MONTRÉAL – Dans le vestiaire des Red Wings de Detroit, personne n’a oublié la claque qu’avait encaissée l’équipe lors de sa dernière visite à Montréal.

 

Ce soir-là, les Wings avaient essuyé une humiliante cuite de 10-1. « Une volée », a défini l’attaquant Anthony Mantha lundi matin. « Une défaite qui n’a pas été facile à digérer », n’a pas caché son compatriote Xavier Ouellet.

 

« Ça avait été une soirée brutale, a reconnu l’entraîneur-chef Jeff Blashill. Le lendemain, j’ai accompagné mon fils à son match de hockey et alors qu’on s’apprêtait à entrer dans l’aréna, il m’a dit : ‘Ça ne sera pas facile pour toi ici aujourd’hui, papa’. Inutile de se conter des histoires, ça avait été dur. »

 

Dans une saison de 82 parties, chaque équipe est appelée à connaître une soirée qui râpera son orgueil. Le problème des Wings, c’est que le désastre du 2 décembre n’est que l’arbre qui cache la forêt. Parce qu’elle frappe l’imaginaire, la défaite de 10-1 fait oublier que les Wings en avaient subi six de suite auparavant. Et malheureusement, ce genre de séquences fut la norme cette année à Hockeytown, où on se prépare pour un deuxième printemps de suite sans séries, du jamais vu en 35 ans.

 

Vous croyez que le Canadien en arrache? Regardez un peu la récente feuille de route des prochains visiteurs au Centre Bell. Vous y recenserez 12 défaites à leurs derniers 13 matchs.

 

« Chaque jour est un nouveau défi, mais on ne joue pas du mauvais hockey présentement, tient à relativiser Blashill en faisant référence aux récentes défaites par la marge d’un but encaissée contre les Capitals de Washington et les Maple Leafs de Toronto. Même lors de nos défaites successives sur la côte ouest, c’était loin d’être parfait, mais les gars laissaient tout sur la patinoire et notre structure tenait en place. Le problème, c’est qu’on trouve des façons de perdre. C’est ce que font les mauvaises équipes et c’est ce que nous faisons présentement. »

 

Mais Blashill n’était pas venu à Montréal pour pousser ses joueurs sur la rame du métro. Après un entraînement matinal optionnel auquel ont participé la majorité de ses hommes, celui qui achève sa troisième année à la succession de Mike Babcock a vanté le niveau d’engagement d’un groupe qui, martèle-t-il, n’a pas baissé les bras et veut profiter de ses sept derniers matchs pour laisser une bonne impression.

 

« Nos vétérans ont fait un travail sensationnel pour montrer aux plus jeunes, même dans nos périodes les plus creuses, qu’il n’est jamais trop tard pour faire preuve de caractère, pour travailler comme un fou dans les matchs et les entraînements. Ils ont été exemplaires, et je ne parle pas seulement des gars comme [Henrik] Zetterberg et [Niklas] Kronwall. La liste est longue! Je parle d’Abdelkader, de Trevor Daley, de Mike Green et de Frans Nielsen, quand il était en santé. »

 

Maux de tête en vue

 

Blashill a raison sur un point : la liste de vétérans est longue, mais c’est justement là que réside une partie du problème auquel font face les Red Wings. Avant d’affronter le Canadien, Detroit occupait le 27e rang du classement général de la LNH. Inversement, sa masse salariale est la neuvième plus élevée du circuit, selon CapFriendly.

 

D’imposants contrats consentis à des joueurs vieillissants et/ou improductifs se dressent comme des clous à deux têtes dans le projet de reconstruction de l’équipe. Le vénérable Zetterberg, 37 ans, pourrait toucher un salaire légèrement supérieur à 6 M$ pour les trois prochaines années. Nielsen, qui aura 34 ans le mois prochain, est sous contrat jusqu’en 2021-22 à un salaire annuel de 5,25 M$. Abdelkader, qui n’a marqué que 19 buts à ses 132 derniers matchs, touchera 4,25 M$ pour chacune des cinq prochaines saisons. En défensive, seul le lourd contrat de Green pourra être effacé des livres après le 1er juillet.

 

De surcroît, les Wings devront traîner le salaire du retraité Johan Franzen pour encore deux ans, un boulet de près de 4 M$. Le rachat du contrat de Stephen Weiss leur coûtera également 1,66 M$ pour les trois prochaines années.

 

Sans compter que les jeunes Mantha et Dylan Larkin écoulent présentement la dernière année de leur contrat d’entrée dans la LNH et seront joueurs autonomes avec compensation cet été. Les deux devraient obtenir des augmentations substantielles. Le contrat d’Andreas Athanasiou, 23 ans, devra aussi être renégocié.

 

Bien des maux de tête, donc, qu’on ne sait pour l’instant pas trop à qui attribuer. L’incertitude plane quant à l’avenir du directeur général Ken Holland, dont le contrat arrive à échéance et qui tarde à recevoir un vote de confiance du propriétaire Christopher Illitch.

 

À Montréal, pour souffler sur les braises de l’espoir des partisans du Canadien, l’exemple de l’Avalanche du Colorado a souvent été soulevé cet hiver comme preuve qu’un remaniement complet de l’effectif n’était pas toujours nécessaire pour une amélioration drastique des résultats. L’Avalanche, le visage de la médiocrité dans la LNH pas plus tard que l’an dernier, tient actuellement son bout dans la lutte pour une place aux séries dans l’Ouest.

 

Les Red Wings peuvent-ils rêver à un revirement de situation aussi rapide?

 

« C’est difficile à dire, répond Blashill, lucide. Pour gagner dans cette ligue, vous avez besoin de jeunes vedettes à leur apogée. Est-ce qu’on est proches? Eh bien, voyons si certains de nos gars peuvent devenir des stars. Peuvent-ils franchir la marche suivante et devenir des stars? Larkin et Mantha sont de bons jeunes joueurs. Peuvent-ils atteindre le plateau supérieur? »

 

Dans l’affirmative, Blashill croit que les Wings pourraient suivre les traces non pas de leurs vieux rivaux du Colorado, mais d’une équipe comme les Devils du New Jersey. Tirés par Taylor Hall et un impressionnant contingent de recrues mené par Nico Hishier, les Devils sont en bonne position pour se qualifier pour les séries pour la première fois en six ans.

 

« Ils ont un paquet de jeunes qui ont atteint un autre niveau. Ils ont ajouté quelques morceaux et ont joué de chance en obtenant le premier choix au repêchage. Il ne faut pas négliger le facteur chance! Le serons-nous, que ce soit en héritant d’un choix de qualité ou en dénichant un Barzal ou un McAvoy? Ces gars-là viennent à peine d’être repêchés, mais ce sont déjà des stars. »