SAINT LOUIS – Lise et Chris Maniscalco étaient plus jeunes que leur fille Claire et leur fils Chris lorsque leurs Blues ont été balayés trois ans de suite en finale de la Coupe Stanley. Deux fois par le Canadien de Montréal aux printemps 1968 et 1969 et l’année suivante par les Bruins de Boston.

Comme des dizaines de milliers de patients partisans des Blues, les Maniscalco avaient élu campement sur la rue Market, à un tir frappé du Enterprise Center parce qu’ils tenaient à être là, tout près, pour enfin souhaiter la bienvenue à la coupe Stanley.

Une coupe qu’ils attendent depuis toujours.

Une coupe qu’ils attendront encore au moins jusqu’à mercredi puisqu’au lieu de célébrer la victoire historique dont ils auraient tant aimé être témoins, les Maniscalco comme tous les fans des Blues ont plutôt encaissé le revers cuisant de 5-1 qui a aux Bruins de prolonger la finale de la Coupe Stanley à la limite des sept matchs.

Une finale qui atteindra la limite pour la première fois depuis 2011, alors que les Bruins avaient justement comblé un recul de 2-3 dans la grande finale pour aller surprendre Roberto Luongo et les Canucks à Vancouver et priver cette ville et cette franchise de la première coupe Stanley de leur histoire.

Ce scénario commence à ressembler à celui qui défile sous nos yeux encore cette année. Un scénario qui pourrait sourire aux fans des Bruins qui auront la chance d’appuyer leurs favoris jeudi. Un scénario qui pourrait transformer le « supplice de la goutte » en « supplice de la coupe » pour les fans des Blues.

« Depuis le temps qu’on attend, on peut bien attendre quelques jours de plus. On veut la coupe. On veut notre coupe et on va l’avoir j’en suis convaincue », a lancé avec confiance Claire Maniscalco.

« Pour des raisons que seuls les Dieux du hockey doivent comprendre, nous sommes meilleurs sur la route qu’à la maison depuis le début des séries. Ça m’encourage », a ajouté son mari Chris qui affichait toutefois un brin d’inquiétude.

Sans « Gloria », sans feux d’artifice

Une inquiétude qui était évidente dans les rues entourant l’Enterprise Center après la défaite.

Car bien qu’ils avaient ovationné à tout rompre leurs favoris au cours de la dernière minute de jeu et bien qu’ils avaient scandé haut et fort des « On veut la coupe » alors qu’ils étaient au garde-à-vous devant les sièges qu’ils s’étaient offerts à prix d’or en raison de l’importance capitale du match qui pouvait passer à l’histoire, les fans étaient plus calmes une fois dans la rue.

Ils étaient en fait beaucoup plus calmes. Presque résignés.

Pas la moindre mesure de « Gloria » le succès de Laura Branigan qui est devenu l’hymne à la joie et à la victoire des Blues et de leurs partisans.

Pas de coups de klaxon lancés ici et là pour attiser les « Let’s Go Blues! » en guise de réponse.

Pas de fête. Pas de cris. Pas de larmes de joies. De fait, pas de larmes du tout. Du moins pas encore!

Les seuls sons qu’on entendait étaient ceux des bouteilles, cannettes et autres déchets qui roulaient dans la rue au rythme des coups de pieds assénés dessus par les partisans qui rentraient bredouille à la maison.

Les seules couleurs qui scintillaient dans la noirceur étaient les gyrophares des voitures de police stationnées stratégiquement dans le secteur et ceux des camions à ordures qui attendaient d’entrer en scène. On va se le dire, on était bien loin des feux d’artifice qui devaient illuminer le centre-ville de Saint Louis et refléter sur la grande arche qui est de la même couleur que la coupe Stanley.

Bergeron, Marchand, Rask

Il faut dire que la douleur associée à la victoire sans appel des Bruins était encore très vive.

Une victoire signée Brad Marchand qui a marqué le premier but du match sur le seul tir qu’il a décoché au cours de la partie en plus d’ajouter une passe sensationnelle pour permettre aux Bruins de reprendre une avance de trois buts (4-1) après que Ryan O’Reilly eut donné un petit souffle d’espoir aux partisans des Blues.

