MONTRÉAL – Ça ne date pas d’hier que l’expertise des Ducks d’Anaheim dans l’art du repêchage est reconnue et le Québécois Martin Madden fils en a été le grand maître d’œuvre depuis plusieurs années. Il était temps que son patron lui accorde une promotion pour ne pas se le faire ravir par une autre organisation. 

Depuis son arrivée comme directeur du recrutement amateur en 2008-09, les Ducks ont excellé pour dénicher des espoirs de qualité. Madden et son entourage ont particulièrement tiré leur épingle du jeu de deux manières. D’abord, ils ont su sélectionner plusieurs joueurs qui ont été en mesure de s’établir dans la LNH même s’ils ont souvent dû repêcher tardivement en première ronde (comme Jake Gardiner, Rickard Rakell et Shea Theodore). 

Ensuite, ils ont trouvé quelques joyaux de premier plan dans les rondes tardives (Sami Vatanen, Josh Manson, Ondrej Kase). 

Afin de vous donner un aperçu des résultats concluants des Ducks, on a retracé une analyse statistique de la firme ISS Hockey. En cumulant les choix de repêchage des équipes de 2008 à 2017, les Ducks se classent au sommet pour le nombre de matchs joués par leurs sélections et au troisième rang pour la moyenne de points amassés par ces joueurs dans la LNH. Durant cette période, le Canadien a affiché une moyenne au bâton de la fin de peloton.

Bref, la réputation de Madden fils est solide dans le milieu et le dilemme attendu s’est présenté dès le début de la pandémie. Ron Francis, qui dirige l’entrée en scène de l’équipe d’expansion de Seattle, l’a contacté et son patron, Bob Murray, a dû passer de la parole aux actes sans tarder en lui accordant un poste d'adjoint au directeur général. 

« [Francis] voulait me parler à propos de différents rôles qu’ils essaient de combler au sein de leur nouvelle organisation, a-t-il expliqué au RDS.ca. Cette demande a accéléré les choses un peu avec Bob. Au cours des trois semaines suivantes, on a redéfini mon rôle au moins pour les deux prochaines années. »

Dorénavant, Madden ajoutera à son mandat la gestion du recrutement professionnel tout en étant impliqué dans le processus décisionnel pour la composition de l’équipe. 

« On en parlait depuis quelques années. J’étais très confortable de continuer à me concentrer du côté amateur. Mais, en même temps, le moment était un peu venu d’apprendre d’autres choses. C’est un beau défi, je vois déjà un horizon différent sur plusieurs décisions qui sont prises au sein de l’organisation. J’ai une vue plus globale de ce qui se passe dans l’équipe », a précisé Madden fils qui avait entamé cette ébauche avec Murray en janvier. 

À sa 12e année avec les Ducks et sa 22e dans la LNH, il souhaitait avoir un plus grand mot à dire dans les décisions. 

« Oui et c’est aussi agréable qu’une autre organisation reconnaisse qu’on a accompli du bon travail du côté amateur. Chez les Ducks, on m’a donné beaucoup de liberté dans mes responsabilités et je l’apprécie grandement. Je suis aussi un gars loyal de nature dans la vie. De constater que les Ducks continuent de croire en moi et de voir du potentiel en mes capacités, autre que celui démontré du côté amateur, c’est agréable. Je pense que j’étais rendu là », a-t-il admis. 

À Anaheim, les partisans sont habitués d’appuyer une puissance de la LNH. Ils ne souhaitent guère que la reconstruction - qui s’opère surtout depuis deux ans – s’éternise. Afin d’accélérer le tout, quelques observateurs perçoivent déjà Madden fils comme le successeur de Murray à la fin de son contrat qui renferme deux autres saisons. 

« Je n’y pense pas vraiment. Il y aura 32 postes de directeurs généraux sous peu donc si ça arrive, ça arrivera. Mais, pour l’instant, je commence dans mon rôle d’assistant DG. Je vais me saucer un peu les orteils en gagnant de l’expérience et on verra en temps et lieu », a répondu l’interlocuteur en souriant. 

« De toute façon, je ne pense pas que Bob désire se retirer dans deux ans », a-t-il ajouté.

Il aurait été mal avisé pour lui de répondre autrement. D’ailleurs, son père, qui, à 77 ans, poursuit son illustre carrière dans le milieu, est encore là pour le conseiller à ce propos. 

« Il est content pour moi, il savait que c’était un objectif. Il continue de me donner des conseils et de me dire de rester patient et que les choses arrivent en son temps. Au final, il est fier et c’est plaisant de l’avoir auprès de moi, il a passé à travers ces étapes et ces expériences. Il connaît les rouages de la LNH, ça me permet d’avoir une perspective autre que la plupart des gars du recrutement », a témoigné fiston. 

