BOCA RATON - Lorsque la Ligue nationale a ouvert la porte aux appels des entraîneurs à la suite de buts marqués ou refusés en raison de hors-jeu ou d’obstruction à l’endroit des gardiens, le mot contestation devait rimer avec perfection.

 

Après trois ans, le mot contestation rime plutôt avec controverse.

 

Que ce soit du côté des joueurs, des entraîneurs, des directeurs généraux, des commentateurs et même des amateurs, on dénonce depuis des mois le fait qu’il soit maintenant très difficile de faire un trait entre ce qui constitue de l’obstruction à l’endroit des gardiens de ce qui n’en est pas.

 

Une critique que la LNH balaie du revers de la main.

 

« Les entraîneurs ont déposé 170 contestations pour obstruction depuis le début de la saison. De ce nombre, 119 décisions rendues sur la patinoire ont été maintenues et 51 ont été renversées. De ces 51 décisions, neuf ont soulevé des débats plus houleux, six ont été plus difficiles à trancher et à quatre reprises seulement, les responsables du centre de contrôle de Toronto n’étaient pas d’accord avec les arbitres sur la glace quant à la décision finale. On parle donc de quatre à neuf cas moins clairs sur 170 contestations et sur quelque chose comme 6500 buts marqués. On vise la perfection, mais on doit aussi être conscient que même en s’approchant le plus possible de cette perfection recherchée il ne sera jamais possible de satisfaire tout le monde », a commenté Colin Campbell, le grand responsable des opérations hockey à la LNH.

 

Il est important ici de préciser qu’en matière d’obstruction sur les gardiens, la décision finale revient aux arbitres, alors que dans le cas des contestations pour hors-jeu, la décision finale revient aux responsables du centre de contrôle. « Dans tous les cas, nous avons rendu des décisions finales qui allaient dans le sens des observations des juges de lignes », a toutefois précisé Campbell.

 

S’il y a eu 170 contestations pour obstruction jusqu’ici cette saison, on a dénombré seulement 68 contestations pour hors-jeu. Trente décisions ont été maintenues et bien sûr 38 renversées. La baisse marquée du nombre de contestations pour hors-jeu est en partie expliquée par les pénalités mineures imposées aux équipes dont les contestations ne sont pas maintenues.

 

« Je n’étais pas un partisan de cette pénalité. Mais il est clair qu’elles nous ont débarrassés des contestations bidon. Peut-être faudrait-il adopter la même stratégie avec les obstructions sur les gardiens. Mais comme les hors-jeu sont beaucoup moins aléatoires que les obstructions, je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne idée », a ajouté Campbell.

 

Le temps moyen associé aux contestations en matière de hors-jeu s’élève à 2 :15 alors qu’il est de 1 :59 dans les cas d’obstruction à l’endroit des gardiens.

 

Contestation d’une décision renversée!

 

Avec les directeurs généraux en matinée et avec les journalistes présents à Boca Raton en après-midi, les responsables de la LNH, ont présenté cinq cas plus complexes avant de demander aux DG et aux journalistes de voter.

 

Non seulement aucune décision n’a été unanime, mais les votes étaient toujours partagés presque également. « Ça démontre à quel point c’est souvent clair comme de la vase », a ironisé Kris King, un ancien joueur qui remplit le rôle ingrat d’être le principal chef d’orchestre des analyses des contestations supervisées au centre de contrôle de Toronto.

 

À défaut d’avoir atteint la perfection, la LNH insiste sur une forme de progression dans les critères servant à trancher les cas les plus litigieux. Car si elle peut faire contre mauvaise fortune bon cœur en saison régulière, la LNH est hantée par la possibilité qu’une décision controversée ait un impact crucial en séries éliminatoires, voire en finale de la coupe Stanley.

 

« Nous avons réalisé au fil des derniers mois que la qualité des reprises nous incitait à donner une importance démesurée à certains impacts », a témoigné Colin Campbell.

 

Le manitou des opérations hockey s’est servi d’une contestation survenue dans le cadre d’un match opposant les Maple Leafs à l’Avalanche du Colorado le 22 janvier dernier à Toronto. Sur le jeu, Auston Matthews touche au bouclier du gardien Jonathan Bernier avant de sauter sur une rondelle libre pour marquer.

