Dans l’ombre de Martin Brodeur et Martin St-Louis qui ont effectué leur entrée au Temple de la renommée dès la première occasion en raison des performances exceptionnelles qu’ils ont multipliées sur la patinoire, le commissaire Gary Bettman, Willie O’Ree, Jayna Hefford et le Russe Alexander Yakoushev ont suivi les deux Québécois pour les barrières qu’ils ont franchies ou qu’ils ont repoussées.

Le 18 janvier 1958, au Forum de Montréal, dans l’uniforme des Bruins de Boston, Willie O’Ree est devenu le premier Noir à disputer un match de la LNH.

« Willie O’Ree a été un astronaute pour les Noirs dans l’histoire du hockey », a d’ailleurs commenté Wayne Simmonds des Flyers de Philadelphie après l’annonce de l’intronisation de celui qui a contribué à lui ouvrir la porte du hockey.

C’est le gardien Grant Fuhr qui a remis à Willie O’Ree sa plaque commémorative.

Bien que sa carrière dans la LNH se soit limitée à 45 matchs, Willie O’Ree repousse les barrières pour faire de plus en plus de place aux joueurs de couleurs depuis plus de 60 ans. «Tout ce que j’ai toujours voulu faire dans la vie, c’est jouer au hockey avec l’espoir d’atteindre un jour la LNH. J’avais simplement besoin d’une opportunité. Quand j’ai disputé ce premier match, j’étais tellement transporté par l’émotion que je n’ai jamais réalisé que j’étais le premier Noir à le faire. C’est en lisant le journal le lendemain matin que j’ai compris», a raconté O’Ree qui est aujourd’hui à l’emploi de la LNH afin de mousser les différents programmes visant à attirer des jeunes de tous les milieux sur les patinoires. À les intéresser au hockey.

« J’ai eu la chance d’aller sur la patinoire avec le chanteur Snoop Dog l’an dernier. Il m’a dit qu’il avait peur de tomber. Je lui ai répondu ce que je réponds à tous les jeunes qui me font part de cette même crainte. Je réponds toujours : si jamais tu tombes, tu n’auras qu’à te relever. C’est ce que j’ai fait quand j’étais dans les ligues mineures et que j’ai perdu un œil à la suite d’un incident sur la patinoire. Le médecin m’a dit que je ne jouerais plus jamais au hockey. Au lieu de rester au sol, je me suis servi de cette épreuve comme source de motivation et trois ans plus tard, je jouais dans la LNH. »

Gary Bettman : honneur mérité

Lorsque Gary Bettman a reçu un appel la journée du dévoilement de la classe de 2018 du Temple de la renommée du hockey, le commissaire de la LNH n’avait qu’une question à la bouche : « Willie O’Ree est-il entré? », a plusieurs fois répété Bettman à Lanny McDonald et John Davidson qui informent les élus à titre de président du Temple de la renommée et président du comité de sélection.

Bettman partageait alors un dîner soulignant la retraite de Frank Brown, son ancien responsable des relations publiques.

« Je n’avais aucune idée que ma candidature était même à l’ordre du jour. La surprise a donc été totale. Je suis bien sûr reconnaissant et très touché par cette reconnaissance du Temple. Le hockey est le plus beau sport au monde. Nos athlètes sont les meilleurs athlètes au monde. Nos partisans sont les meilleurs partisans au monde. Et la plus belle chose dans tout ça est que je fais mon entrée en compagnie de grands joueurs et d’une grande joueuse, mais aussi en compagnie de Willie O’Ree », a souligné Bettman qui voue une admiration évidente pour celui qui a franchi les portes du Temple en sa compagnie.

Malgré toutes les doléances à son endroit, pas seulement à Québec et au Québec, mais aux quatre coins du Canada où les amateurs considèrent qu’il a trop américanisé notre sport national, Gary Bettman mérite sa place au Temple. S’il s’est bien sûr fait des ennemis en cours de route, Bettman a orchestré des expansions qui ont fait passé la LNH de 24 à bientôt 32 équipes. Il a surtout multiplié par dix les revenus de la LNH depuis son arrivée à titre de commissaire en février 1993. Les revenus de la LNH flirtent avec les 5 milliards annuellement.

« Un rapport de dépistage sur moi dirait : mauvais patineur, pas beaucoup de talent, travailleur infatigable, va dans les coins et il est toujours prêt à encaisser des coups pour le bien de son équipe », a d’abord lancé Bettman dans son discours d’acceptation.

« Des coups j’en ai reçu. Beaucoup. Je suis hué chaque fois que je pose les pieds sur une patinoire pour remettre la coupe Stanley. J’ai même été hué avant le premier match à domicile des Golden Knights alors que la Ligue venait de donner à Las Vegas une franchise. Comme quoi, mon élection au Temple de la renommée n’est certainement pas le résultat d’un concours de popularité. Pour entrer ici, j’ai profité d’une complicité étroite de centaines de personnes avec qui je travaille étroitement, des propriétaires et de tous ceux qui veulent faire de la LNH, la meilleure ligue possible », a souligné Bettman qui a reçu sa plaque commémorative des mains de Wayne Gretzky.

