Section spéciale Repêchage LNH 2019

Repêchage 2019 : fais ton classement

 

VILLE MYSTÈRE – L’espoir X se lève de son vélo stationnaire et lance un « tabar... » bien senti en quittant la pièce située au fond du gymnase. Immédiatement, les trois autres espoirs qui s’entraînent avec lui éclatent de rire, ils savent trop bien que leur partenaire se dirige vers les toilettes pour vomir. 

 

Quelques secondes plus tôt, rien ne laissait présager cette conclusion. L’espoir X et ses partenaires repoussaient leurs limites physiques sous une musique entraînante qui ne parvenait pas à enterrer le son provoqué par leurs puissantes poussées sur les pédales.  

 

C’est normal que la machine déraille lorsqu’on vient de pousser son corps jusqu’à ce point.  Cependant, ça devient fâchant lorsque ça survient deux semaines avant les exercices de la semaine d’évaluation de la LNH à Buffalo.

 

Malgré ses efforts, il n’a pas pu éviter que ça se reproduise lors de ce grand rendez-vous. Maintenant que tout ça est derrière lui, il n’a qu’à patienter jusqu'au 22 juin, date à laquelle il devrait être repêché à Vancouver. Ce n’est qu’ensuite que nous vous dévoilerons son identité.

 

D’ici là, à l’instar d’un exercice fait récemment par Sports Illustrated en marge du repêchage de la NFL, et duquel nous nous sommes inspirés, nous vous invitons à deviner le joueur qui s’est prêté au jeu.

 

La première chose à savoir, c’est que l’espoir X ne fait pas l’unanimité. Des intervenants de son équipe de la LHJMQ se demandent même parfois s’il ne préfère pas l’autre sport auquel il s’adonne.

 

Mais l’énigme est bien plus complexe à résoudre. Quelques recruteurs ont l’impression d’être plongé dans un jeu d’évasion tellement ils se cassent la tête pour prévoir la suite de sa carrière.

 

« Tu parles au mauvais gars! Disons que ce n’est pas mon type de joueur, mais ça se peut que je me trompe », a lancé l’un des recruteurs sondés.

 

« Son potentiel est assez impressionnant. Mais a-t-il le désir pour investir le temps et les efforts? », s’est demandé un autre dépisteur.

 

Pendant ce temps, d’autres formations de la LNH ont tenu à souper deux fois avec l’espoir X pour essayer de mieux le cerner.

 

« Il y a des équipes qui m’ont appelé trois et quatre fois à son sujet. Parfois, j’ai l’impression que des équipes m’appellent parce qu’elles sont hésitantes. Elles voudraient que je leur dise de le repêcher, mais ce n’est pas mon rôle », a expliqué son entraîneur qui s’est tourné vers une formule qui le décrit très bien.

 

« On dit souvent qu’un jeune a tous les outils. Dans son cas, il lui manque le coffre. » 

 

Mal à l’aise d’être aussi doué sportivement?

 

« Ça m’a pris une minute pour comprendre que j’avais toute une bibitte entre les mains! »

 

Ces paroles sont celles de son préparateur physique, une ressource qui est devenue essentielle pour les hockeyeurs qui aspirent à une carrière professionnelle.

 

« Je travaille avec lui depuis environ trois ans. Au début, je me disais ‘Wow, il sort d’où?’ À un point que je me demandais quel était son défaut. Tu sais, un peu comme si tu rentrais chez Ferrari et qu’il y avait un modèle à 40 000$. Il ne réalise pas le potentiel qu’il a. J’ai toujours dit ‘Attention à la journée qu’il va sortir de sa coquille’. »

 

Introverti, réservé, timide. La vérité se trouve quelque part dans ces trois mots pour dessiner sa personnalité. Là où il s’exprime le mieux, c’est via le sport. Il se sent plus à l’aise avec un bâton de hockey, de golf, de baseball, une raquette de tennis ou l’outil sportif de votre choix.

 

Mais, encore là, l’espoir X ne se laisse pas aller aussi librement qu’il le pourrait. On l’a ressenti en l’écoutant se confier et c’est là qu’on lui a demandé s’il était un peu mal à l’aise d’être souvent le meilleur, peu importe le sport.