 

Initialement accordé par l’arbitre, le but a été refusé à la suite de la contestation de l’entraîneur Jared Bednar.

 

« Si un jeu similaire survient ce soir nous accorderons le but. Oui il y a un impact avec le gardien, mais cela ne l’a pas empêché de bien faire son travail. Lorsque la rondelle est libre dans la zone protégée, il est normal que les joueurs foncent pour s’en emparer. Au fil des analyses que nous avons effectuées, il est clair qu’on doit donner plus d’espace aux joueurs », a lancé Campbell qui s’en est d’ailleurs pris à certains gardiens et à leurs entraîneurs.

 

Gardiens comédiens

 

« Il est clair à nos yeux que certains gardiens affichent des tendances à exagérer les conséquences de certains impacts pour influencer nos décisions. Pis encore, on remarque que cette stratégie est orchestrée par des entraîneurs des gardiens qui tentent de mettre le plus de chances de leur côté », a mentionné le responsable des opérations hockey qui se retrouvera bientôt avec d’autres problèmes sur les bras si les gardiens se mettent tous à développer des talents de comédien.

 

Grand patron des arbitres, Stephen Walkom est satisfait de l’uniformité des décisions prises par ses officiels en matière d’obstruction. « Nous n’avons pas à faire à des gars très permissifs et à d’autres qui ne le sont pas du tout. L’application est uniforme et c’est une grande qualité quand on considère qu’il n’est pas toujours évident de rendre la décision initiale à la vitesse actuelle du jeu. Le plus important est que nos arbitres ne rechignent pas du tout à l’idée de changer leur décision initiale. Ils tiennent, comme tout le monde, à ce que la décision la plus juste soit rendue. »

 

Décisions publicisées

 

Afin de faire mieux comprendre et mieux accepter les décisions finales en matière de contestation, la LNH envoie les lendemains de matchs, aux entraîneurs-chefs et directeurs généraux de toutes les équipes, des bandes vidéo par le biais desquelles elle explique les décisions finales rendues.

 

Colin Campbell verrait d’un bon œil que les bandes vidéo de ces décisions plus controversées soient aussi offertes aux amateurs sur le site internet de la Ligue. « On a pris cette décision avec les suspensions ce qui a aidé les partisans à comprendre. Peut-être qu’on aurait le même résultat avec les contestations. C’est certainement une possibilité. »

 

Malgré l’insatisfaction affichée par plusieurs directeurs généraux, il semble peu probable que la LNH adopte des mesures concrètes pour resserrer les paramètres en matière d’obstruction sur les gardiens.

 

« Ça demeure aléatoire et je sais pertinemment qu’il sera impossible de toujours tous être d’accord. Mais il faut minimiser les conséquences négatives de ces obstructions », a lancé Kevin Cheveldayoff, DG des Jets de Winnipeg qui est l’un de ceux qui a vociféré le plus fort en marge de décisions rendues contre son équipe.

 

« Le système fonctionne très bien dans 99 % des cas. On doit viser la perfection, mais quand on est rendu à couper les cheveux en quatre, je me dis qu’on doit simplement dire : " let’s go on joue ", au lieu de se perdre dans des trop longues analyses », a ajouté le directeur général du Canadien Marc Bergevin.

 

Les directeurs généraux reviendront mardi sur les questions de contestations pour obstruction et hors-jeu.

 

Des pénalités d’une minute?

 

On s’attend aussi à ce qu’ils discutent de la possibilité de réduire à une minute la durée de certaines pénalités. « Je ne sais pas quel genre de réactions nous aurons autour de la table, mais est-ce qu’un joueur qui tire la rondelle accidentellement au-dessus de la baie vitrée, ou une équipe chassée du cercle des mises en jeu pour une deuxième fois sur une même séquence mérite de passer deux minutes au banc au même titre qu’un gars qui donne un double-échec dans le dos d’un adversaire? La question mérite d’être posée et débattue », a mentionné Colin Campbell.

 

Si cette question pave la voie à un changement de règlement, il faudra qu’une proposition à cet effet soit déposée devant les gouverneurs qui devraient l’accepter à l’unanimité pour que le changement soit entériné.

 

Ce n’est donc pas demain la veille qu’on verra des pénalités d’une durée d’une minute être décernées dans la LNH...