MONTRÉAL – Dimanche, Jérémy Roy a été retranché du camp d’entraînement des Sharks de San Jose. Il n’avait pas été utilisé la veille dans une défaite en fusillade contre les Golden Knights de Vegas. C’était la troisième fois en autant d’occasions qu’il était laissé de côté depuis le début du calendrier préparatoire de l’équipe.

 

Pour n’importe quel espoir jadis sélectionné en haut de tableau – Roy a été le premier choix de la deuxième ronde, le 31e au total, au repêchage de 2015 – il y aurait lieu de se poser de sérieuses questions. En prenant en considération que sept des huit défenseurs choisis au premier tour il y a trois ans ont déjà vu de l’action dans un match de saison régulière de la Ligue nationale, certains seraient peut-être même tentés de crier au flop.

 

Mais Jérémy Roy n’est certainement pas un espoir comme les autres.

 

« L’objectif, c’est toujours de jouer au plus haut niveau, d’essayer de se tailler une place, installait comme prémisse le Québécois de 21 ans, vendredi dernier, quand RDS l’a joint en Californie. Mais tu sais... de façon réaliste, je pense que juste jouer une bonne saison dans la Ligue américaine, jouer une saison complète, ça me ferait du bien. Juste d’être sur la glace et de pouvoir jouer, c’est mon objectif à moi. »

 

Roy a le genre d’histoire que vous ne souhaiteriez pas à votre pire ennemi. Il y a deux ans, moins d’un mois après avoir fait ses débuts avec une édition de l’Armada de Blainville-Boisbriand qui avait fait son acquisition parce qu’elle visait les grands honneurs, une collision avec un adversaire a broyé deux ligaments dans son genou gauche. Sa saison, et du même coup sa carrière junior, s’est terminée après seulement dix matchs.

 

La route du retour a été longue, mais la récompense qui l’attendait tout au bout n’était pas mince comme consolation. C’est chez les pros que Roy a effectué son retour au jeu et après ses vingt premiers matchs dans la Ligue américaine, il avait déjà collé huit points à sa fiche. La blessure ne semblait être qu’un mauvais souvenir, jusqu’à ce que la malchance frappe de nouveau.

 

Le même genou, le même diagnostic, la même montagne à gravir.

 

« C’est sûr que c’est difficile, concède l’arrière de 6 pieds 1 pouce et 200 livres. Le premier mois après la blessure est le pire. Les deux ou trois premières semaines après l’opération, tu te demandes « pourquoi moi? ». Mais à un moment donné, tu ne peux plus t’apitoyer sur ton sort. C’est important de suivre le programme de remise en forme comme il faut pour être à 100% à la date de retour fixée par le médecin. »

 

Derrière Karlsson, Burns et Vlasic, il y a l’espoir

 

Roy a recommencé à patiner au camp de développement des Sharks, en juillet. L’explosion dans sa foulée n’est pas revenue à son niveau d’antan, mais son genou est solide, comme neuf, et il affirme aujourd’hui être prêt à reprendre le collier. La saison des Barracudas de San Jose, le club-école de l’organisation, débute le 5 octobre.

 

« Ça prend du temps à s’adapter et à revenir au niveau que j’étais avant, c’est normal. Mais ça s’en vient mieux... », sent-il.

 

La vie d’un hockeyeur professionnel, si grisante vue de l’extérieur, n’est toutefois jamais dépourvue de contraintes. Pendant que Roy faisait, contre son gré, du surplace dans la marge, les Sharks ont continué d’approvisionner leur banque de talent à sa position. En 2017, ils ont repêché Mario Ferraro en deuxième ronde, puis l’an dernier, ils ont pris un risque qu’ils jugent calculé avec le talentueux Ryan Merkley en première ronde.

 

Bref, plus les années passent et plus les privilèges rattachés au statut d’espoir de premier plan s’effritent.    

 

« Honnêtement, ce n’est pas quelque chose à quoi je pense, réplique celui qui a été repêché cinq rangs derrière Noah Juulsen lorsqu’on le confronte à cette réalité. Je veux jouer et à partir de là, j’essaye simplement de faire ma propre place. J’essaye de ne pas penser au classement [des espoirs], à qui ils repêchent, à qui est devant moi et qui est derrière. Je veux juste faire ma propre place dans le lineup. »

 

La récente acquisition d’Erik Karlsson risque de combler un trou pour de nombreuses années dans la brigade turquoise. La possibilité que ce dernier signe un contrat à long terme, combinée à l’engagement déjà renouvelé envers les vétérans Brent Burns et Marc-Édouard Vlasic, vient limiter les options pour quiconque aspire à patrouiller la ligne bleue des Sharks.

 

Dans ce contexte, par contre, les candidats qui pourront proposer un talent au-dessus de la moyenne tout en commandant un salaire de débutant devraient être recherchés. Ça ne pourrait être qu’une question de temps avant que Jérémy Roy cadre dans ce moule.

 

« J’essaye d’y aller vraiment au jour le jour, année par année et de ne pas trop regarder le futur, insiste-t-il. À partir de là, on va voir ce qui se passera l’année prochaine, s’ils signent [Karlsson], s’ils ne le signent pas... Dans le monde du hockey, tout change tellement vite. Son arrivée change beaucoup de choses pour nous, mais ça peut changer aussi vite l’année prochaine. »