BUFFALO – S’il avait pu obtenir un bref aperçu du futur, l’automne dernier, Jesperi Kotkaniemi aurait été le premier étonné d’entendre son nom sur toutes les tribunes à l’approche du repêchage de la Ligue nationale.

 

Au début de la saison, l’un des espoirs les plus intrigants de la cuvée 2018 ne s’attendait même pas à décrocher un poste régulier avec l’équipe pro d’Ässät, son club en ligue élite finlandaise.  « Parce que j’ai 17 ans! », s’exclame-t-il quand on lui demande pourquoi. « Ce n’est pas normal, en Finlande! »

 

Kotkaniemi s’attendait à jouer une trentaine de matchs. Il a fini par en jouer 57 et a terminé la saison au troisième rang du classement des pointeurs de son équipe. « Ça a été une grosse surprise pour moi », disait-il lors de son récent passage à Buffalo pour participer à la semaine d’évaluation des joueurs admissibles à l’encan annuel de la LNH.  

 

Au rayon des surprises, Kotkaniemi n’a peut-être encore rien vu. À Montréal, son nom est sur toutes les lèvres à moins d’une semaine du coup d’envoi de la première ronde. Considéré comme le meilleur joueur de centre de sa cohorte – il est utilisé comme ailier en Liiga, mais à sa position naturelle sur la scène internationale – sa cote est en hausse. Des observateurs crédibles voient en lui la solution au plus ancien problème du Canadien et croient même que Marc Bergevin devrait utiliser le troisième choix de l’encan pour s’assurer de ses services.

 

Pas de pression, le jeune.

 

« J’ai entendu dire qu’ils voulaient repêcher un centre... J’espère que ça sera moi! », s’esclaffe-t-il de bon cœur quand cette possibilité lui est relayée.

 

La courbe de popularité de Jesperi Kotkaniemi au cours de la dernière saison est directement proportionnelle à la qualité de ses performances. Plusieurs n’ont pas hésité à qualifier de « médiocre » celle qu’il a livrée au tournoi Ivan Hlinka. Mais quelques mois plus tard, il a été l’un des derniers joueurs retranchés au camp de sélection de la Finlande en vue du Mondial junior, et ce même s’il n’avait célébré son 17e anniversaire de naissance qu’en juillet. Puis à la fin de l’année, il a été l’un des meilleurs joueurs du Championnat du monde des moins de 18 ans, clôturant la compétition avec neuf points en sept parties.

 

D’autres chiffres à prendre en considération : il mesure 6 pieds 2 pouces et la Centrale de recrutement de la LNH le répertorie à 181 livres. « J’aime aller dans les coins et en avant du but. J’aime batailler dur pour la rondelle », juge-t-il important de spécifier.

 

Et quand il la possède, cette rondelle, Kotkaniemi est considéré comme un fin fabricant de jeu doté d’une compréhension de son environnement et d’une prise de décision au-dessus de la moyenne.

 

« On peut travailler sur son coup de patin, son lancer ou ses passes, mais le sens du jeu, on l’a ou on ne l’a pas. Lui, il l’a, assure Goran Stubb, le dépisteur en chef du secteur européen de la Centrale. Il maîtrise toutes les facettes du jeu et est digne de confiance autant offensivement que défensivement. »

 

Des réserves

 

Mais tous ne sont pas prêts à sauter dans le train qui transporte le fan club grandissant de Kotkaniemi.

 

Pour tous les bons mots qu’il a à son sujet, Stubb l’a classé au sixième rang sur sa liste finale des plus beaux espoirs ayant évolué sur le Vieux Continent cet hiver. Ça a beau être un bond de trois rangs comparativement à son classement de mi-saison, il manque encore quelques voyelles pour épeler l’expression « valeur sûre ».

 

« Disons ça comme ça : il y a Rasmus Dahlin qui est dans une classe à part. Par la suite, entre le deuxième et le dixième rang, l’écart n’est pas énorme entre chaque joueur. Ils sont tous très bons », explique Goran Stubb pour justifier ses décisions.

 

La réticence est encore plus grande du côté d’ISS Hockey, une firme d’évaluation indépendante qui considère Kotkaniemi comme le 16e plus bel espoir du repêchage 2018, derrière notamment six autres joueurs de centre. ISS Hockey n’estime même pas que Kotkaniemi est le meilleur Finlandais à sa position puisqu’elle le place juste derrière son compatriote et bon ami Rasmus Kupari, un marchand de vitesse qui a obtenu 14 points en 39 matchs avec Kärpät en Liiga.

 

« Notre plus grosse source d’inquiétude, c’est son potentiel offensif, justifie le recruteur en chef de l’agence, Dennis McInnis. Il est un choix sûr puisqu’il offre du jeu fiable et robuste dans les trois zones, mais on doute qu’il puisse devenir un centre numéro un. On le voit se développer comme un joueur de deuxième trio. »

 

« On croit que ce serait tiré par les cheveux de le repêcher au troisième rang, poursuit McInnis. Je sais que c’est un besoin [pour Montréal], mais si j’ai un choix dans le top-5, je veux l’investir dans un attaquant de pointe ou un défenseur numéro 1. Il est bon, mais il ne sera pas le meilleur joueur disponible à ce moment. »

 

Kotkaniemi, toujours souriant, ne s’en fait pas trop avec tout ça. Son rêve, se contente-t-il de dire, serait d’être pris dans le top-10.

 

« J’espère juste que quelqu’un me choisira! », dira-t-il ensuite.

 

Il n’a pas à s’en faire. S’il y a une surprise, elle risque d'être d’un tout autre ordre.