Du haut de ses 11 ans, Bob Hartley assistait à son troisième match au Forum de Montréal lorsque Jean Béliveau, l’une de ses idoles, a enfilé le 500e but de sa carrière face aux North Stars du Minnesota.

Mardi soir, 43 ans plus tard, Hartley a appris le décès de l’illustre numéro quelques minutes après la septième victoire depuis neuf matchs de son équipe, les Flames de Calgary.

Ce grand passionné de hockey ne pouvait guère s’empêcher de replonger dans ses souvenirs d’enfance pour vivre ce deuil avec le respect qu’il lui portait.

Jean Béliveau« Je rêvais souvent que j’étais Jean Béliveau quand je jouais des matchs de hockey dans la rue ou sur les patinoires extérieures à Hawkesbury où j’ai grandi », a confié Hartley au RDS.ca en admettant qu’il se glissait aussi parfois dans la peau des gardiens Gump Worsley et Rogatien Vachon.

Par un heureux hasard, Hartley se retrouve aujourd’hui aux commandes des Flames où il s’est lié d’amitié avec le vénérable Al MacNeil qui a non seulement joué avec M. Béliveau en plus de le diriger chez le Canadien.

Comme il l’aime le dire, MacNeil est devenu son père spirituel chez les Flames et l’ancien entraîneur de l’organisation albertaine s’est soulagé de la peine du décès de M. Béliveau en discutant du « bon vieux temps » avec Hartley mercredi matin.

« Al vient toujours s’asseoir dans mon bureau et, cette fois, on a jasé de Jean Béliveau pendant une heure de temps ! Il me racontait notamment l’histoire du vote pour le capitaine qui était arrivé à égalité après le premier tour entre lui et Bernard Geoffrion », a mentionné cet habile raconteur qui récoltera sa 400e victoire comme entraîneur au prochain triomphe des Flames.

Hartley avait donc l’impression de remonter dans le temps en songeant à la carrière de l’imposant numéro 4 et il n’avait pas besoin de se creuser la tête pour revivre ses souvenirs de ce hockeyeur inspirant.

« Je racontais ça à mes amis à Calgary, je pourrais aller dans le Forum et pointer dans un rayon de 20 pieds où j’étais assis pour ce match. J’étais placé du côté qu’il a déjoué Gilles Gilbert et j’ai vu la rondelle glisser dans le filet. J’ai vu plusieurs joueurs marquer leur 500e but dans ma carrière, mais c’est le seul qui est gravé dans ma mémoire et c’est probablement parce que j’étais un ti-cul qui en était qu’à son troisième match au Forum », a détaillé Hartley sur ce précieux souvenir.

Déjà conquis par le joueur qu’il regardait avec son cœur d’enfant, Hartley prétend que son respect envers M. Béliveau a atteint un autre niveau en le côtoyant en tant qu’adulte.

« Quand tu vieillis, tu peux plus apprécier les valeurs d’un homme. Comme adulte, j’ai pu rencontrer l’homme donc j’ai eu le meilleur des deux mondes. J’ai été marqué par sa gentillesse, sa simplicité et son art de bien traiter les gens. On a perdu un monument ! », a jugé Hartley.

Pas question de célébrer à Calgary

Dès jeudi soir, les Flames reprendront l’action et aucun observateur ne peut nier que cette organisation constitue l’une des plus belles surprises de la saison.

À l’approche du tiers du calendrier régulier, la troupe de Hartley n’a surtout pas l’intention de lever le pied ou de se réjouir trop rapidement de ce départ inspiré.

« On demeure conscient que tout est fragile dans la LNH. Tu peux autant gagner cinq ou six parties de suite qu’en perdre sept ou huit d’affilée. On se méfie d’un relâchement tous les jours en poussant à fond sur notre entraînement et notre préparation », a insisté Hartley.

Par sa nature intense, Hartley n’a guère besoin de convaincre personne qu’il évite les excès de confiance chez ses joueurs.

« On s’assure de garder les pieds de nos joueurs sur terre. On travaille avec les vétérans et on tient de nombreuses réunions en comité pour s’assurer que la concentration soit à la bonne place. Après tout, personne ne se qualifie pour les séries le 1er décembre. On garde une approche modeste match par match », a enchaîné Hartley en s’excusant de devoir recourir à un cliché.

La saison dernière, Hartley avait prêché la patience et accéléré le virage jeunesse. L’entraîneur refuse de se dire surpris par la résurgence rapide de sa formation qui avait conclu la campagne 2013-14 au 28e rang.

« Tout a vraiment commencé à ce moment. On a fait de bons changements et on peut se fier sur d’excellents vétérans. Après la pause olympique, on est devenue l’une des meilleures équipes et les gars ont pris goût à ça. Ils ont cru qu’ils auraient une chance de recommencer sur la même voie après un bon camp d’entraînement.

