MONTRÉAL - Quand on demande à Joel Quenneville quels souvenirs il garde de Québec à quelques jours du 25e anniversaire de la vente des Nordiques et du déménagement vers Denver qui a suivi la transaction, l’entraîneur-chef des Panthers de la Floride s’esclaffe : « La neige. Je n’avais jamais vu autant de neige », lance Quenneville qui est d’ailleurs un amateur de ski.

 

Une fois cette boutade lancée, Quenneville lance avec sa grosse voix et le sérieux qui le caractérise : « Pour moi, Québec c’est le début de ma carrière derrière un banc de la LNH. C’est là que tout a commencé. Ce que j’ai appris lors de cette première saison derrière le banc des Nordiques et l’année suivante derrière le banc de l’Avalanche m’a grandement aidé à guider les Blackhawks jusqu’à nos trois coupes Stanley et me sert encore aujourd’hui. »

 

« Regarde la composition des Hawks à mon arrivée (2008-2009) et celle des Nordiques et de l’Avalanche. Tu remarqueras que les deux formations étaient bâties de la même façon. Les meilleurs éléments étaient encore jeunes. On savait qu’ils étaient très bons. Ils ne restaient qu’à les guider vers la prochaine étape. La défensive était sous-estimée. Quand Marc (Crawford), Jacques (Martin) et moi avons hérité des Nordiques, nous avons reçu des super-vedettes en devenir. En deux ans, ces gars-là ont réalisé à quel point ils étaient bons, mais surtout ce qu’ils devaient faire pour se rendre aux grands honneurs », raconte Quenneville.

 

Après sa saison avec les Nordiques à Québec et l’année qui s’est soldée avec la conquête de la coupe Stanley à Denver, Joel Quenneville a aussitôt été courtisé par Ronald Caron et les Blues de St.Louis.

 

Si Marc Crawford a candidement convenu que les départs consécutifs de Jacques Martin – embauché par les Sénateurs d’Ottawa en janvier 1995 – et de Quenneville avaient nui à sa carrière, ces nouveaux départs pour ses deux adjoints les ont propulsés vers des carrières impressionnantes.

 

« J’ai appris beaucoup de choses lors de mes huit saisons à St.Louis et les trois qui ont suivi au Colorado. Malgré tous les succès obtenus et l’expérience acquise lors de ces 11 saisons derrière le banc des Blues et de l’Avalanche, je suis revenu à la base en arrivant à Chicago. J’ai replongé dans mes souvenirs pour me rappeler des moyens que nous avions pris pour regrouper les jeunes lors de la dernière saison à Québec et la première à Denver. On peut dresser des parallèles entre Joe Sakic, Peter Forsberg, Jonathan Toews et Patrick Kane. Ce sont des joueurs différents, mais ils étaient rendus à une étape semblable lorsque j’ai commencé à les diriger », se souvient Joel Quenneville qui refuse toutefois de permettre au triumvirat qui se trouvait derrière le banc de prendre tout le crédit de la conquête de 1996.

 

« On ne dira jamais assez à quel point l’arrivée de Patrick Roy et Mike Keane nous a aidés à convaincre les jeunes qu’ils pouvaient se rendre jusqu’au bout. C’était la même chose à Chicago. On avait besoin de gars qui avaient gagné et qui savaient ce que ça prenait pour gagner. Dale – le directeur général des Hawks à l’époque Dale Tallon – a su bien entourer ces jeunes et ça nous a grandement aidé dans notre travail. »

 

D’escale appréciée à ville d’adoption

 

Franco-Ontarien natif de Windsor, Joel Quenneville connaissait Québec avant de s’y installer à l’automne 1994 après avoir accepté l’invitation de Marc Crawford à qui le directeur général Pierre Lacroix venait d’offrir le poste d’entraîneur-chef.

 

Comme tous les joueurs de la LNH à l’époque – il a connu une carrière de 13 saisons et 803 matchs comme défenseur à Hartford, Colorado (Rockies), Toronto, New Jersey et Washington –  Quenneville aimait bien faire escale dans la capitale avec ses coéquipiers des Whalers de Hartford. Le Vieux-Québec, les bons restaurants, les bars, les amateurs de hockey et partisans des Nordiques faisaient de Québec une destination très appréciée.