« J’ai toujours adoré mon travail. Malgré les années qui passent, je l’aime plus que jamais. À tous ceux qui croient que je pourrais prendre ma retraite après 26 ans à titre de commissaire, je réponds : oubliez ça! Je suis ici pour rester », a conclu Gary Bettman.

Jayna Hefford : joueuse, commissaire, intronisée

Comme toutes les surdouées qui ont contribué à la naissance et à l’essor du hockey féminin, Jayna Hefford s’est d’abord illustrée dans le hockey mineur dans la région de Kingston où elle est née en 1977.

Elle a fait la loi et établi des records jamais égalés de buts marqués et de points multipliés que ce soit pas des jeunes femmes qui ont suivi ses traces ou les milliers de gamins devenus ados qui ont défilé au sein des clubs de cette région qui a donné tout plein de grands joueurs à la LNH.

Membre de l’équipe canadienne avec laquelle elle a gagné quatre médailles d’or olympiques en 2002, 2006, 2010 et 2014 et une d’argent en 1998, Jayna Hefford a pris une part active aux succès répétés de l’équipe nationale féminine sur la scène internationale au fil de ses 17 saisons avec Équipe-Canada.

« Le hockey m’a donné la chance d’être ici ce soir. Mais mon histoire est bien plus que l’histoire de ma carrière ou celles de mes coéquipières. C’est l’histoire d’une opportunité que j’ai saisie. Une opportunité de jouer le sport que j’ai toujours aimé. Une opportunité que tous et toutes ont le droit de saisir », a conclu Hefford.

En plus de contribuer au développement du hockey féminin à titre de joueur, Hefford occupe maintenant le poste de commissaire de la Ligue nationale de hockey féminin où elle poursuit, d’une façon tout aussi active qu’avant, la lutte visant à donner aux joueuses de sa Ligue la visibilité qu’elles méritent et surtout la quête de développer de nouvelles joueuses pour assurer la relève.

Alexander Yakoushev : un retour en 72

Si vous avez franchi le cap des 50 ans, le nom d’Alexander Yakoushev devrait éveiller en vous des souvenirs magnifiques. Des souvenirs de la Série du siècle en 1972. Des souvenirs qui vous ramèneront sans doute dans la rue, la ruelle, sur la patinoire du parc où, après avoir découvert les méchants Russes avec leurs chandails CCCP et leur hymne national si beau, on s’est mis à se prendre pour Vladislav Tretiak, Valeri Kharlamov, Valeri Vassiliev, Boris Mikhaïlov ou Alexander Yakoushev.

Yakouchev est le 9e Russe à entrer au Temple de la renommée du hockey. Après Tretiak, qui lui a remis sa plaque, et Kharlamov, il devient le 3e membre de l’équipe de l’Armée Rouge de 1972 à franchir les portes du Temple. Il avait obtenu le titre de joueur du match pour l’équipe russe quatre fois, lors des huit matchs disputés.

« Il était le meilleur joueur de cette équipe qui nous a tous pris par surprise au début du tournoi. On croyait tellement que les matchs seraient faciles que la direction du club avait décidé de faire jouer tout le monde », se souvient Serge Savard croisé sur le tapis rouge à l’entrée du Temple de la renommée lundi soir.

Savard avait même été rayé de la formation par l’entraîneur-chef Harry Sinden qui avait habillé cinq défenseurs seulement tant il croyait que l’opposition serait faible.

« Disons qu’on s’est ajusté ensuite. Après la raclée subie lors du premier match, on n’avait pas le choix », a ajouté Savard.

En plus d’endosser l’uniforme de son équipe régulière, le Spartak de Moscou, pendant 17 ans, Yakoushev a disputé 201 matchs pour l’équipe nationale de son pays d’origine.

« Quand nous sommes venus en Amérique en 1972, plusieurs prédisaient que nous allions perdre les huit matchs de la série. Le scénario a été bien différent. Le hockey russe a été découvert. Il a été appris. Au fond, il n’y a pas eu de perdant dans cette Série du siècle puisque le hockey est sorti grand gagnant », a conclu le grand numéro 15 de l’équipe soviétique qui a pris le monde du hockey par surprise il y a déjà 46 ans.

Dans le grand Hall où il a signé le livre d’or du Temple de la renommée avec les cinq autres membres de la cohorte de 2018, Alexander Yakoushev a soulevé la foule lorsque, par le biais de son interprète, il a lancé un grand et solennel: «Je remercie le Canada d’avoir inventé le hockey», en déposant sa plume.