OTTAWA - Les Sénateurs d’Ottawa sont à une victoire de la finale de l’Est.

Forts du but égalisateur marqué par Derick Brassard avec 86 secondes à faire en troisième période et du but de la victoire marqué par Kyle Turris à 6 :28 de la prolongation, les Sens ont remporté une victoire ô combien importante de 5-4 aux dépens des Blue Shirts qui se demandent encore ce qui leur est arrivé au Centre Canadian Tire samedi.

Car après deux matchs affreux à New York, deux matchs qu’ils ont perdus et qui laissaient poindre un essoufflement dont ils peineraient à se remettre, les Sénateurs ont eux-mêmes attisé les doutes et moussé les chances de victoire des Rangers en amorçant la partie sur les talons.

Et comment!

Pourtant encouragés par une foule conquise et animée et motivé par le retour au jeu de leur coéquipier Chris Neil, les Sens ont accordé deux buts rapides aux Rangers en début de match. Jesper Fast a marqué à la suite d’un très bel échange qui a fait mal paraître la défensive des Sens. Nick Holden l’a imité 67 secondes plus tard à la suite d’un cadeau du vétéran gardien Craig Anderson.

« On était en train de saboter nos chances comme on avait saboté nos deux matchs à New York. On a donné deux buts à la suite d’erreurs bêtes identiques à celles qu’on avait identifiées et dont on devait se débarrasser », a d’ailleurs convenu l’entraîneur-chef Guy Boucher après la victoire de son équipe.

En arrière 0-2, Boucher n’a pas réclamé de temps d’arrêt. Il n’a pas non plus songé à rappeler Anderson au banc pour le remplacer par Mike Condon qui a sauvé les Sénateurs plusieurs fois au cours de la saison régulière.

Pourquoi? Parce qu’il était important de lancer un message aux joueurs qu’ils devaient prendre les moyens pour reprendre le contrôle du match. Parce qu’en retirant le gardien aussi rapidement, Boucher leur aurait offert une excuse qu’il ne voulait sans doute pas leur offrir.

La stratégie a porté fruit.

Car cinquante secondes après la reprise du jeu, Mark Stone ravivait les espoirs de ses coéquipiers et des partisans. Après le sabotage du début de match, le but de Stone préparait l’abordage que les Sens réservaient aux Rangers.

Bon! On était encore loin d’une remontée victorieuse. Mais les deux équipes s’offraient tellement d’attaques et de contre-attaques, s’échangeaient des revirements et des poussées en surnombre qu’il était clair que l’issue de ce match était loin d’être scellée.

L’effet Chris Neil

Toujours dans le coup malgré leur déficit d’un but, les Sénateurs ont obtenu une attaque massive en début de période médiane. En fait non. Ils allaient obtenir une attaque massive après que Tanner Glass eut obtenu une pénalité pour obstruction, mais Chris Neil a annulé cette supériorité qui tombait à point en se ruant sur Glass qu’il a martelé de plusieurs coups de poing.

ContentId(3.1231702):Sénateurs: Chris Neil fait sentir sa présence face aux Rangers
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Crampe au cerveau de la part du robuste attaquant?

Un peu beaucoup aux yeux de plusieurs. Mais absolument pas aux yeux de ses coéquipiers et de son entraîneur-chef Guy Boucher.

« C’est la meilleure pénalité de la saison », a d’ailleurs assuré Kyle Turris qui, en plus de marquer le but de la victoire a distribué neuf mises en échec et s’est retrouvé au centre de toutes les échauffourées qui ont éclaté après les coups de sifflet lorsqu’il était sur la patinoire.

« Après deux mauvais matchs à New York, deux matchs au cours desquels ils nous ont dominés sur l’aspect physique, il était hors de question de simplement encaisser aujourd’hui, voire de reculer. Il était nécessaire de répliquer. C’est ce qu’on a fait et la présence de Chris au sein de la formation a grandement aidé à ce chapitre », a plaidé Turris.

« J’ai reçu un courriel hier (vendredi) qui me confirmait le retour au jeu de Chris. Le simple fait de savoir qu’il serait du match m’a motivé. Il est un gros morceau de notre club. Il est apprécié de tout le monde. On a vu à quel point il a travaillé fort pour revenir après sa blessure et à quel point il s’est donné même s’il ne jouait pas beaucoup. Sa présence a eu un impact important », a rajouté Derick Brassard.

Du chocolat, pas de la vanille

Je veux bien. Mais simonac! Le gars a effectué cinq présences totalisant 146 secondes. Il n’a pas touché à la patinoire après être revenu au banc des Sens au terme de sa pénalité de deux minutes et de celle de 10 minutes d’inconduite qu’il a écopées sur un jeu qui aurait pu faire bien mal aux Sénateurs.

Et même s’il ne l’a pas employé après ces pénalités, Guy Boucher en a remis sur la « beurrée » déjà bien garnie de compliments à l’égard de Neil.

« Il n’y a pas juste ce qu’il a fait sur la glace qui est important. Et crois-moi cette pénalité était importante, car elle a lancé un message aux Rangers et au reste de l’équipe. Il y a tout le travail qu’il abat dans le vestiaire avant le match et entre les périodes, sans oublier ce qu’il fait sur le banc. Ça fait 17 ans qu’il fait ce travail pour cette équipe et il le fait très bien », a lancé Boucher qui a ensuite expliqué sa décision d’avoir recours aux services du vétéran.

