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RÉSULTATS

Plafond salarial : la parité bientôt menacée?

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MONTRÉAL – L'explosion du plafond salarial qui passera de 88 millions $ qu'il est aujourd'hui à 113,5 millions $ dans trois ans fait saliver bien du monde autour de la LNH.

Mitch Marner, Mikko Rantanen et les autres vedettes susceptibles de jouir de leur pleine autonomie le 1er juillet prochain toucheront des salaires auxquels ils ne pouvaient que rêver l'an dernier.

Les directeurs généraux les plus allumés qui respectaient en théorie le plafond salarial tout en s'en moquant totalement n'auront plus à jongler avec les règles pour boucler leurs budgets. Quoique les plus ratoureux trouveront sans l'ombre d'un doute des failles par le biais desquelles ils se faufileront pour maximiser les rendements économiques et sportifs de leurs formations.

Gary Bettman pourra, et il aura pleinement raison de le faire, pointer du doigt les plafonds de 95,5 millions $ en 2025-2026, de 104 millions $ en 2026-2027 et de 113,5 millions $ en 2027-2028 tout en offrant son plus beau sourire à ceux et celles qui l'accusent de tous les maux.

D'adversaires à partenaires

Lorsque le commissaire a convaincu ses propriétaires d'annuler la saison 2004-2005 et de placer les joueurs en lock-out, l'imposition d'un plafond salarial était le nerf de la guerre. Une guerre qu'il avait gagnée. Le premier plafond salarial fixé à 39 millions $ et un plancher de 21,5 millions $ donnaient à la LNH des paramètres qui permettaient de contrôler une flambée des salaires que plusieurs propriétaires redoutaient. 

Vincent Damphousse, alors l'un des membres influents de l'Association des joueurs, assurait avec conviction que lui et ses coéquipiers à la table de négociations étaient loin d'avoir perdu cette guerre et que le temps le prouverait.

Vingt ans plus tard, avec l'annonce d'un plafond qui fracassera les 100 millions $, le temps a clairement donné raison à Damphousse. 

Parce que le plafond salarial est établi en fonction du partage 50-50 des revenus de la Ligue, les hausses successives de 7,5 millions $ l'an prochain, de 8,5 millions $ et 9,5 millions $ pour les deux années suivantes confirment l'excellente santé financière du circuit Bettman. Une santé financière dont sortent gagnants les propriétaires et les joueurs qui sont aujourd'hui des partenaires d'affaires et non des adversaires comme on les considérait en 2004-2005.

C'est indéniable.

Mais ces hausses vertigineuses n'annoncent pas nécessairement que du bon. Car si le plafond salarial monte, le plancher le suivra. Ainsi donc, les minima à dépenser annuellement passeront de 65 millions $ qu'il est actuellement à 70,6 millions $, 76,9 millions $ et 83,9 millions $ au fil des trois prochaines saisons, selon les projections établies par la LNH.

Des projections qui pourraient fluctuer à la hausse assurent la Ligue et l'Association des joueurs.

Je vous rappelle que le plancher était de 21,5 millions $ en 2005-2006.

Retour à une ligue à deux vitesses

Au-delà les retombées économiques plus que positives, l'imposition du plafond salarial a aussi eu un impact très positif sur la santé sportive de la Ligue en créant une parité qui rend difficiles, voire périlleuses, les prédictions quant à l'issue des matchs disputés au quotidien et celles associées à la sélection des équipes qui accéderont aux séries, à celles qui atteindront le carré d'as et encore plus à celle couronnant le club champion.

C'est parfois dur pour l'ego, mais c'est merveilleux pour le sport et surtout pour les amateurs qui peuvent s'accrocher plus facilement aux espoirs de victoires des clubs qu'ils encouragent.

Un plafond à 100 millions $ menace cette parité.

Il éveille même les souvenirs de l'ancienne LNH alors que les équipes qui roulaient sur l'or et dont les propriétaires étaient prêts à dépenser profitaient des équipes plus pauvres. Les clubs à budget comme on les appelait.

Dans le temps, les Rangers et les autres formations riches attiraient des joueurs vedettes avec des millions $ qu'ils ne pouvaient toucher ailleurs.

Un privilège dont les clubs riches bénéficiaient beaucoup moins depuis qu'ils avaient un plafond à respecter. Un plafond avec lequel une grande majorité d'équipes étaient en mesure de flirter.

Simonac! C'est maintenant avec le plancher que plusieurs clubs flirteront. 

Avec un plafond à 100 millions $, 115 millions $, 120 millions $, plusieurs propriétaires devront imposer leurs propres plafonds à leurs directeurs généraux parce qu'ils ne pourront plus, ou ne voudront plus, flirter avec la limite décrétée par la Ligue.

Parce que les Maple Leafs sont riches et qu'ils sont prêts à dépenser, Mitch Marner pourrait bien toucher, à Toronto, le salaire que d'autres clubs seraient prêts à lui accorder autour de la LNH.

Les Golden Knights, le Lightning, le Canadien, les Kings et plusieurs autres riches et très riches formations de la LNH pourront imiter les Leafs.

C'est vrai.

Mais regardez ce qui vient d'arriver au Colorado. L'Avalanche, un club pourtant assis sur la fortune colossale de l'empire Walmart, a décidé d'échanger Mikko Rantanen parce que Nathan MacKinnon touche déjà un salaire qui ampute la masse salariale de 12,6 millions $ annuellement et qu'il devrait être le joueur le mieux payé de son équipe. Sans oublier que Cale Makar – 9 millions $ annuellement – touchera autant et peut-être même plus, une fois son contrat échu à la fin de la saison 2025-2026.

L'Avalanche, qui n'a jamais été un club à budget, le deviendra-t-il parce que son propriétaire refuse de payer plus de 100 millions $ en salaire annuellement?

Le temps le dira.

Et ce n'est pas tout : le repêchage et le développement des jeunes joueurs ont toujours été importants dans la LNH. Ils étaient toutefois devenus primordiaux depuis l'imposition du plafond.

Les clubs les plus riches pourront maintenant recommencer à courtiser les vedettes développées ailleurs parce qu'ils auront les moyens financiers pour le faire et surtout l'espace sous les prochains plafonds pour insérer plus de gros contrats. Comme on le voyait avec la LNH à deux vitesses d'avant le plafond salarial. 

Ce qui menacera rapidement la parité qui rend la LNH aussi intéressante depuis quelques années.

Un plafond salarial à plus de 100 millions $ confirme la santé financière de la Ligue.

C'est impossible à réfuter.

Mais les amateurs – et certains propriétaires – ne peuvent que souhaiter que Gary Bettman soit assez conscient des effets pervers sur le plan sportif des fluctuations à la hausse qu'il vient d'annoncer pour qu'il impose des paramètres – partage des revenus ou autres formes de taxes de luxe – qui permettront de maintenir la parité qui existe depuis quelques années. Sans quoi les joueurs deviendront les grands gagnants – peut-être les seuls en bout de piste – du plafond salarial imposé il y a près de 20 ans.