Quels sont vos classiques printaniers favoris? Depuis le début de la semaine, RDS revisite des moments marquants de l'histoire récente des séries éliminatoires de la LNH. Aujourd'hui, l’éclosion inattendue de Fernando Pisani dans la route vers la finale des Oilers en 2006..

 

MONTRÉAL – Depuis l’extinction de la dynastie qu’ils ont bâtie dans les années 1980, les Oilers d’Edmonton ont toujours dû s’arranger avec les moyens du bord. Petit marché, petit budget. Ça ne les a toutefois pas empêchés, à travers les années de vaches maigres, de déranger l’ordre établi et de marquer les esprits.

 

Il fut un temps où la capitale de l’Alberta, à l’arrivée du printemps, devenait un terrain glissant pour les premières têtes de séries de l’Association Ouest.  Il y a eu le but de Todd Marchant qui éliminait les Stars de Dallas en 1997. Il y a eu les prouesses de Curtis Joseph (n’est-ce pas, René Corbet?) contre l’Avalanche du Colorado l’année suivante.

 

Mais aucun de ces pied-de-nez à la hiérarchie n’arrive à la cheville de celui orchestré par l’édition 2006 des Oilers, une bande de cols bleus à la tête de laquelle s’était hissé le plus improbable des héros.

 

Fernando Pisani n’était pas un vilain joueur de hockey. Il avait marqué 26 buts à sa deuxième saison dans la Ligue américaine, puis 17 en seulement 41 matchs à sa troisième. Il avait atteint la Ligue nationale à 26 ans et à sa première saison complète avec les Oilers, il avait été le quatrième meilleur franc-tireur de l’équipe avec 16 buts. Il avait fait encore mieux en 2005-2006, au retour du lock-out, marquant 18 buts.

 

« Il y a plein de monde qui ne sait pas ça, mais il avait un des meilleurs tirs des poignets de la Ligue, révèle Georges Laraque, un coéquipier de l’époque. Sa façon de dégainer faisait un peu penser à Joe Sakic. »

 

Mais parce que Pisani n’était pas Sakic, et accessoirement parce qu’il n’avait marqué qu’un but en douze matchs avant que les Oilers n’entrent en séries par la peau des fesses, personne n’avait vu venir ce qui allait suivre.

 

En première ronde, cette année-là, les Oilers devaient servir d’amuse-gueules aux Red Wings de Detroit, les grands favoris pour remporter la coupe Stanley. Vingt-neuf points séparaient les deux équipes au classement final de l’Association Ouest.

 

Séries Oilers - Wings : deux buts de Fernando Pisani

« Tout le monde prenait pour acquis qu’on ne serait qu’un vulgaire dos d’âne sur leur route, se souvient Pisani, qui a accepté de partager ses souvenirs avec RDS cette semaine. Mais on avait un groupe de vétérans exemplaire et rien ne semblait nous ébranler. On était en confiance, on avait de l’attitude. Une fois entrés en séries, la pression de se qualifier s’était envolée. C’était aux Red Wings de nous sortir, maintenant, et on savait qu’on allait leur en donner pour leur argent. »

 

Les Oilers avaient perdu le premier match en prolongation, mais avaient égalé la série avant de revenir à Edmonton. « À Detroit, il y avait un gars qui, avant chaque match, faisait tourner une pieuvre dans les airs avant de la lancer sur la glace, rappelle Laraque. Brad Winchester, un de nos attaquants, était allé la chercher et l’avait jetée aux poubelles. La foule se demandait ce qui venait d’arriver. Nous autres, on s’était dit qu’on venait de briser le mauvais sort. »

 

Pisani avait fourni deux points dans cette première victoire, dont son premier but des séries. Il en aurait cinq après l’élimination des Wings en six matchs, devenant malgré-lui le personnage principale d’une formidable histoire de résilience collective.

 

« Quand on a sorti Detroit, je crois que c’est là que les gens ont commencé à parler de mes performances. C’est évidemment devenu un sujet de discussion de plus en plus gros à mesure qu’on avançait, mais c’était important pour moi de bloquer le bruit autant que possible. J’étais si concentré sur ce que j’avais à faire sur la glace, je n’ai jamais vraiment pris le temps de réaliser ce qui m’arrivait. C’est un peu décevant, quand j’y repense, mais je ne voulais pas sortir de ma bulle à l’époque. »

 

Au fond jusqu'en finale

 

Edmonton n’avait pas eu l’exclusivité des coups d’éclat en 2006. Après la première ronde, les quatre favoris de l’Association Ouest avaient été envoyés en vacances. Ce qu’il restait de neige sur le parcours des Oilers avait fondu d’un coup.

