MONTRÉAL – Habituellement, les meilleurs espoirs en vue du repêchage de la LNH doivent convaincre les 30 équipes de leur potentiel pour réussir une carrière professionnelle. Daniel Sprong constitue plutôt l’exception alors qu’il doit démontrer que son attitude ne l’empêchera pas d’y arriver.

Le talent, c’est loin d’être le problème dans le cas de cet attaquant né à Amsterdam, aux Pays-Bas, et qui est classé au 20e rang parmi les patineurs de l’Amérique du Nord par la Centrale de recrutement de la LNH à l’approche du repêchage. À vrai dire, le talent lui sortait par les oreilles dès son enfance si bien que ses parents n’ont pas hésité à s’expatrier au Canada pour qu’il puisse développer tout son potentiel.

Cependant, l’accès à la Ligue nationale ne s’effectue jamais sans embûches et le parcours de Sprong est entaché par quelques craintes à propos de son comportement. Quelques sources sondées par le RDS.ca au cours des derniers jours ont confirmé le bruit qui court à son sujet et certains intervenants n’ont pas mâché leurs mots à son endroit.

« C’est son environnement (sa famille) qui lui fait mal et son attitude personnelle. Il est au-dessus de son équipe », a confié, sans détour, le recruteur des Kings de Los Angeles, Denis Fugère.

« Son langage verbal sur la glace laisse à désirer énormément. Parfois, il veut tout faire par lui-même et c’est impossible dans le hockey d’aujourd’hui. Même Steven Stamkos et Wayne Gretzky ont utilisé leurs coéquipiers et Daniel ne semble pas le saisir. Il est borné, c’est malheureux », a-t-il ajouté.

Ces propos sont éloquents et ils sont malheureusement partagés par quelques intervenants. Heureusement pour Sprong, d’autres dépisteurs ne le perçoivent pas de manière aussi négative, blâmant plutôt son jeu aux tendances égoïstes.

« Je ne critique pas son éthique de travail, il est très dédié et il veut faire carrière au hockey. Il ne sait pas nécessairement comment y arriver encore comme 90 % des jeunes de ce niveau. Oui, parfois, il n’utilise pas ses coéquipiers. Mais, encore là, il ne faut pas minimiser son talent. Son talent est au-dessus de la moyenne donc est-ce que tu vas le laisser passer parce qu’il est un peu individualiste? Je pense que ça peut s’améliorer et il a prouvé qu’il peut accomplir de belles choses », a rétorqué un recruteur d’une équipe de l’Association Est. Daniel Sprong

« On a vu plusieurs joueurs qui étaient moins matures au niveau de la personnalité et qui ont eu de très belles carrières. On essaie de les voir comme des adultes, mais ce sont des kids », a insisté celui-ci.

D’après toutes les personnes consultées, le manque de maturité serait un enjeu pour l’athlète de six pieds et 180 livres.

« On en entend parler comme tout le monde, il traîne un peu cette étiquette », a confirmé un entraîneur de la LHJMQ.

La tâche revient donc aux organisations du circuit Bettman de déterminer si le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, ce n’était pas étonnant d’apprendre que Sprong avait été sollicité par 24 d’entre elles – dont le Canadien de Montréal – pour des entrevues dans le cadre des évaluations de la LNH à Buffalo la semaine dernière.

Ce processus important a permis de « cuisiner » Sprong à propos de ces allégations et il ne s’est pas défilé.

« On me parle souvent de mon attitude. Mais, après avoir parlé aux équipes, on m’a dit que c’était une mauvaise perception. C’est vrai que j’ai un fort tempérament, mais les gens pensent ça à cause de la manière dont je joue et parce que je suis exigeant envers mes coéquipiers. Je veux soutirer le meilleur d’eux. Les équipes ont changé leur opinion sur mon attitude », a prétendu l’ailier de 18 ans qui a terminé au 14e rang de la LHJMQ avec 88 points (39 buts, 49 aides) en 68 parties en 2014-2015.

