L’un des secrets les moins bien gardés de la LNH se veut certainement Erik Karlsson. Fort d’une récolte de 17 buts et 71 points cette saison, le capitaine des Sénateurs d’Ottawa est encore finaliste au trophée Norris, ce qui pourrait lui permettre de mettre le grappin pour une troisième fois sur le titre de meilleur arrière.

Avant que le tapis rouge ne soit déroulé pour la cérémonie annuelle des trophées individuels, les séries éliminatoires de la LNH se poursuivent, alors que les Sénateurs sont toujours au cœur de la lutte.

Les succès des Sens passent inévitablement par Karlsson. En plus d’être leur capitaine, il est incontestablement leur meilleur joueur de la formation. Ce qui fait du Suédois l’un des meilleurs arrières de sa génération s’explique par l’amalgame de sa vitesse et de sa vision du jeu.

Karlsson graphique 1La vitesse d’Erik Karlsson est son principal atout. Elle lui permet de bondir en premier sur une rondelle libre, de se joindre à l’attaque, de battre ses couvreurs ou même de traverser d’un bout à l’autre la patinoire. C’est justement parce qu’il est extrêmement rapide qu’il se permet de transporter fréquemment lui-même le disque hors de sa zone défensive. Son coup de patin explique aussi le fait qu’il soit tant impliqué dans les trois zones, réalisant notamment un nombre impressionnant de jeux lors des poussées offensives.

Attention, Karlsson n’est pas qu’un joueur rapide y allant de montées à l’emporte-pièce, il est également l’un des meilleurs passeurs à sa position. Cela est palpable tant en zone défensive, orchestrant de nombreuses sorties de zone via une passe, qu’en zone offensive, territoire où il alimente mieux que tout autre défenseur ses coéquipiers.

En somme, Karlsson est tout sauf un joueur unidimensionnel en possession du disque, pouvant y aller d’une passe d’une précision chirurgicale, comme d’une accélération explosive pour faire mordre la poussière à l’adversaire

Quoiqu’il ne possède pas le tir le plus puissant du circuit Bettman, il enfile les buts, saison après saison. Encore une fois sa vitesse et sa vision du jeu sont la clé, échappant régulièrement à ses couvreurs en zone offensive et repérant promptement les trous dans la couverture défensive. Cette dualité lui permet de décocher beaucoup de tirs de qualité au filet, ce qui explique sa récolte si régulière à ce chapitre. De plus, en dirigeant la rondelle au filet, de bonnes choses vont inévitablement survenir, comme ce fut le cas lors de la première partie opposant les Sénateurs aux Rangers, alors que le 65 a battu Henrik Lundqvist depuis un angle impossible.

Ce qui est encore plus intéressant dans le cas de Karlsson, c’est que sous la gouverne de Guy Boucher, il est devenu un défenseur encore plus complet, étant maintenant fiable défensivement. Paradoxalement, il doit s’agir de l’un des secrets les mieux gardés de la planète hockey, lui qui est encore affligé d’une toute autre réputation.

Karlsson graphique 2Lors de la saison régulière 2016-17, Karlsson a réalisé en moyenne 11,3 jeux défensifs pour chaque tranche de 20 minutes de jeu à égalité numérique. Il s’agit d’une hausse fulgurante de 11% par rapport aux statistiques avancées qu’il avait enregistrées lors de la campagne précédente.

Il faut dire que Guy Boucher est reconnu pour l’excellence de son système de jeu défensif, ce qui fut visiblement des plus profitables pour le défenseur suédois. Il demeure que Karlsson est un joueur très sous-estimé défensivement. Comment expliquer cette situation?

À son arrivée de la LNH, Karlsson était un joueur à risque et la première impression qu’il a donnée fut qu’il était une machine à revirements.

Malheureusement, cette première image le pourchasse toujours et les amateurs en ont conservé la perception immuable. De plus, Karlsson excelle en attaque et les défenseurs à caractère offensif ont la présomption d’être à risque défensivement, ce qui fut d’ailleurs auparavant son cas. Pour qu’un défenseur récolte un aussi grand nombre de points, il doit nécessairement sacrifier son jeu défensif au profit de sa récolte offensive. Le même raisonnement accable d’ailleurs le défenseur Brent Burns, lui aussi candidat au Norris.

Karlsson effectue également de nombreux jeux défensifs en zones neutre et offensive, y anticipant les passes de ses opposants ou en y défiant le porteur du disque. Or, les amateurs et les experts tiennent pour acquis qu’un jeu défensif doit nécessairement être réalisé en zone défensive. Comme Karlsson n’est pas uniquement actif dans son propre territoire, une grande partie de sa contribution défensive passe sous silence.

Finalement, plusieurs des actions posées par le capitaine des Sens ne sont pas flamboyantes, se contenant régulièrement de soutirer le disque à ses adversaires via un harpon plutôt que par une mise en échec, ou battant tout simplement son opposant de vitesse après un rejet du disque par son vis-à-vis en zone d’Ottawa. Quoique ces gestes ne soient pas spectaculaires, ils sont tout aussi efficaces, enrayant la menace adverse.

Le hockey des séries est le meilleur produit que la LNH nous livre et les meilleurs savent élever leur jeu d’un cran. C’est présentement le cas d’Erik Karlsson.

C’est justement parce qu’il excelle dans les trois zones que Guy Boucher n’hésite pas à l’utiliser à profusion. Du haut de ses 26 ans, Karlsson peut déjà être qualifié de l’un des meilleurs défenseurs de sa génération et il semble avoir tous les atouts pour marquer l’Histoire.