Section spéciale Repêchage LNH 2019

Repêchage 2019 : fais ton classement

BUFFALO – Réal Turcotte a quitté le Québec en 1959, à l’âge de 19 ans, pour aller jouer au hockey à l’Université Michigan State. Deux ans après sa graduation, sa femme et lui sont devenus parents d’un premier fils, qu’ils ont prénommé Alfie.

En 1983, Alfie Turcotte a été repêché en première ronde par le Canadien de Montréal. Le directeur général de l’époque, Serge Savard, avait accueilli sa jeune trouvaille dans l’organisation en le comparant à Pat LaFontaine. Turcotte n’a joué que 112 matchs dans la Ligue nationale.

L’arbre généalogique familial a continué de prendre de l’expansion. Les racines francophones ont fini par toucher le béton mais le talent, lui, y a bourgeonné.

Le plus jeune spécimen de la lignée s’appelle Alex Turcotte. De la terre de ses ancêtres, le jeune homme de 18 ans ne garde comme souvenir que sa participation au tournoi pee-wee de Québec. Le reste provient des histoires racontées par son grand-père.

« Il est arrivé au États-Unis sans connaître un mot d’anglais et il a fait son chemin. Je ne sais pas s’il aurait eu une chance de jouer à un plus haut niveau, mais à ce qu’on m’a dit, il était très bon », raconte-t-il fièrement au sujet de son aïeul.

« Il m’a souvent raconté à quel point c’était différent dans son temps, que les joueurs ne portaient pas de casque. C’était fou dans ce temps-là. Je crois qu’il trouve ça pas mal cool de me voir dans cette position. Il l’a vécu avec mon père et il le revit avec moi. C’est cool de partager cette expérience avec lui. »

Alex Turcotte est né et a grandi à Chicago, a été formé par le programme de développement américain et, comme son père jadis, ses habiletés provoquent l’hyperbole. Avant même qu’il n’ait joué un seul match dans la LNH, on le compare à Jonathan Toews, qui s’adonne à être son idole de jeunesse.

« Je serai chanceux si je deviens la moitié du joueur qu’il est », a appris à répondre le jeune Turcotte devant ces redondantes projections.

Rien n’est impossible, mais à quelques jours du repêchage de la Ligue nationale, personne ne peut s’imaginer ce « joueur de centre sans réelle faiblesse » faire patate chez les professionnels. Même s’il a raté une bonne partie de la dernière saison en raison d’une blessure à une hanche et d’une bataille avec la mononucléose, Turcotte est considéré sur plusieurs listes comme le deuxième meilleur attaquant de l’équipe américaine des moins de 18 ans derrière Jack Hughes. Certains observateurs croient même qu’ils pourraient se glisser dans le top-3 de sa cuvée, derrière Hughes et le Finlandais Kaapo Kakko.

« S’il finit quatrième sur notre liste, il sera l’un des meilleurs joueurs à jamais y avoir été classé quatrième », disait en avril Mark Edwards, un évaluateur pour la firme indépendante Hockey Prospect qui a effectivement placé Turcotte au pied du podium dans son classement final.

« Il possède tout ce que je recherche chez un joueur, développait Edwards. Son instinct et sa compréhension du jeu sont à un autre niveau. Il est fantastique dans les trois zones, il se défonce à chaque présence, il est talentueux et il fonce au filet. »

« C’est un petit couteau suisse, illustre Dustin Braaksma, un collègue d’Edwards chez Hockey Prospect. Il sera efficace peu importe la mission que vous lui confiez. Personnellement, je n’aurais aucun problème à utiliser un choix dans le top-5 pour le repêcher. »

Il est impossible de lire un rapport sur Turcotte ou d’écouter un recruteur disserter à son sujet sans être gavé du terme « compétiteur ».

Quand on rencontre le jeune homme, on retrouve un concentré de cette qualité dans son regard. Quand il est question de hockey, le kid n’entend pas à rire. C’est un trait de sa personnalité qu’il croit avoir développé quand son père, très jeune, insistait pour l’inscrire dans ses équipes locales plutôt que dans les programmes d’élite.

« Je crois que ça m’a appris à me présenter et à tout donner à chaque match. Je n’avais personne pour me tenir la main, personne derrière qui me cacher. Pour tirer mon épingle du jeu, je devais être combatif et constant. »

À propos de cette constance : en 37 matchs avec le programme américain cette saison, Turcotte a maintenu une moyenne de 1,68 point par match, la deuxième meilleure du groupe derrière Hughes.

L’échantillon est modeste, mais il peut permettre à Turcotte de rêver. Cette année, le troisième choix de la première ronde appartient aux Blackhawks, l’équipe de son enfance et du joueur qui l’a inspiré.

« J’imagine qu’on peut dire que je viens avec les mêmes qualités que lui, finit-il par répondre avec assurance quand les comparaisons avec Toews refont surface. Je suis un compétiteur, j’excelle partout sur la patinoire. Je veux jouer où il joue et je veux être comme lui un jour. »