TAMPA - La saga des Coyotes et du hockey de la LNH à Glendale est repartie. Personne ne sait quand et où cette saga prendra fin. Personne ne sait surtout qui des Coyotes ou de Glendale gagnera.

De fait, à part les avocats qui encaisseront des honoraires faramineux au cours des prochaines semaines, des prochains mois, peut-être même des prochaines années tant il est prévisible que les deux parties échangeront plus de procédures judiciaires que les Blackhawks et le Lightning échangent les victoires depuis le début de la finale de la coupe Stanley – et quelle finale soit dit en passant – je ne vois pas vraiment qui sortira gagnant de cette guerre officiellement déclarée hier.

Après les menaces lancées au cours des derniers jours, il était clair que le conseil municipal de Glendale voterait en faveur d’une procédure visant à résilier le contrat d’une valeur de 225 M$ qui la lie aux Coyotes. Un contrat par le biais duquel la ville verse depuis deux ans et versera encore pendant 13 ans – à moins qu’elle obtienne un jour gain de cause – 15 M$ aux propriétaires des Coyotes en guise de compensations pour l’opération du Gila River Arena. Pour dire vrai, je suis un brin surpris que le vote – cinq en faveur d’une résiliation et deux en faveur du respect du contrat – n’ait pas été unanime. Cela aurait peut-être donné un peu plus de sérieux au projet de la ville. Car pour l’instant, la résiliation projetée est loin d’être acquise.

Même que je me demande si le maire Jerry Weiers et les conseillers qui l’ont appuyé dans sa démarche réalisent l’ampleur de la guerre qu’ils viennent de déclarer aux Coyotes, à leurs riches propriétaires ainsi, et surtout, à la Ligue nationale qui défendra avec tous les moyens à sa disposition sa réputation et aussi le contrat en bonne et due forme signé il y a à peine deux ans. Vous ne croyez pas, du moins je l’espère, que Gary Bettman et son général dans ce dossier, le vice-président aux affaires juridiques Bill Daly, accepteront la volte-face de Glendale en tendant l’autre joue. Jamais! Car cela ouvrirait à la porte à des procédures similaires que pourraient intenter tous ceux et celles qui sont liés par contrat à la LNH et/ou une de ses 30 équipes et qui considèrent que leur contrat n’est pas assez avantageux.

Les Coyotes, et ça aussi c’était prévisible, déposeront une série de requêtes pour faire annuler le projet de résolution. Ils déposeront aussi une poursuite de 200 M$. Ça vous donne une idée du merdier judiciaire dans lequel les deux parties embarquent… et risquent de s’enliser.

Armé d’un couteau à beurre

La ville de Glendale n’a pas encore présenté son plan de poursuite, ou de défense selon le camp que vous occupez. Mais j’ose croire que le maire et le contentieux de sa ville ont monté un dossier assez étoffé pour leur donner au moins une chance de gagner.

On verra.

On sait déjà qu’elle entend présenter le conflit d’intérêts apparent imputé à l’avocat Craig Tindall. Un avocat qui travaillait pour la ville de Glendale avant de démissionner en février 2013 pour ensuite être embauché en août par les Coyotes. D’où les prétentions selon lesquelles le contrat pourrait être annulé parce que Tindall aurait joué sur deux fronts en même temps. Comme je vous l’écrivais hier, cette attaque sur le plan de l’éthique a déjà été tentée par la ville auprès du barreau de l’Arizona. Le barreau a rejeté la plainte. Peut-être que le tribunal décidera autrement.

Mais bien que je ne sois pas avocat, encore moins juge et que mes connaissances en droit soient bien plus associées au bon sens qu’aux codes criminel ou civil, j’ai l’impression que la ville de Glendale s’en va en guerre les mains vides. Ou à peu près. Qu’elle s’en va en guerre contre les Coyotes et la LNH de la même façon que s’il est partait à la chasse à l’ours armé d’un couteau à beurre.

Vrai que Glendale paye une fortune pour éviter que le petit village sorti du désert pour accueillir les Coyotes ne se transforme en village fantôme. Mais c’est le contrat qu’elle a négocié et qu’elle a signé après l’avoir ratifié dans le cadre d’un vote – quatre en faveur, trois contre – tenu lors de la réunion du conseil municipal du 3 juillet 2013. Si je me souviens bien, le vote s’est tenu passé minuit – donc le 4 – en raison de la durée des discussions qui l’ont précédé. Mais que ce soit le 3 ou le 4 ne compte pas vraiment. Ce qui compte c’est que ça ne fait pas même deux ans que ce vote a été tenu.

Est-ce que, après à peine deux ans, la ville réalise déjà qu’elle paie beaucoup trop et qu’elle voudrait renégocier ce contrat à la baisse? Peut-être. Sans doute même. Mais si l’objectif final était de revoir les paramètres de l’entente, la ville s’y prend d’une bien vilaine façon en déclarant ainsi la guerre aux Coyotes et à la LNH.

