TORONTO – Habitué de fermer la porte aux nez des Mario Lemieux, Wayne Gretzky, Brett Hull et autres grands marqueurs qu’il a affrontés au cours de sa carrière, Dominik Hasek franchira les portes du Temple de la renommée lundi. Et personne n’oserait fermer ces portes au nez du « Dominator » pour le priver d’un honneur qui lui revient de plein droit.

Choix obscur de 10e ronde (207e sélection) des Blackhawks de Chicago en 1983, Hasek s’est imposé pendant huit ans dans sa République tchèque natale (alors Tchécoslovaquie) avant de traverser l’Atlantique.

Malgré un style inorthodoxe, presque brouillon, Hasek s’est fait une place au sein de la première équipe d’étoiles avec le Ice d’Indianapolis dans la Ligue internationale. Un honneur qui lui a valu un essai avec le grand club. Un essai qu’il n’a pas raté.

Il y a quelques années, alors que Hasek était au sommet de son art, l’ancien gardien et aujourd’hui analyste Greg Millen m’avait raconté avoir compris que ses jours avec les Hawks étaient comptés dès le premier entraînement du gardien au style bien à lui.

Au fait, comment qualifier le style de ce gardien aux jambes et à la mitaine ultra rapides, mais qui pouvait aussi effectuer des arrêts avec son dos, son casque grillagé et ses mains alors qu’il n’hésitait pas à laisser tomber son bâton si une telle décision l’aidait à réaliser l’arrêt?

« J’aime dire que je j’ai développé un style qui avait comme seule caractéristique son efficacité. Un style qui me servait à l’époque. Mais un style qui serait encore efficace dans le hockey d’aujourd’hui, je crois », a défilé Hasek lors du point de presse des futurs intronisés vendredi au Panthéon du hockey.

Pour dire vrai, le style de Dominik Hasek était un vrai style papillon. Pas celui de Patrick Roy qui se jetait sur les genoux pour couvrir le bas du filet tout en maximisant sa masse devant le but, mais un vrai style papillon. Un style imprévisible alors qu’on pouvait retrouver Hasek dans toutes les positions... sauf debout.

La capacité de Hasek de faire tout ce qu’il était possible de faire pour priver ses adversaires d’un but est la principale qualité relevée par Peter Forsberg. « Il avait bien sûr une excellente vision, mais ce gars-là a le corps fait de caoutchouc. Son plus gros atout était de toujours nous garder sur la défensive. Tu ne savais jamais si le gardien un peu fou allait sortir jusqu’au centre de son territoire pour venir à ta rencontre sur une échappée ou s’il allait rester devant son but », a témoigné Forsberg.

Mike Modano a renchéri en indiquant que « cette façon qu’avait Hasek de faire réfléchir les attaquants sur le genre d’opposition qu’il allait offrir entraînait des gaspillages d’occasions de marquer ».

Rob Blake, qui s’est dit impressionné par la combativité affichée par Hasek devant son but, a été surpris de voir que six ans après la fin de sa carrière de 16 ans dans la LNH, Hasek est en mesure d’analyser les buts marqués contre lui et les arrêts qu’il a réalisés. « Ça fait trois jours que je passe avec lui et chaque fois qu’il est question d’un gros match, il analyse les jeux en détail. J’ai l’impression qu’il se souvient même des arrêts effectués lors des échauffements d’avant-match. »

Non seulement Hasek était intraitable lors des matchs, mais il affichait la même combativité devant ses coéquipiers de Chicago, Buffalo, Detroit et Ottawa, contre qui il refusait de céder.

« J’ai l’impression que ça lui faisait mal d’accorder un but », a poursuivi Peter Forsberg en boutade. Certains coéquipiers de Hasek répliqueraient du tac au tac que cette remarque est à peine exagérée...

De tous les buts qu’il a accordés, celui de Brett Hull qui a permis aux Stars de Dallas de battre les Sabres de Buffalo en finale de la Coupe Stanley en 1999 le hante toujours.

« Hull avait le patin dans le demi-cercle et le règlement à l’époque était clair. Ce but aurait dû être refusé parce qu’il n’était pas bon. Mais j’ai pu me reprendre avec mes deux conquêtes de la coupe Stanley en 2002 et 2008 avec les Red Wings », a commenté Hasek.

Surtout qu’en 2008, Hasek et les Wings avaient éliminé les Stars de Dallas en finale d’Association Ouest avant de battre les Penguins de Pittsburgh.

Outre ses deux coupes Stanley, Dominik Hasek a mis la main sur deux trophées Hart (1997, 1998) à titre de joueur le plus utile à son équipe. Il est le premier gardien à avoir réalisé l’exploit depuis Jacques Plante en 1962. Hasek a reçu le trophée Vézina à six reprises et il détient toujours le record de jeux blancs en carrière (55) et en une saison (13) chez les Sabres de Buffalo.

Lors d’une visite du Canadien à Buffalo, alors que les Sabres traversaient une séquence difficile, le Québécois Donald Audette avait plaidé que le plan de match des Sabres était en République tchèque pour expliquer cette mauvaise passe. Hasek était rentré dans son pays natal pour être au chevet de son père malade...

Comme il l’avait fait avec Peter Forsberg dont il a dénoncé sa tendance à commettre de l’obstruction, l’arbitre Bill McCreary a passé Hasek à l’interrogatoire samedi. « Dom était l’un des rares à être capable de se débarrasser de son bâton pour saisir la rondelle avec la main sous son bouclier », a expliqué l’officiel aux amateurs présents au Panthéon samedi après-midi. « Mais parfois, j’avais nettement l’impression que dans ses grands élans, Dominik jetait son bâton de façon illégale pour pousser la rondelle. Comme Peter (Forsberg), il était toujours à cheval sur la légalité. À moins que tu étais dans l’illégalité », a conclu McCreary en regardant Hasek.

Le gardien n’a pas répondu!

En 1998, à Nagano, Dominik Hasek a réalisé l’impossible en se dressant contre le Canada en demi-finale du tournoi olympique avant de battre la Russie en grande finale. Hasek avait alors gagné son face-à-face avec Patrick Roy, s’imposant en tirs de barrage.

Bill McCreary, qui était sur la patinoire lors de ce match historique, se souvient qu’en début de fusillade Hasek s’était approché de lui. « Il voulait savoir si Wayne Gretzky allait être envoyé sur la patinoire », se souvient McCreary qui n’avait pas de réponse à offrir. Gretzky est finalement demeuré au banc et cette décision soulève encore des questions aujourd’hui.

Questionné sur le marqueur le plus redoutable qu’il ait affronté en carrière, Dominik Hasek amorce sa réponse avec le nom de Mario Lemieux. Il défile ensuite les noms des Gretzky, Sakic et autres grands marqueurs de cette époque. Il concède toutefois en fin de réponse que Brett Hull, avec la vitesse de son tir sur réception, est le marqueur contre qui il avait le plus de difficulté à réaliser des arrêts.