Gordie Dwyer, qui a dirigé Sprong pendant ses deux saisons avec les Islanders de Charlottetown, est fort bien placé pour peser les pour et les contre.

« Il est certainement un joueur qui dégage beaucoup de confiance sur la patinoire. Il est vraiment affamé de devenir un joueur professionnel et il a mis beaucoup de travail dans le développement de ses aptitudes », a noté Dwyer en rappelant que le fait d’être entouré par les agents Pat Brisson et André Ruel lui sera bénéfique.

Congédié au terme de la récente saison, Dwyer a refusé de dire que Sprong avait représenté un hockeyeur difficile à diriger.

« Dès son arrivée, on voyait qu’il visait très haut. Il veut être un facteur décisif et c’est une qualité en soi. Avec plus de maturité, il comprendra mieux ce qu’il doit améliorer et on en verra les bénéfices », a tout de même indiqué Dwyer en lien avec ses carences défensives.

Daniel Sprong

Une détermination évidente

La conviction de Sprong ne se limite pas à la patinoire. Les observateurs de la LNH ont pu le constater quand il a poursuivi l’épreuve des pull-ups tandis que ses bras tremblaient. Même s’il a été écarté du top-10 de tous les tests, Sprong était satisfait de sa performance et il était tout aussi déterminé devant les médias.

Le droitier, reconnu pour la qualité de son lancer, ne vit pas dans l’illusion puisque l’unanimité prévaut à propos de ses qualités en attaque.

« Il a les atouts pour s’établir comme un joueur offensif et ça prend de grandes habiletés pour s’établir au niveau supérieur comme on le voit en finale de la coupe Stanley. Il pourrait certainement devenir un attaquant du top-6 et un très bon joueur offensif », a jugé Dwyer qui a disputé 108 matchs dans la LNH dont 13 avec le Tricolore.

Tellement convaincu par son arsenal, Sprong utilise une réponse encore plus enthousiaste pour décrire le joueur qu’il peut devenir dans la LNH.

« Un attaquant du top-6, une grande menace offensive, un marqueur et un joueur qui fera la différence dans les moments clés. J’adore marquer des buts et je veux être une menace chaque fois que je touche la rondelle », a évoqué celui s’inspire de joueurs au profil similaire.

« J’aime beaucoup Ilya Kovalchuk, Patrick Kane et Filip Forsberg. Ils font tous des choses que je veux reproduire, mais en même temps, je veux être moi-même », a mentionné Sprong qui a apprécié son entretien avec le Canadien qui a été mené par Trevor Timmins.

Comblé d’avoir immigré à Montréal avec ses parents, Sprong poursuit ses démarches pour obtenir sa citoyenneté canadienne et, dans un monde idéal, il voudrait représenter son pays d’adoption au Championnat mondial junior.

En attendant cette réponse, Sprong obtiendra celle des équipes de la LNH le 26 juin. S’il n’est pas réclamé lors de cette soirée de la première ronde, certaines formations auront décidé de ne pas risquer un investissement en lui et il devra patienter au lendemain pour les rondes 2 à 7.

Contrairement aux 30 équipes de la Ligue nationale, la Centrale de recrutement ne s’attarde pas à la personnalité des joueurs. Au final, son attitude risque d’effrayer certaines organisations, mais le pari pourrait être payant pour celle qui surmontera cette crainte en osant en premier le repêcher.

« Il veut jouer à sa manière, mais à un certain moment, tu ne peux pas contrôler tout le monde sur la glace. Il manque de flexibilité sauf qu’il a trop de potentiel pour ne pas qu’une équipe lui saute dessus. Il a besoin de continuer à se faire diriger, mais il deviendra tout un joueur. Il a tellement d’outils, ç’en est épeurant », a dit un autre entraîneur de la LHJMQ en concluant avec un terme faisant aussi écho à son comportement.