« Quand on a eu besoin de vitesse dans la série contre les Bruins on a fait appel à (Ryan) Dzingel et tous les gars sont devenus plus rapides. Là, on avait besoin de robustesse. Chris est embarqué et les gars ont été plus robustes. On a senti un effet d’entraînement qui est normal. Quand tu fais un gâteau au chocolat, tu dois mettre du chocolat dans ton gâteau. Pas de la vanille. Si "Boro" -- le défenseur Mark Borowiecki – n’était pas blessé, on aurait du chocolat dans notre formation. Mais il ne peut pas jouer. Alors on a ajouté du chocolat avec Neil », a illustré Boucher.

Je suis bien d’accord avec les explications de Boucher et avec les commentaires de Turris et Brassard. Mais je me demande ceci : si les Sens avaient perdu et qu’ils faisaient face à l’élimination au lieu d’être à une victoire de la finale de l’Est, est-ce que le concert d’éloges à l’endroit de Chris Neil aurait été le même?

On ne le saura jamais.

Ce que l’on sait toutefois – du moins je crois – c’est que Borowiecki n’étant pas disponible pour le prochain match non plus (mardi à New York), j’ai bien l’impression que Chris Neil sera encore en uniforme afin d’amener un brin ou deux de cacao sur la patinoire du MSG.

On verra!

Karlsson le maître

Le concert d’éloges à l’endroit de Chris Neil sonne un peu faux si on le compare au concert d’éloges que devrait susciter la performance d’Erik Karlsson encore samedi.

Bien qu’il joue sur une jambe et quart, peut-être une demie – fracture à un talon – le capitaine des Sens a prouvé une fois encore qu’il tout en haut de la pyramide des meilleurs défenseurs de la LNH.

En 36 présences totalisant 31 :09 de temps d’utilisation, il a récolté trois passes dont deux sur les buts égalisateurs en fin de match et gagnant en prolongation; il a terminé avec un différentiel de plus trois; il a décoché 12 tirs – dont huit ont été bloqués en défense – et il a surtout surmultiplié le nombre de passes précises qu’il a distribuées du début à la fin de la rencontre.

« En ce jour du derby du Kentucky, on peut facilement dire que Karlsson a été notre étalon au cours du match », a illustré avec à propos l’entraîneur-chef des Sénateurs après le match.

« Je l’ai dit dans le passé, mais c’est (Karlsson) probablement le meilleur joueur avec lequel j’ai joué au cours de ma carrière. J’ai côtoyé les Sedin, Naslund, Bertuzzi à Vancouver, j’ai déjà joué pour Équipe Canada au Championnat du monde. Mais Karlsson est dans une classe à part. Il a une patience remarquable avec la rondelle, il est rapide, il a un flair offensif. Sur le plan défensif, il bloque des tirs, il ne se fait jamais battre un contre un et il réussit de belles lectures de jeu », a défilé Alex Burrows qui a d’ailleurs profité d’une passe savante de Karlsson pour ensuite offrir à Kyle Turris la poussée qui a mené au but de la victoire.

« Je regardais les Rangers en défensive et je les trouvais bas dans leur zone. Kyle avait de la vitesse, je savais que si Erik me donnait la rondelle, je devais la retourner à Kyle. Erik a fait une passe parfaite par la bande. C’était pratiquement un coup de billard avec force et précision. J’ai rejoint Kyle qui a fait sa magie personnelle pour marquer le but gagnant », a ajouté Burrows qui a disputé un match solide samedi.

Turris a été un brin chanceux sur son but. « J’ai tiré à deux reprises. La première fois, j’ai presque raté ma chance. Lundqvist a bloqué et la rondelle est revenue vers moi. J’en ai profité », a commenté la première étoile du match.

Les Rangers ont contesté le but prétextant un hors-jeu à la ligne bleue, mais les juges de lignes ont révisé le jeu et maintenu la décision initiale. Ce qui a permis aux joueurs des Sénateurs et à leurs partisans de reprendre les célébrations que la contestation avait stoppé nette.

Si Turris a été chanceux sur le but de la victoire, Derick Brassard l’a été davantage sur celui qui a propulsé la rencontre en prolongation. Après qu’il eut frappé la rondelle au vol, le disque a touché cinq Rangers avant de franchir la ligne rouge.

« J’ai sauté sur la glace dès que Andy (Craig Anderson) est arrivé au banc. Je ne pensais qu’à une chose : foncer au filet. J’ai été chanceux, c’est mais des fois, tu as des chances en or et tu n’arrives pas à en profiter alors que d’autres fois, il t’arrive des situations comme celle que j’ai vécue sur mon but. C’est ça le hockey. On n’a pas joué un match parfait, mais on n’a pas abandonné. On a effacé un déficit de 0-2. On a résisté au fait qu’ils sont eux aussi revenus de l’arrière après qu’on eut pris l’avance et on a marqué en fin de troisième. C’est ça notre club. On ne lâche jamais », a indiqué l’ancien des Rangers qui a récolté son premier point de la série l’opposant à son ancien club sur son but égalisateur.

Chanceux ou pas – remarquez que les bons clubs trouvent une façon de faire tourner la chance de leur côté – voilà que les Sénateurs, des Sens qui ont mené au pointage 13 minutes seulement en cinq matchs, sont en avant 3-2 dans la série, qu’ils pourraient éliminer les Rangers dès mardi à New York pour passer ensuite en finale de l’Est.

Mais attention! Il serait périlleux pour les Sens et leurs fans de croire que les Rangers seront maintenant des proies faciles.