MONTRÉAL – Dimanche après-midi, seul sur la patinoire, Philippe Maillet ne pouvait pas être plus heureux. Ses coéquipiers l’ont laissé savourer ce moment à quelques minutes de sa première partie dans la LNH à 28 ans!

Vêtu du chandail rétro numéro 16 des Capitals, Maillet ne pouvait sans doute pas s’empêcher de repenser au fait qu’il a déjoué toutes les prévisions. Ignoré au repêchage, Maillet s’est accroché à son but même si ça impliquait de bûcher durant quatre ans dans la LHJMQ, quatre ans avec les Reds de l’Université du Nouveau-Brunswick et près de quatre ans dans la Ligue américaine. 

Après avoir vécu tout ça, que dirait-il au jeune homme de 17 ou 18 ans qui n’avait pas convaincu les équipes de la LNH de miser sur lui. 

« Je lui dirais d’attacher sa ceinture parce que ce sera une ride assez rocambolesque, mais elle vaudra chaque seconde. Le feeling d’embarquer sur la glace et de faire mon premier tour en solitaire (pendant l'échauffement), personne ne pourra me l’enlever. J’aime me dire que d’avoir attendu aussi longtemps, ça rend le tout encore plus savoureux », a raconté Maillet, lundi après-midi. 

La fierté se ressentait dans chaque mot qui sortait de la bouche du Québécois qui venait de prouver que son chemin inusité pouvait aussi mener à l’objectif ultime. Cette route cahoteuse a même épaté son entraîneur-chef, Peter Laviolette, qui a pris quelques instants, juste avant le match, pour exposer le parcours de Maillet devant tous ses coéquipiers afin de saluer sa persévérance. 

« Il m’a souhaité bonne chance avant le match et c’était déjà beaucoup. Mais qu’il décrive mon parcours, c’était quelque chose de très spécial pour moi. Il m’a dit que j’avais eu un chemin particulier et qu’il était fier de me donner ma chance », a commenté Maillet en vantant le respect dont jouit Laviolette. 

Au fil de son parcours, Maillet a développé une belle et grande amitié avec Matt Moulson qui a également atteint la LNH tardivement, à 24 ans. Moulson a rendu un superbe hommage à Maillet sur Twitter en allant jusqu’à dire qu’il jouait encore au hockey en grande partie grâce à lui. 

Moulson, qui a récolté 369 points dans la LNH, n’était pas surpris du geste posé par Laviolette. 

« Je comprends pourquoi il respecte autant le chemin parcouru par Philippe. Son cheminement a été plus particulier que la majorité des joueurs. C’est assurément une très belle histoire pour les plus jeunes et particulièrement au Canada où tout le monde croit qu’il faut atteindre à la LNH à 9 ans », a lancé, en riant, Moulson qui n’a pas tardé à rappeler le RDS.ca quand il a su que l’entrevue porterait sur Maillet. 

Moulson et Maillet ont été réunis sur le même trio à mi-chemin de la saison 2017-2018 dans la Ligue américaine, avec le Reign d’Ontario. Une association qui a porté fruits aux deux hommes pendant trois saisons.

« Depuis ce temps, on a été des coéquipiers et des partenaires. Quand j’ai signé avec les Capitals, il a signé quelques semaines après avec Hershey (le club-école). À l’extérieur de la glace, je suis toujours le bienvenu dans sa famille, avec les enfants. C’est un très bon ami. Il connaît mon histoire et il sait à quel point j’ai travaillé très fort pour me rendre ici. J’ai vu ses mots ce matin (lundi) et j’étais très touché. Il a eu une belle carrière et je suis encore bien loin de pouvoir le rejoindre, mais il est vraiment content pour moi », a témoigné Maillet, un ancien des Tigres de Victoriaville. 

Moulson sait pertinemment que l’option du hockey universitaire canadien ne regorge que de quelques exceptions à la Mathieu Darche. 

« C’est une superbe preuve de son dévouement. Il s’est amélioré année après année. Durant le dernier droit de la saison précédente, il était parmi les meilleurs joueurs de la LAH. C’est juste vraiment beau de voir que tout son travail a rapporté », a vanté Moulson. 

Même dans une organisation du circuit Bettman, une réussite comme celle de Maillet peut devenir une inspiration. 

« Des gars comme lui ont continué de foncer avec une grande éthique de travail, ils se sont accrochés à leur rêve. Il faut accorder beaucoup de crédit à un joueur comme Philippe », a convenu Laviolette. 

Une prestation très encourageante 

Le duel avait lieu contre les Flyers ce qui mettait en relief l’immense différence entre le parcours de Maillet et celui de Sean Couturier qui est né un mois plus tard que celui-ci. Repêché au huitième rang en 2011, Couturier a réussi l’exploit de s’établir dans la LNH à 18 ans. 

« Je suis né la même année que lui et la rivalité entre Victoriaville-Drummondville a toujours été très présente dans la LHJMQ. C’était le fun de le retrouver sur la glace », a souligné Maillet qui a dû s’armer de patience.  

« Comme les gens le savent maintenant, j’ai 28 ans donc j’attendais ça depuis longtemps, mais je suis vraiment content de la manière dont ça s’est déroulé. Je suis content que ce soit chose du passé et je pourrai arrêter d’y penser », a confié Maillet qui vivait en quelque sorte son Super Bowl. 

« Ç’a été une journée riche en émotions dont quand j’ai annoncé à mes parents et ma famille que je jouerais mon premier match. J’ai eu un peu de misère à dormir, c’est certain », a-t-il ajouté. Philippe Maillet et Nicolas Aubé-Kubel

Maillet n’est pas dupe, il comprend que c’est le contexte particulier de la COVID-19, qui frappe les Caps, qui a mené à son entrée en scène. Cela dit, il demeure une ressource intéressante et peu dispendieuse pour Washington dont la marge de manœuvre financière est limitée sous le plafond salarial.  

« J’ai trouvé qu’il a joué un match très solide. Il est rapide et il a du talent. Il a regardé pour générer de l’attaque et il a eu quelques jeux vers le filet. Il a disputé une bonne partie et il a saisi l’occasion considérant notre situation actuelle », a jugé Laviolette. 

Au bilan, Maillet a patiné pendant 8 :02 sur la surface glacée, il a remporté deux de ses quatre mises au jeu et il a décoché un tir au filet. De plus, il a terminé avec un différentiel neutre ce qui n’est pas mauvais dans un revers de 7 à 4.  

L’athlète de cinq pieds dix pouces et 190 livres doit désormais trouver une manière de s’établir dans la LNH. Il prétend qu’il n’a jamais conclu que son but ultime lui échapperait. 

« J’aime penser que non, je suis du style à garder une attitude positive. Mais, c’est certain que ça devient difficile de voir d’autres joueurs être rappelés même si tu es content pour eux. Tu te demandes quand ton tour viendra et s’il viendra. En arrivant dans la Ligue américaine, l’entonnoir se referme et les gars sont meilleurs. Mais l’entraîneur du Reign (Mike Stothers) a vu quelque chose en moi, il aimait mon énergie et mon éthique de travail. Il m’a donné ma chance et, souvent, quand c’est le cas, je ne la laisse pas passer. [...] J’ai continué de garder la tête haute et je suis récompensé maintenant », a conclu Maillet que l’on n’imagine pas disparaître du portrait après avoir refusé de jeter l’éponge pendant tant d’années.