 

Séries Oilers - Sharks : deux buts de Fernando Pisani

« Quand on a battu Detroit, on s’est dit : ‘Crime, il n’y a plus rien qui va nous arrêter’, admet Laraque. On s’est rendu en finale facilement. On a ramassé San Jose, on leur a marché dessus. On a battu Anaheim en cinq même si on avait été tellement malade pour un match qu’on avait dû être hydraté par intraveineuse. »

 

« On jouait un style physique, on frappait tout le monde. On jouait à quatre trios en plus, ce qui nous donnait un avantage certain sur les autres qui coupaient leur banc. On était tellement intense que les autres équipes nous craignaient. On avait la recette parfaite cette année-là pour aller jusqu’au bout. Quand on s’est retrouvé contre les Hurricanes de la Caroline en finale, on était presque sûr de gagner. »

 

Pisani, lui, avait continué sur sa lancée, revendiquant trois des huit buts gagnants qui avaient permis aux Oilers de traverser les deuxième et troisième rondes. Il avait neuf buts en 17 matchs quand son équipe s’est vue présenter le trophée Clarence Campbell remis aux champions de l’Association Ouest.

 

« Avec Raffi Torres et Mike Peca, tout cliquait. J’avais l’impression de savoir où ils se trouvaient en tout temps. Raffi était une brute. Chaque fois qu’il était sur la glace, nos adversaires s’en méfiaient. C’est ensuite Mike et moi qui avions le beau jeu. Mike était un joueur de centre super intelligent. Je sais que les gens parlaient beaucoup de moi à l’époque, mais ça avait vraiment été un effort d’équipe. »

 

Pour les Oilers, la grande finale s’était amorcée comme elle allait se finir sept matchs plus tard : par une gifle en pleine gueule. À la fin du premier match, avec un score de 4-4, Marc-André Bergeron avait accidentellement poussé Andrew Ladd sur Dwayne Roloson en tentant de freiner sa course vers le filet. Les séries du gardien venaient de prendre fin.

 

Avec Ty Conklin et Jussi Markkanen comme remplaçants, les Oilers avaient dérapé. Ils avaient perdu les deux matchs à Raleigh, puis échappé le match numéro 4 à domicile. Fernando Pisani avait toutefois encore un peu de magie dans le bâton. Il avait marqué dès la 16e seconde du cinquième match, puis il y avait mis fin en prolongation en marquant le premier but gagnant en désavantage numérique de l’histoire des séries de la LNH.

 

« De tous les buts que j’ai marqués cette année-là, je dirais que c’est lui mon favori, estime-t-il. D’abord à cause de l’enjeu du match. Et puis c’est assez cool de dire qu’on a écrit une petite partie de l’histoire de la LNH. Encore aujourd’hui, il m’arrive souvent de croiser des gens qui tiennent à me dire où ils étaient et ce qu’ils faisaient quand j’ai marqué ce but. Je ne m’en lasse jamais. »

 

Pisani n’avait pas fini. Trois jours plus tard, il avait marqué le premier but d’une victoire de 4-0, son cinquième but gagnant des séries. L’espoir était revenu à Edmonton.

Sixième match de la finale : but gagnant de Fernando Pisani

 

« Tout le monde pensait qu’on gagnerait le septième match, songe Laraque. Mais une des plus grosses erreurs qu’on a commises, et je n’ai jamais compris pourquoi on avait fait ça, c’est qu’en plus du vol qui avait amené l’équipe à Raleigh, l’équipe avait nolisé un autre avion qui avait transporté la famille des joueurs en plus de 40 caisses de champagne. Je nous revois encore à l’hôtel à la fin de la soirée, comme des losers avec nos caisses de champagnes. Il y a des bouteilles qui étaient allées se casser sur des murs. Ça a été le feeling le plus tough de toute ma carrière. »

 

Pisani aurait été un candidat de choix pour le trophée Conn Smyth, remis au joueur par excellence des séries éliminatoires, si le sort avait favorisé les Oilers ce soir-là. L’ailier droit avait fini son tournoi avec 18 points, dont 14 buts, en 24 matchs. Quelques jours plus tard, avant l’ouverture du marché des joueurs autonomes, il avait signé un nouveau contrat de quatre ans évalué à 8 M$. Mais il n’a jamais marqué plus de 14 buts dans une saison par la suite et après ce fabuleux parcours du printemps 2006, n’a plus jamais joué un match de séries pour les Oilers.

 

« Pour lui, dans ces séries-là, tout fonctionnait. C’était vraiment incroyable, les séries de rêve qu’il avait eues », arrive à trier Laraque dans les souvenirs de sa déception.

 

Nos autres souvenirs de séries

Lundi : Nuit blanche en Pennsylvanie - le but en or de Keith Primeau
Mardi : Martin Gélinas, le bourlingueur « underdog »
Jeudi : « Thriller » à Ottawa : la qualification historique des Sénateurs