 

Comment s’est passée la transition entre l’escale appréciée et la ville d’adoption?

 

« Nous avons beaucoup aimé l’expérience. J’ai grandi dans un milieu francophone à Windsor. Je suis limité aujourd’hui – Quenneville échange toutefois toutes les politesses dans un français encore solide – mais à l’époque je comprenais encore bien la langue. Jacques (Martin) était le meilleur du groupe en français. Et il l’est toujours. Mais comme Marc tenait à améliorer son français, tout se passait en français dans le bureau. Ou le plus possible. Et comme il y avait beaucoup de francophones dans le vestiaire et au sein de l’organisation, sans oublier les partisans, je baignais dans le français. C’était plus difficile pour mon épouse parce qu’Elizabeth est américaine – il l’a connue et épousée pendant son séjour à Hartford – mais les enfants étaient jeunes et j’étais bien content qu’ils soient plongés dans un milieu francophone. Même si ce n’a pas été long. »

 

Panthers : jamais deux sans trois?

 

Joint à son domicile de Chicago au cours des derniers jours, Joel Quenneville s’apprêtait à mettre le cap sur le sud de la Floride.

 

Un signe que la LNH est sur le point d’annoncer la reprise de ses activités mises en pause le 12 mars dernier?

 

« J’aimerais te répondre oui. Mais je n’ai pas la moindre idée de ce qui se passe et des développements à venir. Comme toi et tous les amateurs, je regarde les scénarios qui sont étudiés. Je ne sais pas quel scénario sera adopté pas plus que quand ça se produira. Mais on sera prêt si nous sommes appelés à retourner sur la patinoire », assure Quenneville.

 

Comme le Canadien à Montréal et son ancien club à Chicago, Quenneville et les Panthers sont à la merci des débats associés aux scénarios étudiés. Ils sont pour le moment exclus des séries, mais pourraient y être invités si la LNH étend de 16 à 24 le nombre d’équipes inscrites au tournoi qui pourrait remplacer la fin de la saison régulière et servir de coup d’envoi aux séries éliminatoires.

 

Quenneville tient-il à revenir sur la patinoire alors que la pandémie est loin d’être sous contrôle et que les USA comptent toujours par centaines ses morts au quotidien?

 

« Je considère que la santé doit primer sur tout le reste. Je laisse donc aux autorités médicales et aux dirigeants de la LNH de prendre les décisions en fonction de la sécurité de tous. Mais j’ai également bien hâte de renouer avec la compétition. »

 

Après une saison à la barre des Panthers, Joel Quenneville est-il prêt à dresser un parallèle entre sa jeune équipe et les Nordiques devenus Avalanche? Est-il prêt à s’avancer sur ses chances qu’il soit en mesure de donner de la valeur au proverbe : jamais deux dans trois en guidant les Panthers vers la coupe Stanley comme il l’a fait avec l’Avalanche et les Hawks?

 

Après tout, avec les Jonathan Huberdeau, Aleksander Barkov, Aaron Ekblad et Sergei Bobrovsky, les Panthers comptent sur d’excellents jeunes, sur une défensive un brin sous-estimée et un gardien capable de faire la différence.

 

« C’est bien sûr mon objectif, mais ça demeure un gros défi. Peu importe la force de ton équipe, accéder aux séries dans la LNH d’aujourd’hui est déjà un exploit en soi tellement la compétition est forte. Tellement la marge d’erreur est mince. Nous avons grandement compliqué notre situation avec 13 défaites lors des 15 premiers matchs (5-10-3) disputés après notre pause du match des Étoiles. Nous étions en voie de nous hisser au troisième rang devant Toronto, mais ces insuccès nous ont gardés hors des séries. On avait gagné nos deux parties disputées avant la pause. J’aime mon équipe. On a de bons joueurs. On a un bon équilibre. Sans comparer les joueurs, c’est vrai que nous sommes à une étape semblable à celle que j’ai vécue à Denver et Chicago. On doit mener cette équipe à un autre niveau. Si on peut le faire dès cet été, on le fera. Si on doit attendre l’automne prochain. On sera prêt », conclut Joel Quenneville, l’entraîneur-chef qui domine tous les coachs actifs dans la LNH avec ses 1705 matchs disputés et 925 victoires.