hors de notre contrôle. Aujourd’hui, comme analyste qui pense aux amateurs, je me demande sur quel pied danser alors que, de toute évidence, le style favorisé lors des séries est diamétralement opposé à celui préconisé en saison régulière.

Imaginez-vous alors en tant que dirigeant qui doit trouver l’équilibre parfait entre talent et robustesse mais qui part de loin, mettons comme les Leafs ou les Canadiens…Pas évident. L’exemple du CH est probant cette saison. Un club bâtit pour la vitesse et l’exécution, pour gagner des courses vers la rondelle et pour faire circuler le disque en supériorité numérique et en transition depuis la ligne bleue. Une équipe qui a tellement donné de maux de têtes à l’adversaire en saison qu’elle s’est vu offrir le plus grand nombre d’occasions en jeu de puissance de toute la LNH. En fait, 18 occasions de plus que les deuxièmes, les Red Wings eux aussi très habiles et rapides, et 27 de plus que les Devils, seconds dans l’Est.

Le Tricolore a bénéficié d’une minute par match de plus de supériorité numérique que le New Jersey. Si on considère que Montréal a présenté le cinquième meilleur taux d’efficacité du circuit en avantage et que les buts avec un patineur en plus représentent près de 30% de toute la production offensive du groupe (comparativement à  17% pour Chicago et 25% pour Pittsburgh, les deux puissances) on identifie donc là l’une des raisons principales des succès et du deuxième rang difficilement arraché par les Canadiens. Or, une fois le tournoi printanier amorcé, finies les punitions d’accrochages automatiques lorsque le bâton de l’adversaire devient parallèle à la glace; terminée l’obstruction systématique signalé contre les défenseurs mal pris; on lève maintenant les yeux sur les coups de bâtons et les coups d’épaules loin de la rondelle, bref, on n’est plus régi par la même rigueur quant à l’interprétation des infractions commises.

Le hockey sera toujours une succession de combats et de duels à un contre un pour obtenir une position avantageuse, ou la possession de la rondelle, j’en conviens et c’est ce qui fait du hockey un sport à la fois simple en surface et, parfois, complexe dans les menus détails. Le gabarit, ou plus spécifiquement la force physique, aura toujours une influence sur le résultat d’une bataille à un contre un. La hargne, l’acharnement et le désir seront toujours des facteurs prépondérants dans l’obtention d’une certaine dose de succès et doivent le demeurer.

Une uniformité, de la saison aux séries, de l’Est à l’Ouest, d’un match à l’autre, dans la façon de donner le ton en ce qui a trait à ce qui sera toléré, ou non, ne brimerait en rien l’aspect robuste et l’augmentation du niveau d’intensité, car il s’agit des athlètes les plus dédiés et les plus brillants de leur sport. Ne minimisons pas leur capacité à s’adapter rapidement à un environnement qui serait encore plus propice à du jeu spectaculaire sans compromis.

Le mot de la fin revient donc aux directeurs généraux. Mike Gillis disait que le changement de style entre la saison et le premier tour demandait des ajustements à sa formation. Marc Bergevin, lui, a fait allusion à un équilibre à atteindre entre gabarit et rapidité, mentionnant au passage que les 30 organisations avait le désir d‘être plus gros, plus vite, plus fort. Ne serait-il pas temps également de faire un pas en avant autrement ,sans avoir à changer le visage du hockey que nous apprécions tant.