Inspiré par la nouvelle possibilité de retrouver quelques amis à partir de ce soir, je délaisse les classements pour me plonger dans mes souvenirs personnels. Comme on le ferait autour d’un feu, breuvage préféré à la main. Je vous présente aujourd’hui, sous forme d’anecdotes, les adversaires notoires que j’ai affrontés tout au long de ma carrière.

 

Wayne et Mario

 

À tout seigneur tout honneur, débutons avec les deux plus grands joueurs de notre ère. L’échantillon est très mince dans les deux cas, puisque je n’ai gardé les buts que pour un petit match contre chacun. Mais de tels souvenirs ne périssent pas.

 

L’affrontement contre Wayne Gretzky est le plus marquant, car je ne faisais que mettre le pied dans la grande ligue avec l’Avalanche. Le 31 décembre 1998, le nombril pas encore séché, je saute dans la mêlée en relève à Craig Billington au vieux McNichols Arena de Denver où les Rangers ont pris les commandes du match. Après avoir alloué un but à Adam Graves lors d’une supériorité numérique, sur lequel le 99 a récolté une mention d’aide, je prends mes aises. En troisième, d’un faible tir des poignets, que je gobe et immobilise, La Merveille obtient sa seule occasion. Sans impact pour lui, je me souviendrai à jamais de ce moment. C’était la dernière saison de Gretzky qui allait se retirer lors d’une cérémonie mémorable au Madison Square Garden au terme de celle-ci. Pour moi, c’était un premier pas, à quelques jours de savourer ma première victoire dans la LNH lors du prochain match à domicile face aux Canadiens de Montréal.

 

Pour ce qui est de Mario, ça s’est passé quatre ans plus tard, jour pour jour. J’évoluais alors devant la cage des Blue Jackets pour ma seule présence en carrière face aux Penguins, l’équipe contre laquelle j’ai vu le moins d’action. C’était la veille du jour de l’an, en 2002. Mario était au cœur de son retour, probablement la saison où il a été le plus en santé récoltant 91 points en 67 parties. Mais pas ce soir-là. Il a bien obtenu trois tirs au but mais nous l’avons emporté 5 à 2 et avions réussi à blanchir le 66 de la feuille de pointage. Je me souviens d’un seul arrêt contre lui alors que, posté à ma droite le long de la ligne des buts, il avait tenté de me surprendre entre les patins. Malgré ce match sans éclat, il dégageait ce quelque chose d’inexprimable que seuls les vrais grands joueurs possèdent.

 

Les détestables

 

Je pourrais ici vous parler de Tomas Holmstrom, qui passait ses matchs dans mon demi-cercle, ou de Todd Bertuzzi qui savait que son trio prolifique s’amusait souvent à nos dépens. Je vais plutôt ailleurs pour vous parler de deux joueurs qui restent marqués dans ma mémoire.

 

Comme un mauvais rêve, le dernier tour du chapeau en carrière de Pavel Bure joue en boucle dans ma tête. Amplifié par le fait que je travaille aujourd’hui à RDS, depuis son intronisation au Temple de la Renommée du hockey en novembre 2012, j’ai l’impression qu’il a inscrit mille buts contre moi et que ce sont les faits saillants de cette rencontre qu’on rejoue systématiquement quand il est question de Bure, ou d’un joueur russe ou de la saison 2002-03 de la LNH. Le 3 décembre 2002, à sa dernière saison dans la LNH, le « Rocket russe » a inscrit trois buts contre moi, dont le dernier avec moins de deux minutes à faire en troisième période, me battant de vitesse dans une superbe glissade à deux jambières vers ma gauche. Il n’en fallait pas plus pour que ses Rangers battent mes Blue Jackets au MSG et que je ne tente de fracasser mon bâton contre mon filet à la suite de ce dernier but.