À moins qu’au milieu des procédures judiciaires, la ville et les Coyotes ne trouvent une oasis de paix dans leur désert de discorde pour renégocier une attente plus raisonnable, je ne vois pas comment le hockey pourra survivre à Glendale.

Les paris de Bettman

Certains diront que la LNH et plus particulièrement son commissaire Gary Bettman récoltent les ennuis qu’ils ont semés en implantant le hockey en Floride, en Caroline, au Tennessee et en Arizona tout en l’étalant un peu plus en Californie.

Vrai que l’aventure en Arizona est loin d’être une réussite.

Mais peut-on lapider Bettman de critiques quand on voit le Lightning de Tampa Bay à deux victoires d’une deuxième coupe Stanley en 12 ans?

Peut-on lapider Bettman parce qu’il a parié sur la Californie alors que les Kings ont gagné deux des trois dernières coupes Stanley, que les Ducks en ont soulevé une en 2007 et qu’ils étaient en finale de l’Ouest il y a deux semaines et que les Sharks de San Jose auraient facilement pu – et peut-être du – en gagner une au fil des huit à dix dernières saisons?

La croissance du hockey à Nashville a été proportionnelle aux succès des Predators sur la patinoire.

Vrai que ça vivote en Caroline, mais les Hurricanes ont quand même soulevé la coupe plus souvent depuis leur arrivée au royaume du NASCAR et du basket et football collégial que le Canadien de Montréal ou les Maple Leafs de Toronto.

Vrai que ça vivote toujours dans les gradins à Sunrise, mais que les Panthers, sur la glace, forment l’une des belles équipes en devenir de la LNH.

Mais il y a les Coyotes.

La Ligue nationale a encore fort à faire pour implanter de façon convaincante et durable le hockey en Arizona. Et quand on considère que Québec, avec son nouveau Colisée et son bassin de partisans déjà conquis à la cause du hockey et à celle des Nordiques, est toujours orpheline, on se demande pourquoi Bettman s’entête à s’enliser dans le désert alors qu’un transfert vers la capitale serait si simple. Et que les chances de réussite seraient certainement meilleures qu’à Glendale.

Je peux me tromper – ça m’arrive souvent, je le sais – mais à mes yeux, ce n’est pas l’Arizona qui soit le vrai problème. C’est plutôt Glendale.

Quand je suis débarqué à Phoenix pour la première fois, j’ai été conquis. J’ai trouvé la ville belle. J’ai trouvé la ville exotique et j’ai aussi découvert une ville de sports. Vrai que cette ville et les amateurs de sports qui la peuplent ne connaissaient rien au hockey. Rien de rien. Mais il y avait un « buzz » quand même. Un intérêt. Une curiosité.

L’amphithéâtre bâti pour les Suns de la NBA n’était pas adéquat pour le hockey. C’est vrai aussi. Assis derrière les buts à une extrémité de la patinoire, les amateurs avaient une vue obstruée de la glace. Pas fort! J’en conviens.

Mais je me demande vraiment si les Coyotes n’auraient pas dû rester à Phoenix pour relever le défi d’y implanter le hockey plutôt que de s’en aller en banlieue, au milieu de nulle part, ou à part quelques cactus rien ne pousse. Encore moins un engouement réel pour le hockey.

Et il est là ne nœud du problème.

À trop vouloir maintenir artificiellement le hockey à Glendale pour éviter de transformer le Gila River Arena en éléphant blanc, la ville a accepté de payer les Coyotes bien trop cher et pendant bien trop longtemps pour les garder sur place.

La vraie place des Coyotes – à part Québec bien entendu – est bien plus à Phoenix qu’à Glendale. Un retour là où tout a commencé est peut-être la solution qui permettra aux Coyotes, à la LNH et à Glendale de sauver la face dans ce dossier. Et surtout de sauver le hockey dans ce coin perdu de la LNH. Si bien sûr, il mérite de l’être.

Dans les plans – non avoués bien sûr – de la LNH, Las Vegas pourrait bientôt venir donner un coup de main aux Coyotes en générant un peu plus de visibilité dans les déserts du Nevada et de l’Arizona.

Et c’est pour cette raison qu’on voudra prendre encore des moyens importants pour garder les Coyotes en Arizona encore un temps. Le temps de vraiment convaincre Bettman qu’il a tout tenté pour réussir en Arizona ce qu’il a réussi en Floride, en Californie, au Tennessee et un peu aussi en Caroline, mais qu’en dépit de toutes ces tentatives, le pari n’a pas rapporté.

D’ici là, les fans des Nordiques qui attendent le retour de leur club dans leur nouveau Colisée et les dirigeants de la LNH – ils sont plus nombreux qu’on le dit – qui souhaitent simplement le retour du hockey à Québec devront garder espoir et s’armer de patience.