DENVER - Jonathan Bernier aura 30 ans cet été. Promis à une très belle carrière lorsque les Kings de Los Angeles l’ont repêché en première ronde – 11e sélection – de la cuvée 2006, le gardien québécois n’a jamais pu s’installer à titre de véritable gardien numéro un dans la LNH.

Oui! Il y a bien eu l’aventure avec les Maple Leafs de Toronto qui lui ont donné ce rôle en 2013-2014 et 2014-2015. Mais sous la gouverne de Mike Babcock, Lou Lamoriello et Brendan Shanahan, les Leafs de cette époque étaient en mode « plongée » afin d’atteindre le fond du baril pour mieux remonter ensuite. Le mandat que Bernier a tenté de relever avait alors bien plus de chances de lui sauter au visage que de l’assurer d’une place parmi les bons gardiens numéro un de la Ligue.

 

C’est d’ailleurs ce qui lui est arrivé.

 

Car après avoir vu les Kings jeter leur dévolu sur l’autre Jonathan – Jonathan Quick a largement contribué aux deux conquêtes de la coupe Stanley (2012 et 2014) en trois ans –, Bernier a vu les Leafs lui préférer Frederik Andersen lorsqu’est venu le temps de gagner avec les Auston Matthews, Mitch Marner et autres jeunes acquis durant la fin de la grande noirceur à Toronto.

 

Andersen et Bernier se sont croisés quelque part entre Anaheim et Toronto – les Leafs ont donné des choix de première (Sam Steel) et deuxième ronde (Maxime Comtois) en 2016 pour Andersen alors que les Ducks, quelques semaines plus tard, ont offert un choix conditionnel en 2017 pour acquérir Bernier – mais à son arrivée avec les Ducks, le gardien québécois a été contrait de partager le travail avec l’excellent jeune gardien John Gibson à qui le poste de numéro un était pratiquement promis.

 

Après toutes ces années, étapes et épreuves au cours desquelles Bernier a dû compter sur une grosse dose de patience et une plus grosse encore dose de confiance pour garder espoir, le voilà devant la cage de l’Avalanche du Colorado. En séries éliminatoires de surcroît.

 

Bon! Bernier a toujours l’étiquette de numéro deux accrochée à son chandail. Mais en l’absence de Semyon Varlamov qui s’est blessé en fin de saison à un genou, Bernier assume jusqu’à nouvel ordre le rôle de numéro un et la pression qui vient avec.

 

Plus qu’une vengeance personnelle

 

Lundi soir, ses 30 arrêts aux dépens des Predators lui ont permis de signer sa deuxième victoire en carrière en séries éliminatoires. Une deuxième en six décisions. Son premier gain depuis le 17 avril 2017 aux dépens des Flames de Calgary alors qu’il était venu en relève devant la cage des Ducks.

 

Cette victoire lui a aussi permis de savourer une revanche aux dépens de Nashville qui lui ont infligé, le 22 mai dernier, un revers de 6-3 pour remporter la finale de l’association ouest et passer en finale de la coupe Stanley face aux Penguins de Pittsburgh.

 

Pendant que son fils Tyler jouait avec le masque et une des mitaines de son papa, Jonathan Bernier a esquissé un petit sourire de satisfaction lorsque je lui ai souligné cette petite vengeance.

 

Le gardien québécois a toutefois assuré que la satisfaction de la victoire de lundi dépassait largement les paramètres d’une petite vengeance personnelle.

 

« L’an dernier, je me suis retrouvé devant le filet en relève à John Gibson qui s’est blessé lors du cinquième match. Je n’étais pas dans le coup. Je suis le genre de gardien qui aime lire le jeu pour anticiper ce que l’adversaire va faire contre moi. Quand tu ne vas devant le but que de temps en temps, il est difficile de rester bien aiguisé en matière de lecture du jeu. Cette année, je sais depuis un bon moment ce qui m’attend. Je me suis bien préparé. Autant physiquement que mentalement, j’avais hâte d’affronter les Predators parce que nous croyons vraiment tous en nos chances de l’emporter », expliquait Bernier après le gain de 5-3 de lundi.

 

Un an pour faire ses preuves

 

Débarqué à Denver après s’être entendu avec l’Avalanche sur les paramètres d’un contrat d’un an (2,75 millions $) Bernier sait qu’il joue gros ce printemps. Une victoire en première ronde contre l’Avalanche et une aventure plus longue que prévu en séries lui servirait de tremplin de premier plan pour obtenir un contrat. Que ce soit à Denver où ailleurs dans la LNH. Surtout que la saison régulière, la neuvième complète de sa carrière, n’a pas été facile avec des blessures – une commotion cérébrale et une infection au doigt – qui l’ont gardé sur la touche pendant près d’un mois.

 

Mais Bernier ne pense pas à après-demain. Il se concentre uniquement sur demain et sur le défi qu’il aura à relever.

 

« Nous sommes dans la course aux séries depuis que je suis revenu de ma blessure. On dirait qu’on se prépare pour les séries depuis trois mois. Quand "Varly" s’est blessé, j’ai obtenu les quatre derniers départs de la saison. Ça m’a beaucoup aidé parce qu’on n’avait pas de marge d’erreur. On a même dû gagner notre toute dernière partie contre St Louis pour assurer notre place en séries. Ça m’a donné beaucoup de confiance. Et cela en a donné beaucoup à l’ensemble de l’équipe. On forme une bonne équipe. On est jeune. Mais à la maison, on patine vraiment plus qu’à l’étranger. On est très fort à domicile et nous comptons sur les matchs trois et quatre pour niveler les chances », assurait le gardien qui semble en grande forme.

 

Bernier a été nullement affecté par les commentaires de son entraîneur-chef Jared Bednar qui soulignait après les deux premières défaites que son gardien devait être meilleur.

 

« Ça ne m’a pas affecté parce que je ne les ai pas entendus. Cela dit, ça ne m’aurait pas affecté non plus, car je suis le plus sévère critique à l’égard de mes performances. Il avait raison. Je devais effectuer les gros arrêts lundi alors que je ne les avais pas effectués à Nashville », a admis Bernier.

 

Malgré l’absence de Semyon Varlamov – c’est Andrew « hamburglar » Hammond qui est l’adjoint de Jonathan Bernier – les joueurs de l’Avalanche vouent une confiance sans bornes à l’égard du gardien québécois.

 

« Il a été très bon pour nous tout l’hiver. Il a gagné ses 10 derniers matchs au Pepsi Center – une nouvelle marque d’équipe alors que Daniel Bouchard, avec les Nordiques en 83-84 – avait signé neuf gains consécutifs au Colisée – et a connu une séquence de neuf victoires de suite en saison régulière. C’est un solide vétéran. Notre équipe a dû composer avec les blessures toute la saison. "Bernie" a prouvé ses qualités tout au long de l’année et nous avons la même confiance en lui que nous avons en "Varly". Nous comptons sur deux excellents gardiens », a souligné le Nikita Zadorov dont la qualité du travail en zone défensive aide grandement la cause de son – ou ses – gardien.

 

Peu importe le dénouement de la série qui l’oppose aux Predators, l’Avalanche aura connu un revirement de situation historique avec une fluctuation à la hausse de 47 points au classement général. L’histoire nous dira dans quelques années si Jonathan Bernier aura autant servi la cause de l’Avalanche que l’Avalanche aura servi la cause du gardien québécois. Mais pour le moment, cette équation ne compte pas. Car l’Avalanche et Bernier ont autant besoin de l’un et l’autre pour poursuivre leur ascension vers des jours meilleurs dans la LNH.