Une victoire signée Tuukka Rask qui a été impérial devant son filet réalisant 28 arrêts sur les 29 tirs qu’il a affrontés. Vingt-huit arrêts dont quelques-uns aussi solides qu’importants et spectaculaires quand on pense à la rondelle que le gardien finlandais a immobilisée sur son dos avec sa mitaine. Vingt-huit arrêts qui ont permis à Rask d’éclipser son jeune vis-à-vis Jordan Binnington qui s’est montré un peu généreux sur les deuxième et troisième buts des Bruins et qui a accordé quatre buts sur 31 tirs, puisque le cinquième but a été marqué par Zdeno Chara dans un filet désert.

En cinq matchs potentiellement décisifs – deux contre Toronto, un contre Columbus, un contre la Caroline et un contre Saint Louis – Rask présente non seulement un dossier parfait de 5-0, mais il affiche une efficacité de 97,3 %. Dimanche soir, il a été un véritable rempart devant la cage des Bruins stoppant les 12 tirs décochés par les Blues lors des quatre attaques massives qu’ils ont obtenues.

Si les Bruins l’emportent mercredi, Rask devrait être un choix unanime pour remporter le Conn-Smythe. Il pourrait même être élu joueur le plus utile des séries malgré un revers tant les Bruins doivent à ses performances le fait de disputer un septième match en finale de la coupe Stanley.

Une victoire aussi signée par Patrice Bergeron qui a pris la parole dans le vestiaire des Bruins pour calmer ses coéquipiers en leur rappelant de profiter de leur présence en finale de la Coupe Stanley. Une finale qui leur permettait de vivre leurs rêves de jeunesse. Le vétéran a aussi partagé son désarroi face à la possibilité que tout prenne fin abruptement et de l’importance de prendre les moyens nécessaires pour éviter que cela arrive.

« J’étais en train d’étouffer dans mon coin du vestiaire lorsque Patrice a pris la parole et a trouvé les mots pour me calmer », a admis candidement Charlie McAvoy après le match.

« Quand Patrice Bergeron prend la parole, tu écoutes », a ajouté le jeune Jake DeBrusk.

Les mots choisis par Bergeron, la qualité du jeu de Marchand qui s’est enfin fait remarquer pour les bonnes raisons, les arrêts de Rask et la tenue solide de Chara démontrent une fois encore l’importance de pouvoir compter sur du solide leadership lorsqu’on est rendu si près du but ultime.

On remet ça mercredi

Debout autour des chaises de parterre qui encerclaient la glacière, des paniers et des sacs dans lesquels ils avaient entassé bouffe, boissons, verres et assiettes, Lise, Chris, Will et Claire Maniscalco refusaient de vite rentrer à la maison.

L’écran géant surplombant la rue Market était pourtant noir depuis un bon moment déjà et ce n’était certainement pas l’ambiance mortuaire qui régnait autour d’eux qui les incitaient à retarder la lever du campement.

« Les buts des Bruins ont gâché la fête et c’est un fait que c’est devenu plus calme au fil de la troisième période. Mais on doit garder espoir », a lancé papa Maniscalco.

« On est de vrais partisans. On va s’accrocher. Barbashev – Ivan Barbashev purgeait dimanche une suspension d’un match – sera de retour mercredi. Ça va faire une grosse différence », a ajouté sa fille Claire qui avait enfilé des tas de colliers aux couleurs des Blues autour de sa nuque.

« Nos gars seront plus confiants sur la route », a ajouté son frérot.

« On reviendra mercredi. Et cette fois on sera à l’intérieur de l’Enterprise Center. Nous n’avons pas les moyens de nous payer des billets pour les matchs. Nous nous sommes offert des chandails, mais des billets c’est impossible. Les Blues demandent seulement 10 $ pour assister aux matchs sur la route depuis le début de la finale. Nous étions là pour les matchs 3 et 5. Nous y serons encore pour le match 7. Et je t’assure que ce sera la fête dans les gradins. L’ambiance sera sensationnelle. Notre équipe va gagner et on pourra danser sur "Gloria" toute la nuit en attendant qu’ils reviennent avec la coupe », a ajouté avec entrain et conviction Lise Maniscalco.

La famille Maniscalco pourrait aussi devoir broyer du noir. Mais j’étais incapable de gâcher leur rêve en leur demandant comment il encaisserait une autre défaite.