 

Si Pavel Bure me revient à cause d’une séquence bien particulière, le joueur qui me laisse l’impression d’avoir compté à chaque rencontre contre moi est plutôt Tony Amonte. Après recherche, ce n’est pas tout à fait vrai, mais pas loin! Les Blackhawks représentent une des formations que j’ai affrontées le plus souvent au cours de ma carrière dans la LNH, et ce, dès ma première saison. En deux semaines en janvier 2000, j’obtenais deux départs au United Center pour l’Avalanche, les deux pires défaites de ma jeune carrière à ce moment-là. J’avais été mis en garde contre Amonte, sa vitesse, ses mains et, surtout, sa célèbre feinte où il freine après avoir laissé le gardien glisser de l’autre côté du filet désormais béant. Il a trouvé le fond du filet trois fois lors de ces deux parties. Sa domination contre moi s’est poursuivi même dans d’autres uniformes. En février 2003, dans le désert de l’Arizona, alors qu’il évoluait pour les Coyotes et moi pour les Jackets, il marque deux buts en quatre minutes dans une victoire de Phoenix. Je ne sais pas qui est le joueur qui a connu le plus de succès, qui m’a déjoué le plus souvent mais quand j’y songe, Amonte revient sans cesse à la surface.

 

Le meilleur

 

Les deux formations contre lesquelles j’ai subi le plus grand nombre de défaites sont les Red Wings de Détroit et les Stars de Dallas. Je pourrais vous parler de l’excellent Mike Modano à Dallas et de plein d’autres fabuleux joueurs de ses deux grandes équipes du début des années 2000 mais, pour moi, le meilleur aura été Nicklas Lidstrom. Je ne

 crois pas qu’il m’ait déjà adressé la parole. Il ne dérangeait pas par l’exubérance ou le spectaculaire, il était intimidant de sa présence et, surtout, de sa prestance. Pas le plus offensif, il trouvait toujours la ligne de tir. Pas le plus robuste, il ne se faisait jamais tasser. Pas le plus rapide, il ne se faisait jamais déborder. Il ne commettait jamais d’erreur. Et, on avait l’impression qu’il jouait 45 minutes par match. Je vous parlais de Holmstrom plus tôt, et je pourrais ajouter Franzen par la suite, Lidstrom savait mieux que quiconque utiliser l’écran devant le gardien ou encore les rebonds capricieux de la bande au Joe Louis Arena pour semer la confusion chez l’adversaire. Lidstrom était dominant.

 

Saku

 

Je termine avec le capitaine des Canadiens. Non pas pour les affrontements répétés face à un grand marqueur, mais plutôt pour le caractère symbolique de mon dernier arrêt contre Saku Koivu. C’était le 11 décembre 2007 au Centre Bell. Je jouais pour le Lightning de Tampa bay. Nous étions rentrés, en raison d’un bris mécanique de l’avion, aux petites heures du matin de Toronto où j’étais venu en relève et je m’attendais à obtenir le départ 24 heures plus tard face aux Canadiens. John Tortorella, à l’arrivée à l’hôtel, me confirme que ce ne sera finalement pas moi. Le jour du match, après nos réunions d’équipe du midi, il change d’avis et décide de m’envoyer dans la mêlée. Après un match serré où Plekanec a créé l’égalité à la 56e minute, on se dirige vers la séance de tirs de barrage. J’en arrachais en cette saison 2007-08, mais je retrouvais souvent confiance en fusillade, va savoir pourquoi! Après cinq tireurs, seul Brad Richards a trouvé la faille contre un jeune Carey Price et avec un arrêt de ma part, la victoire est acquise. C’est Saku Koivu qu s’élance. Je connais par cœur les tendances de la plupart des joueurs de la LNH en tirs de barrage et je sais qu’il adore coucher le gardien et glisser la rondelle près du poteau de son côté droit. Je mords légèrement à la feinte initiale, mais réussi de peine et de misère à fermer l’ouverture à ma droite. Ce match n’est pas une pièce d’anthologie, mais il constitue tout de même ma dernière victoire et mon dernier départ dans la LNH. Très content que Saku ait choisi, sa feinte préférée!

 

Et, parlant de préféré, je vous parlais de breuvage en début de lecture, pour moi ce soir près du feu ce sera une IPA du Québec, et vous?

 

La garnotte d' Al MacInnis
Souvenirs du dernier tour du chapeau de Pavel Bure... contre Marc Denis!

 

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