 

« Ouais, un peu », a avoué l’espoir X dans une révélation assez lourde de sens. Pour que son potentiel fleurisse, les recruteurs de la LNH voudraient qu’il assume son talent davantage.

 

Son préparateur physique est venu renchérir sur le sujet.

 

« Il y en a qui ont une douance à l’école, lui c’est une douance athlétique. Mais je ne veux pas dire que c’est juste inné, parce qu’il aime s’entraîner. Le hic, c’est qu’il a tendance à mettre les autres sur un piédestal. »

 

De nos jours, l’information circule plus vite que jamais à propos des joueurs. Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, n’a pas eu besoin qu’on l’aiguille sur ce cas intrigant. Son groupe de dépisteurs a bien saisi le jeune homme.

 

« Ce qui s’applique avec lui, c’est que tout le monde se développe à sa vitesse et tu ne peux pas accélérer le rythme d’un athlète. Dans son cas, il franchit les étapes 1-2-3-4-5, il n’est pas du style à faire 2-4-6-8-10. Je crois qu’il va continuer de progresser et il réalisera qu’il détient tout un arsenal pour devenir un très bon joueur. »

 

L’incertitude quant à son véritable potentiel ne date pas d’hier. Selon ce qu’on a pu se faire raconter, les dépisteurs de son équipe LHJMQ avaient tenu un petit pari amical avec des confrères qui doutaient du destin qui l’attendait.

 

Un défaut et une qualité à la fois

 

Des millions de choses à se soucier, des millions d’engagements à respecter. L’année de repêchage renferme tout ce qu’il faut pour déstabiliser un jeune athlète. À titre d’exemple, les Ducks d’Anaheim ne regrettent assurément pas la sélection de Maxime Comtois qui n’avait pourtant pas connu la production espérée avant le repêchage.

 

N’étant pas le plus nerveux de sa cuvée, l’espoir X affirme qu’il n’a pas été étouffé par ce contexte particulier. Par contre, il ne raffole pas de recevoir autant d’attention. À preuve, un ton blasé s’empare de sa voix quand il fournit cette réponse.  

 

« C’est sûr qu’il y avait beaucoup de gens qui n’arrêtaient pas de me dire : ‘Penses-tu être repêché?’, ‘En quelle ronde?’, ‘Pour quelle équipe aimerais-tu jouer?’ »

 

La famille joue un rôle majeur pour atténuer ces préoccupations constantes. De l’autre côté de la médaille, les parents ont effectué tellement de sacrifices qu’ils vivent cette année de repêchage avec intensité. L’espoir X le confirme sans aucun filtre quand il parle de son père.

 

« Je pense qu’il est plus stressé que moi! Il n’arrête pas d’en parler. Disons que je ne l’écoute pu tout le temps », a admis en riant le jeune adulte qui n’est pas le seul à agir de la sorte avec ses parents.

 

Au grand dam de quelques recruteurs, il semble que le style de jeu de l’espoir X est un miroir de sa personnalité.  

 

L’un de ses bons amis dans l’équipe n’a pas sursauté en entendant la question. Il y perçoit même du positif.

 

« Il y a sûrement des recruteurs qui s’interrogent là-dessus, mais il est comme ça. On ne peut pas changer une personne. C’est à prendre ou à laisser. Ce n’est pas juste négatif. Sur la glace, ça lui arrive de prendre des meilleures décisions parce que sa game n’est pas toute all in », a-t-il plaidé.

 

« C’est sûr qu’il faudrait que je sois un peu plus allumé. Ce n’est pas la première fois que je l’entends », a admis le patineur.

 

Les recruteurs qui auront poussé leurs démarches jusqu’à ce point auront sans doute décelé un élément rassurant : ce sentiment qui l’anime de pouvoir s’ajuster à chaque jalon à franchir. Des organisations, qui disposent de plusieurs choix cette année - comme le Canadien, les Devils et les Kings - pourraient se laisser tenter plus facilement par ce « beau risque ».

 

L’espoir X est disparu dans le vestiaire du gymnase pendant de longues minutes. Comme l’avait prédit son préparateur physique pour le taquiner, il en est ressorti vêtu digne d'une carte une de mode. Personne n’aurait pu deviner l’épisode moins chic qu’il a connu moins d’une heure plus tôt dans ce vestiaire.

 

*Avec la collaboration de Mikaël Filion