BUFFALO - Si vous tendez l’oreille, vous entendrez peut-être les murmures de quelques rêveurs qui prétendront que sa supériorité est menacée. N’y accordez pas trop d’attention.

Aucun débat n’est futile, mais celui-ci en particulier semble tenir sur des bases fragiles. Quand vient le temps de prédire l’identité du tout premier choix au prochain repêchage de la Ligue nationale de hockey, Auston Matthews demeure dans une classe à part.

Le jeune prodige américain est arrivé seul sur sa propre estrade, vendredi soir, lorsque les portes du Harbor Center de Buffalo ont été ouvertes aux médias à la veille de la conclusion du camp d’évaluation annuel des espoirs de la LNH. Au même moment, quelques mètres devant lui, les Finlandais Patrick Laine et Jesse Puljujarvi se partageaient, devant un auditoire beaucoup moins dense, une tribune de la même superficie.

Cette hiérarchie ne devrait pas avoir changé le 24 juin lorsque les trois prometteurs attaquants seront fixés sur le point de départ de leur carrière respective. 

Laine, il est vrai, a vu sa valeur exploser au cours des derniers mois. Il a été élu joueur par excellence des séries éliminatoires de la Ligue élite finlandaise avant de faire un tabac au Championnat du monde en Russie, où il a également raflé le titre de joueur le plus utile à son équipe. Cette fin de saison fracassante a incité plusieurs observateurs à se demander si les Maple Leafs de Toronto n’avaient pas commencé à coudre un nom différent de celui anticipé derrière le chandail qu’ils remettront au tout premier choix de l’encan dans trois semaines.

Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la Ligue nationale, décrit Laine comme « une machine à marquer des buts », comparant ses talents de marqueur à ceux de Brett Hull.

Et pourtant, il estime toujours que Matthews lui est supérieur.

« Il possède sensiblement tout ce que vous pouvez rechercher chez un joueur, avance Marr. Il peut jouer dans n’importe quelle situation. Les habiletés, les atouts, les impondérables : tout penche en sa faveur. S’il avait été admissible l’année dernière, on l’aurait placé dans la même catégorie que [Connor] McDavid et [Jack] Eichel, c’est certain. »

L’avis est partagé par Dennis MacInnis, qui dirige la firme indépendante de recrutement ISS Hockey.

« Il n’y a jamais vraiment eu de doute de notre côté. Il est le joueur de centre de concession que toutes les équipes recherchent. Je crois qu’il a répondu à toutes les questions qui pouvaient subsister à son sujet avec ses propres performances lors des récents championnats du monde. »

« Laine a certainement rétréci l’écart en fin de saison, mais pour notre équipe, le plus gros débat entourait l’identité du deuxième meilleur espoir de ce repêchage, pas du meilleur », conclut MacInnis.

Les trouvailles suisses

Né deux jours après la date limite pour être admissible au repêchage de 2015, Matthews a opté pour un parcours inhabituel en empruntant la voie du hockey professionnel suisse pour poursuivre son développement.

Là-bas, il a trouvé :

- Des coéquipiers au drôle d’accent. « On ne m’a pas vraiment donné de surnom, mais on m’appelait ‘Matiouse! Matiouse! », relate avec un succès relatif le jeune imitateur.

Auston Matthews- La quiétude européenne. « L’équipe était surtout suivie par des journaux. Étrangement, j’arrivais à l’aréna et il y avait comme six journaux différents sur la table, tout le monde lisait son journal. C’était très old school! », a remarqué le prodige de la génération du numérique.

- Un mentor en la personne de Marc Crawford, son entraîneur chez les Lions de Zurich. « Son aide a été inestimable. Il m’a enseigné tant de choses, surtout sur l’aspect défensif du hockey. Je me suis senti chanceux de pouvoir travailler avec lui. »

- Une ligue qu’il a conquise. Même s’il a dû attendre de fêter ses 18 ans pour débuter sa saison et qu’il s’est absenté pour participer au Mondial junior en décembre, Matthews a terminé au dixième rang du classement des marqueurs de la Ligue nationale A avec 46 points en 36 matchs. Seulement trois joueurs ont marqué plus de buts que les 24 qu’il a enregistrés pour le compte des Lions de Zurich.

« Il a répondu aux attentes, constate Dan Marr. Qu’il parvienne à s’établir parmi les meilleurs marqueurs de cette ligue, personne ne se serait attendu à ça. Mais tous ceux qui l’avaient observé attentivement lors des deux années précédentes savaient qu’il y connaîtrait du succès. »

Les paroles d’Eichel, les gestes de Hendricks

La saison de Matthews s’est terminée avec la cuisante défaite des États-Unis aux mains des Russes dans le match pour la médaille de bronze au Championnat du monde. Centre d’attention d’une équipe très jeune, le natif de l’Arizona a clôturé le tournoi avec une récolte de neuf points en dix matchs, la meilleure de son club.

En plus de pouvoir tester ses habiletés contre les meilleurs éléments des autres nations, des adversaires qu’il retrouvera sans tarder dans la LNH, Matthews a absorbé toutes les subtilités de son métier en observant les vétérans de son équipe. À l’intérieur du vestiaire américain, son casier avait été installé aux côtés de celui du capitaine Matt Hendricks.

« J’ai appris énormément grâce à lui. Il arrivait à l’aréna une heure avant tout le monde et de voir la façon avec laquelle il prenait soin de son corps, comment il s’attardait aux petits détails, ça m’a marqué. Je crois qu’on peut dire que Matt n’est pas le joueur le plus talentueux de la LNH, mais j’ai pu réaliser comment on peut y faire sa place grâce à une bonne éthique de travail. »

Matthews dit aussi avoir noté les résolutions prises par ses prédécesseurs, McDavid et Eichel, pour survivre à la folie qui avait précédé leur entrée dans la LNH.

« Leur situation était bien pire que la mienne parce qu’ils évoluaient en Amérique du Nord, mais ils ont été très habiles pour se couper de toute la pression. J’ai parlé avec Jack. Il m’a dit de garder mon monde petit autour de moi et de seulement contrôler ce que je pouvais contrôler. »