BUFFALO – La première impression est souvent trompeuse. C’est ce que tous ceux qui gardent un œil sur Nicolas Beaudin finissent par comprendre, tôt ou tard, depuis quatre ans.

Steve Hartley a été le premier à tomber dans le panneau. C’était avant que les partisans des Voltigeurs de Drummondville ne tombent sous le charme de leur numéro 92 et bien avant que les dépisteurs de la Ligue nationale se rendent à l’évidence que son nom méritait d’être ajouté à leur liste.

Beaudin n’était pas un prospect cinq étoiles quand il s’est présenté à son premier camp Midget AAA avec les Grenadiers de Châteauguay. Hartley, l’entraîneur-chef de l’équipe à l’époque, se souvient d’un jeune défenseur au coup de patin fluide, habile avec la rondelle et capable de se débrouiller sans elle. Une bonne base, certes, mais rien pour faire courir les foules.

« On s’obstinait l’autre jour à Drummond et j’ai dû retourner dans mes vieilles notes, racontait Hartley lorsque RDS l’a joint par téléphone. Je savais qu’il était petit, mais dans ma tête, jamais il ne faisait 5 pieds 8 quand il jouait Midget AAA... À 15 ans, c’était un petit bonhomme. »

Mais le petit bonhomme en avait dedans et, surtout, il apprenait vite. Dans les entraînements, Beaudin ne cédait pas un pouce à ses coéquipiers Antoine Morand et Maxime Comtois, qui allaient respectivement sortir aux deuxième et troisième rangs du repêchage de la LHJMQ cette année-là. Il a fini l’année avec 24 points en 41 matchs, la meilleure récolte parmi les défenseurs de son équipe. Les Voltigeurs en ont fait leur choix de troisième ronde.

La saison suivante, pendant que ses anciens compagnons amorçaient déjà leur carrière junior, Beaudin a été retourné dans le midget, mais ses progrès ont rapidement crevé les yeux des observateurs. Il a amassé 23 points et cumulé un différentiel de plus-19 en seulement 21 parties avant d’être promu au calibre supérieur.  

« Il était dominant. On aurait dit que c’était trop facile pour lui », se souvient Hartley.

Ce modèle d’apprentissage allait devenir la norme pour Beaudin, qui a eu besoin d’un peu de temps pour s’acclimater au niveau supérieur. Il a joué seulement 26 matchs et n’a récolté qu’une petite mention d’aide en tant que recrue à Drummondville. Mais quand il s’est présenté pour sa première saison complète, Hartley, qui l’avait suivi dans le Centre-du-Québec dans un rôle d’adjoint à Dominique Ducharme, s’est aperçu que la métamorphose était passée à l’étape suivante.

« C’est un jeune homme dévoué, travaillant et dès qu’il s’adapte au niveau suivant, on dirait que tout devient facile pour lui. La game se passe au ralenti pour lui. »

Un sens du jeu « au-dessus de la moyenne »

Dans les cahiers de notes des recruteurs, Beaudin gagne des points avec sa vitesse. En quelques foulées, il peut semer un attaquant en poursuite, atteindre la ligne bleue et compléter la transition offensive avec une passe parfaite à travers la zone neutre. La facilité avec laquelle il peut accomplir ces tâches en succession est déconcertante.

« On pourrait l’appeler "le Petit Tigre", propose dans son meilleur français Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH. Il rappelle ce personnage qui est petit, mais qui ne sait pas qu’il l’est. Sur la glace, rien ne l’intimide. Et je ne parle pas de l’enjeu de sa taille vis-à-vis l’aspect physique du jeu, mais plutôt de sa réaction sous pression. Lorsque la rondelle est sur son bâton, de bonnes choses se produisent. Il peut échapper à l’échec avant, lancer une attaque et il sait identifier le bon moment pour se commettre à la ligne bleue adverse. Il prend constamment les bonnes décisions. »

Mais Beaudin, qui est désormais répertorié à 5 pieds 11 pouces et 175 livres, ne réalise rien de tout ça uniquement grâce à sa rapidité. Ses principaux atouts, ceux qui sortent de la bouche de tous ceux qui l’ont vu jouer assez souvent pour se forger une opinion crédible à son sujet, sont sa vision et sa compréhension du jeu. Sur une patinoire, le petit quart-arrière gaucher semble porter un casque de réalité virtuelle, entouré d’adversaires qui voient encore le jeu en noir et blanc.

