BUFFALO – Épier Noah Dobson, le temps d’un match ou deux, c’est rêver éveillé. C’est un séduisant titillement de l’imagination, une irrésistible invitation à l’extrapolation. De quoi aura l’air cet élancé et élégant défenseur lorsqu’il aura atteint la limite de son potentiel?

La question, évidemment, peut s’appliquer à chacun des espoirs qui attirent l’attention en marge du repêchage de la Ligue nationale. Mais il y a un petit quelque chose à propos de Dobson, qui est à la fois si bon et si visiblement incomplet, qui vient amplifier les spéculations. Un homme dans un (très grand) corps d’ado, le défenseur étoile des champions en titre de la Coupe Memorial est peut-être celui qui possède la plus grande marge de progression parmi les joueurs qui défileront sur l’estrade du American Airlines Center de Dallas le 22 juin.

« Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de limite à ce que ce gars-là pourrait faire dans la Ligue nationale, si tu regardes tous les outils qu’il a... The sky’s the limit », confirme un recruteur de la LNH qui a concentré ses énergies dans les Maritimes la saison dernière.

Noah Dobson« L’une des choses qu’on aime à son sujet, c’est qu’on est convaincu que le meilleur reste à venir », affirme Dan Marr. Dans la version finale de son répertoire annuel des plus beaux talents admissibles au repêchage, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH a classé Dobson au cinquième rang de sa liste finale des meilleurs espoirs nord-américains, un rang derrière le défenseur des Knights de London Evan Bouchard et tout juste devant l’arrière de l’Université du Michigan Quinn Hugues.

« Il est probablement le joyau le moins poli du groupe présentement, ce qui me fait croire que d’ici deux ou trois ans, il pourrait s’avérer le meilleur du lot. »

Vous ne chercherez pas Dobson bien longtemps si son nom est inscrit sur la feuille de match. Si le simple fait qu’il dépasse tous les autres patineurs d’au moins une tête ne suffit pas déjà à capter notre attention, vous l’apercevrez bien assez vite arpenter la patinoire nord-sud, utilisant sa vitesse pour prendre l’attaque en charge ou pour réparer les bourdes occasionnelles causées par sa témérité. Ça vous semblera si facile que vous aurez l’impression qu’on lui a collé des réacteurs aux pieds.

Pensez à un jeune Seth Jones ou à un futur Alex Pietrangelo.

« Depuis deux ans, mon coup de patin s’est énormément amélioré, affirme Dobson. Quand j’ai eu ma grosse poussée de croissance, j’ai perdu un peu de coordination et j’ai dû travailler pour retrouver ma foulée. Je ne dirais pas que c’était une faiblesse, mais ce n’était certainement pas une force comme ce l’est devenu. J’ai passé beaucoup de temps avec un entraîneur spécialisé l’été dernier et ça a rapporté. Aujourd’hui j’aime vraiment cette partie de mon jeu. »

Avertissement : courant d’air

« Il a un instinct offensif incroyable, défensivement il joue une game impeccable et son coup de patin est exceptionnel, vante le directeur général du Titan d’Acadie-Bathurst Sylvain Couturier, qui a pu mettre la main sur le géant de l’Île-du-Prince-Édouard au sixième rang du repêchage de la LHJMQ en 2016. La seule affaire qu’il manque à Noah pour jouer dans la Ligue nationale, ce n’est pas compliqué, c’est 15 livres. »

En plus de son utilisation à outrance du mot « stuff », la stature de Dobson trahit effectivement son âge. À 177 livres, le longiligne quart-arrière donne parfois l’impression qu’il va s’envoler si son erre d’aller se heurte à une climatisation un peu trop zélée.

Même si deux recruteurs interrogés à son sujet se disent satisfaits de son implication physique – « dans les deux derniers mois de la saison, il a haussé son jeu d’un cran et s’est montré plus solide dans ses batailles à un contre un », nous a dit l’un d’eux –, il serait prématuré de le décrire comme une armoire à glace.

Dobson ne joue pas à l’autruche. Élargir sa charpente est depuis longtemps au sommet de sa liste de priorités estivales.  

« Mon but premier est de gagner en force, de prendre du muscle. Je n’ai pas de chiffre précis en tête, mais je veux arriver à mon premier camp LNH et avoir l’impression d’être à ma place, sentir que je peux être compétitif contre des hommes. Je veux que ce soit un casse-tête pour mes prochains patrons de me renvoyer dans le junior. »

Les voyages forment la jeunesse

Afin de maximiser ses chances d’atteindre cet objectif, Dobson a pris la décision de passer la majeure partie de l’été à San Diego sous la supervision de l’entraîneur Chris Munford. Pour le natif de Summerside, il s’agira d’une punaise de plus sur une carte du monde déjà bien remplie.

À l’âge de 14 ans, Dobson a décidé de quitter son île et de mettre le cap sur Sherbrooke pour s’enrôler au collège Bishop’s, un établissement offrant un modèle s’apparentant à ceux des prep schools américains. L’année suivante, il a accepté l’offre inusitée de Brian Savage et a traversé l’Atlantique pour défendre les couleurs de l’Académie Red Bull, en Autriche.

Lorsqu’il est revenu à la maison à 16 ans pour intégrer les rangs de la LHJMQ, ses proches ont remarqué une maturité qui n’est sans doute pas étrangère à ce parcours atypique.

« L’année passée, il s’est établi comme un bon défenseur qui prenait bien la responsabilité des tâches défensives, relate son entraîneur-chef Mario Pouliot. Bien jouer à 5 contre 5, bien jouer en désavantage numérique et jouer contre les meilleurs trios adverses. En séries contre l’Armada, c’est lui qui jouait contre la ligne à [Pierre-Luc] Dubois. C’est déjà un jeune professionnel. Sa préparation est très bonne. »

Avec les grands honneurs dans sa mire en 2018, le Titan a tout de même voulu s’assurer d’entourer sa jeune vedette. En l’espace d’un an, Couturier a fait l’acquisition d’Adam Holwell et Olivier Galipeau, deux défenseurs qui, à 20 ans, formaient avec Dobson le noyau défensif de la formation acadienne cette année.

« C’était important pour nous d’aller chercher des vétérans pour entourer "Dobby" », dit Pouliot. Mais à entendre Galipeau louanger son jeune coéquipier alors que le Titan filait vers la conquête de la coupe du Président, cette petite attention relevait plus du luxe que de la nécessité.

« Il est jeune, mais je ne pourrais pas dire que je dois "prendre soin de lui" parce qu’il est tellement mature pour son âge, avait confié Galipeau à RDS. C’est pratiquement déjà un professionnel. Même moi, en le regardant aller, je peux apprendre quelques trucs. C’est sûr qu’avec mon expérience, tout ce que j’ai vécu dans la Ligue, ça ne peut pas lui nuire, mais de là à dire que je l’ai pris sous mon aile... Je ne pense pas qu’il en a vraiment besoin. »

« Le package, il l’a, tranche Sylvain Couturier. C’est un joueur spécial, je pense que tout le monde à Bathurst va le réaliser quand il sera parti. Je trouve ça vraiment conservateur de dire qu’il va être repêché dans les dix premiers. Pour moi, c’est pas loin d’un top-5. »​