Petite parenthèse, son paternel, qui a notamment travaillé pour les Nordiques et le Canadien, agit toujours à titre de recruteur amateur pour les Ducks.  

« Je l’ai gardé à temps partiel au Québec. Il a continué de faire près de 80 matchs par saison dans les dernières années. Il n’est plus aussi confiant qu'avant derrière le volant, mais il se trouve des lifts pour faire le tour de la LHJMQ quand même. Il va même faire son tour dans les Maritimes quelques fois par année. Il continue d’aimer ça et ça le garde actif », a noté Madden fils alors que Stéphane Pilotte patrouille aussi le territoire québécois. 

Aucun choix dans le top-5 depuis 2005Martin Madden fils, Bob Murray, Trevor Zegras, Henry Samueli et Dallas Eakins

En raison du format inusité de la loterie de la LNH cette année, les Ducks ont reculé d’un rang et ils détiennent ainsi le sixième choix de la première ronde. Madden fils a suivi cette soirée particulière à partir de son domicile à Québec et il s’était déjà un peu fait à l’idée qu’une équipe participant à la ronde qualificative se hisserait dans le top-3. 

« Aussitôt que la LNH a décidé d’accorder de telles probabilités à ces équipes, c’était pas mal probable que l’une d’elles se faufile », a convenu le dirigeant.  

« Dans notre cas, on a seulement reculé d’un rang. Ç’aurait été vraiment chouette d’obtenir le premier choix, tout le monde réalise l’impact que ce joueur (Alexis Lafrenière) aura et sans doute dès la prochaine saison. On est contents de ne pas avoir reculé davantage », a enchaîné Madden fils qui détient un MBA des HEC Montréal. 

Cela dit, les Ducks ont failli sélectionner dans le top-5 pour la première fois depuis 2005 quand ils avaient repêché Bobby Ryan tout de suite après Sidney Crosby. La cuvée 2020 dispose heureusement d’un riche talent et Madden considère que 10 à 12 joueurs pourraient exercer un impact positif à court terme sur leur nouvelle organisation. 

Sans surprise, la pandémie a été le moment propice pour soutirer plus d’informations précieuses avant de départager les joueurs qui seront encore admissibles au sixième échelon. Rappelons que les Ducks ont repêché le talentueux Trevor Zegras au neuvième rang l’été dernier. 

Un défi de maintenir la motivation des joueurs établis

Outre la préparation du repêchage – que Madden fils aurait aimé vivre une autre fois à Montréal –, les Ducks redoublent d’ardeur pour encadrer les joueurs établis du club. 

« On ne recommencera pas la prochaine saison avant décembre ou janvier. Ça fera autour de 10 mois que certains joueurs n’auront pas joué un vrai match. On doit les garder actifs jusqu’à ce moment », a confié Madden fils en reconnaissant que c’était un défi de taille. 

Randy Carlyle, Martin Madden fils, Rickard Rakell et Alain Chainey« C’est toute une tâche de garder la motivation élevée chez tous les athlètes et de s’assurer qu’ils poussent fort pendant cette période. Pour les jeunes, la motivation demeure présente et ça n’a pas été difficile de relancer l’entraînement en fixant des objectifs », a-t-il exprimé. 

Au niveau personnel, il devra ajuster son calendrier pour la saison 2020-2021. 

« C’est clair que je ne pourrai pas m’attarder autant sur les choix tardifs. Il faudra que je délègue plus de responsabilités, que je donne plus de ‘lousse à mon staff’ à partir du milieu de la troisième ronde. À l’extérieur du top-75, ce sera plus difficile d’avoir une vision approfondie des joueurs », a cerné l’homme de 49 ans. 

Son nouveau poste le mènera également à regagner une connaissance approfondie de chaque joueur de la LNH. 

« Je me concentrais sur le hockey junior et universitaire. Oui, je regardais tous les matchs des Ducks et je connais très bien la division Pacifique. Mais, pour le reste de la LNH, il y a des joueurs que je n’ai pas observés sur une base régulière depuis quatre ou cinq ans. Je pense aussi à comprendre davantage le cheminement des joueurs 21 à 24 ans des gars que j’ai recrutés quand ils avaient entre 16 à 20 ans. C’est là que je dois actualiser mes connaissances. Je dois en savoir plus sur le développement pendant la première année dans la Ligue américaine. C’est là que je vais passer plus de temps dans les deux prochaines années », a conclu avec franchise Madden fils, qui voue un grand respect pour Clément Jodoin, Alain Chainey et Sheldon Ferguson qui ont joué un grand rôle dans son parcours.