Enfin, pourrait-on dire, les Capitals de Washington ont vaincu leurs démons. Il aura fallu bien des années pour que ce club qui avait la réputation de flancher aux moments cruciaux puisse lever la coupe. Combien de fois ont-ils été éliminés en séries de fin de saison? Le temps commençait à presser pour cette équipe. La fenêtre pendant laquelle est ouverte la possibilité de gagner le trophée de la suprématie de la LNH se ferme rapidement. Il faut profiter du bref moment où sont en place tous les éléments qui laissent une chance d’aller jusqu’au bout. Dans le cas des Caps, il était peut-être minuit moins une.

 

Des analystes chevronnés feront l’analyse de l’équipe et de la finale avec les Golden Knights. Ils sont bien meilleurs pour ça. Pour ma part, je voudrais attirer votre attention sur un facteur psychologique qui, au-delà des stratégies et du talent incroyable des joueurs, a été au centre de ce triomphe de la Coupe Stanley : vivre l’instant. 

 

En effet, le présent est le seul moment auquel nous avons accès. Le passé ou l’avenir n’existent que dans nos pensées. Voyez-vous, hier vit seulement dans nos mémoires alors que demain tient de l’espoir de voir ou non des événements se produire. C’est pourquoi il n’y a que le présent qui compte. 

 

Mais dieu qu’il est facile de s’imaginer déjà demain en se disant qu’aujourd’hui aura été fantastique. On y croit, sans agir pour que ça arrive. Peut-être pire encore, il est si aisé de revoir constamment ce qui s’est déjà passé et de rester coincé dans un cercle vicieux. De revivre, par exemple, une défaite crève-cœur et d’en sentir l’amertume remonter dans la gorge.  

 

L’une des grandes forces de Washington, et certainement la leçon que leur entraîneur a réussi à inculquer à ses joueurs, c’est qu’il faut vivre dans le présent. C’est aujourd’hui qui compte. Regarder vers le passé et des résultats parfois décevants aurait pu les amener à jouer sur les talons, à avoir peur de ce qui pourrait survenir, à revivre cette douleur de la défaite. 

 

Au contraire, vivre dans l’avenir, et se voir déjà soulever la coupe leur aurait peut-être fait lever le pied lors du match décisif. Voyant la victoire à leur portée, ils auraient pu oublier les leçons, laisser aller la machine, ralentir l’ardeur. 

 

La seule façon de gagner, et c’est vrai pour plusieurs facettes de la vie, c’est de rester concentré sur le présent, sur ce qui se passe en ce moment, à cet instant. C’est ce que les Caps ont fait. 

 

Ajoutons à cela la détermination de chacun d’eux, en débutant par le capitaine, Alex Ovechkin. Celui-là, il a sonné la charge. Il a été un modèle que les autres ont pu suivre. Je crois deviner que ce joueur exceptionnel a changé d’attitude dernièrement. Il s’est montré bien moins individuel dans ses jeux; il semblait, enfin, s’amuser sur la glace et on le voyait heureux des bons jeux de ses équipiers. Tout ça s’est aussi traduit dans le comportement des autres joueurs de l’équipe qui m’ont eu l’air d’aimer encore plus leur capitaine. Donc, Ovechkin a été une pièce maitresse de la victoire.

« J'espère que Lars apportera la Coupe à mes enfants »

 

Il n’est pas le seul, Lars Eller a aussi été un de ceux qui se sont distingués. Je vous rappelle que j’ai eu le plaisir et l’honneur d’exercer ma profession pour les Canadiens. J’en remercie encore Michel Therrien et Marc Bergevin pour cette opportunité qu’ils m’ont offerte. Pendant mon séjour avec le club, j’ai pu travailler avec Lars Eller et j’ai découvert non seulement un joueur talentueux, mais un homme sensible et déterminé. Nous avons continué à nous parler régulièrement même après son départ de Montréal. En réalité, je lui ai parlé tous les jours pendant les séries. Nous échangions sur ses performances et sur l’attitude qu’il devait développer. Je suis si heureux de ce qui lui arrive. 

 

À titre d’anecdote, la veille de ce cinquième match, il m’avait téléphoné. Nous avons encore bavardé de la préparation et de l’état d’esprit à développer avant une partie. Je me souviens avoir terminé l’entretien en lui disant que c’est lui qui allait marquer le but gagnant de ce match décisif. Et on sait tous ce qui est arrivé. Je ne veux surtout pas m’accorder le crédit de ce résultat, je veux simplement préciser, comme je l’affirme le titre de mon livre, que Le hockey c’est dans la tête. Quand on y croit, tout peut survenir. Alors je suis extrêmement heureux pour ce jeune homme qui semble enfin avoir trouvé sa place.

 

Alors félicitations aux nouveaux champions de la Coupe Stanley. Vous avez raison de profiter de cet immense honneur.

 

Et les Golden Knights?

 

À mon avis, ils ont aussi gagné. Personne, probablement pas même l’état-major de l’équipe, n’aurait pu prédire une telle saison. L’instructeur en chef Gérard Galant est personne exceptionnelle avec qui j’ai eu la chance de travailler. Son charisme et son sens aiguisé de l’organisation et du hockey lui auront pourtant donné l’influence nécessaire pour réunir et cimenter ses joueurs. Voilà déjà qui est remarquable. Cela dit, on a beaucoup parlé de ce regroupement de joueurs laissés pour compte par leurs anciennes équipes. Ce serait réduire leur talent à bien peu de choses. Il y a là d’excellents joueurs qui peut-être n’entraient plus dans les plans de leur ancien club, mais c’est tout. La force des Golden Knights et de leur instructeur-chef a été de les convaincre qu’ils avaient été vraiment choisis; qu’on ne les avait pas pris parce qu’il n’y avait personne d’autre. C’est en y croyant que certains d’entre eux se sont levés pour assumer le leadership essentiel à toute équipe qui souhaite gagner. Les Marchessault, Karlson et les autres ont pris leur rôle au sérieux et ont provoqué l’incroyable élan d’affection que la planète hockey a connu.

 

Un mot spécial pour Marc-André Fleury, un ami sincère. Je suis tellement fier de lui. Il est passé si près d’avoir une autre bague de la coupe. Je comprends que les heures qui ont suivi la défaite ont dû être difficiles et amères. Pourtant, il n’a rien à se reprocher. Mieux encore, car, à mon avis, les résultats obtenus cette année prouvent que ce club pourrait bouleverser les choses encore l’an prochain. Et je suis convaincu que Marc-André a encore plusieurs bonnes années à offrir à Las Vegas. J’espère maintenant que personne ne doute qu’il est le meilleur gardien de but au monde. Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est qu’il est un modèle exceptionnel pour nos jeunes. Il est gentil et aimé de tous. Son comportement dans les moments difficiles comme dans les moments joyeux a été exemplaire.

 

Bref, les Golden Knights peuvent garder la tête haute. Ils ont le meilleur gardien de but de la ligue, et considérant le talent des autres joueurs ainsi que la qualité extraordinaire de leur entraîneur, les Golden Knights vont encore nous surprendre au cours des prochaines années...