« À une autre époque, ce gars-là n’aurait même pas été repêché. Mais là, on cherche des gars mobiles avec une bonne tête et son sens du jeu est au-dessus de la moyenne, explique un recruteur sondé par RDS. C’est ce qui lui permet tout le temps de trouver les bonnes options de passes. Il est toujours en train de sortir la rondelle rapidement, au bon joueur et au bon moment. C’est ce qui me porte à croire qu’il va toujours réussir à s’adapter, peu importe le niveau, parce qu’il est très, très, très intelligent. »

Jeune homme poli et posé, Beaudin est le premier à reconnaître les éléments de son jeu qui laissent place à l’amélioration, mais il ne fait pas non plus dans la fausse modestie. Il sait que son intuition, son sens de l’anticipation et sa vitesse d’exécution sont les torches qui illumineront pour lui l’étroit et tortueux pavé qui mène à la LNH.

« Le hockey IQ, je pense que tu ne peux pas vraiment l’apprendre à quelqu’un, estimait-il lors de son passage au camp d’évaluation des espoirs qui se tenait à Buffalo. Tu l’as ou tu l’as pas et moi, je me compte très chanceux de l’avoir. Quand j’étais plus jeune, mes habiletés et mon patin n’étaient peut-être pas aussi avancés et c’est juste avec ça que je pouvais jouer dans les niveaux plus élevés. Maintenant, je pense que mon patin est encore en progression, mes habiletés sont en progression. Mais tranquillement, ça vient rejoindre mon QI et je pense que c’est pour ça que je deviens de plus en plus un bon joueur. »

Une prise de conscience en défensive

La matière grise de Beaudin ne lui permet pas seulement de transporter la rondelle à travers une nuée d’adversaires, d’évaluer en plein mouvement les chances de succès de chaque passe potentielle, de patrouiller avec panache un jeu de puissance et d’être, au final, un défenseur qui produit à un rythme d’un point par match.

Elle peut aussi contribuer au prolongement d’un siège en zone adverse, à l’avortement d’une contre-attaque entre les deux lignes bleues ou encore, puisque notre homme n’a pas encore énormément grossi depuis ses années midget, à l’extinction d’une menace près de son gardien.

« Je pense que c’est l’une de ses plus grandes qualités : il est fiable dans les trois zones, note un autre dépisteur. Même s’il a de bonnes statistiques, il n’est pas unidimensionnel. Défensivement, il est très solide, même s'il n’a pas un gros gabarit. Son positionnement est à point et il utilise bien son bâton. C’est sûr que la loi de la physique fait en sorte que s’il s’en va dans le coin avec un gars qui mesure 6 pieds 4 pouces et qui pèse 200 livres, il n’ira pas avec la force. Il va y aller avec la finesse et la sagesse, mais il va gagner la plupart de ses batailles. »

Des sceptiques demeurent quant aux aptitudes défensives de Beaudin, mais Steve Hartley n’en fait pas partie. Celui qui était responsable des défenseurs des Voltigeurs avant de succéder à Ducharme au poste d’entraîneur-chef a vu son prometteur protégé assimiler d’importantes notions à la suite d’une honnête discussion convoquée en début de saison.

« Ma maturité est peut-être venue plus tard que d’autres », admet aujourd’hui Beaudin, qui identifie cette prise de conscience comme le moment qui a propulsé sa saison.

« Un peu comme Samuel Girard, il ne sera jamais le gars qui va dévisser quelqu’un, qui va essayer de le passer à travers la bande, compare Hartley. C’est son positionnement qui va faire la différence pour lui dans la LNH et c’est là que j’ai trouvé qu’il a vraiment pris une coche cette année. Il est monté en grade, non pas dans ses responsabilités défensives, mais dans sa façon de défendre. Il est toujours bien placé et est capable de prévoir ce qui s’en vient. Il anticipe tellement bien ce qui s’en vient que souvent, il surprend l’adversaire. C’est pour ça qu’il est dans la conversation aujourd’hui pour être un choix de première ronde. »