Mais pour y arriver, les meneurs doivent donner le ton et le capitaine Mark Giordano ne cesser de s’attirer des éloges. Il est même perçu, pour le moment, parmi les candidats au défenseur de l’année.

« On a dit que Jean Béliveau était une force de la nature et qu’il avait de nombreuses qualités comme du caractère et de la simplicité. Et bien, Giordano est impressionnant dans ce sens. Il a les succès de l’équipe à cœur et il prend soin de tout le monde », a souligné Hartley tout en vantant l’acquisition de Jonas Hiller qui lui permet de miser sur un duo redoutable avec Karri Ramo.

Les séries, les séries et les séries

En vertu de sa nature exigeante, Hartley avait établi de hauts standards pour son équipe avant le lancement de la saison actuelle. Il peut s’en réjouir parce qu’il n’a pas besoin d’ajuster les objectifs à la lumière des résultats très encourageants des siens.

« On n’a rien changé dans notre approche. On parle des séries depuis le jour 1 », a rappelé l’ancien entraîneur des Thrashers et de l’Avalanche.

« La journée que je vais venir travailler en pensant que mon équipe ne peut pas accéder aux séries, je vais rester chez nous. Je porte un peu le flambeau dans ce sens parce que si je ne demande pas l’excellence, je vais être obligé de me contenter de la médiocrité et ça ne t’amène pas loin. J’aime autant placer la barre haute que de se contenter d’une trop basse », a-t-il lancé avec conviction.

Pour franchir cette barre avec succès, Hartley devra continuer de miser sur du jeu inspiré du jeune noyau à sa disposition avec l’appui de piliers comme Giordano, T.J. Brodie, Dennis Wideman et Kris Russell. Johnny Gaudreau et Sean Monahan (à gauche et au centre sur la photo) semblent prêts à remplir cette mission.

« J’ai voulu protéger Monahan l’an passé en l’opposant surtout contre des joueurs des troisième et quatrième trios. Mais cette saison, avec les blessures à (Mikael) Backlund, (Joe) Colborne et (Matt) Stajan, je n’ai pas eu le choix et il joue maintenant les minutes que je confiais à Joe Sakic au Colorado. Il joue contre les meilleurs trios et sa production n’en souffre pas du tout. Ça ne me surprend pas parce qu’il est tellement mature et perfectionniste pour son âge, c’est de toute beauté le voir aller », a vanté Hartley. Johnny Gaudreau, Sean Monahan et David Jones

C’était difficile à prévoir, mais les Flames se retrouvent parmi les puissances offensives de la LNH cette saison. Autre surprise, deux défenseurs – Giordano et Brodie - se situent dans le top-3 des pointeurs des Flames.

« Je m’en balance comme tu ne peux pas savoir de qui est mon premier marqueur ou mon dernier. Je regarde plutôt le classement des équipes et c’est pratiquement tout ce qui importe à mes yeux », a répliqué, sur cette observation, Hartley qui s’attarde à impliquer ses défenseurs dans ses stratégies.

Sous pression dès son arrivée à la barre des Flames, Hartley apprécie son aventure dans la ville des récents champions de la coupe Grey. Son travail devient encore plus savoureux grâce à la compagnie de ses adjoints, ses amis Jacques Cloutier et Martin Gélinas.

« C’est tellement facile de travailler avec eux. On a beaucoup de vie, il n’y a personne de tranquille dans notre gang! On tient le monde éveillé et je me sens privilégié de pouvoir diriger avec ma gang d’entraîneurs. Ce sont des pros et de bons chums », a convenu Hartley qui est aussi appuyé par Jordan Sigalet (entraîneur des gardiens) et Jamie Pringle (vidéo).

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Hartley et sa bande doivent se préoccuper de plusieurs aspects. Dans ce sens, il est loin de se soucier de la rivalité omniprésente avec les Oilers qui accumule les défaites.

« On ne peut pas nier cette rivalité, mais on la vit encore dans les vieilles cendres », a lancé Hartley avec son langage imagé.

« Tant et aussi longtemps qu’on ne sera pas des équipes de séries, il n’y a pas de rivalité pour moi. Je comprends qu’elle existe pour les gens de l’Alberta puisque c’est une rivalité géographique naturelle comme Montréal et Québec et on la voit dans la LNH, le hockey junior et la LCF. Mon but n’est pas de faire revivre cette rivalité, mais d’amener les Flames en séries », a-t-il conclu avec espoir.

*Bob Hartley tiendra la 19e édition de son camp de hockey au mois de juillet à York en Pennsylvanie. Mark Giordano et Johnny Gaudreau seront notamment présents à ce camp d’immersion anglaise (hartley.com).