Une année rêvée pour la LPHF et le hockey féminin
Un lancement rapide, voire précipité; six entités sans nom officiel ni identité visuelle pendant presque six mois; plusieurs matchs joués dans des amphithéâtres à capacité moyenne et même minimale, mais plus souvent qu'autrement remplis à craquer; de fructueux passages dans des édifices de la Ligue nationale de hockey; des records d'assistance à répétition; des règlements innovateurs. Voilà autant d'éléments qui ont marqué la saison inaugurale de la Ligue professionnelle de hockey féminin en 2024.
Mais si cette organisation est rapidement devenue l'un des plus spectaculaires phénomènes sportifs des récentes années au Canada – et tout particulièrement dans la grande région de Montréal – c'est grâce, d'abord et avant tout, à de jeunes femmes passionnées qui espéraient depuis longtemps pouvoir écrire les mots « hockeyeuse professionnelle » à côté de leur nom.
De par sa structure très centralisée, avec un propriétaire unique pour les six équipes qui la composent, la LPHF n'opère pas comme une ligue conventionnelle. Mais elle répond à des aspirations actuelles et futures.
« Un rêve. Juste d'avoir la possibilité de le vivre, mais aussi de donner la possibilité à des petites filles de rêver », a répondu Marie-Philip Poulin, la capitaine de l'équipe connue depuis le 9 septembre dernier sous le nom de « Victoire de Montréal », quand elle a été invitée à raconter comment elle avait vécu, à titre de joueuse de hockey, l'année qui s'achève.
Coéquipières ou coriaces rivales sur les patinoires mais, en même temps, complices solidaires d'une mission qu'elles s'étaient promises de mener à terme, près de 150 femmes, appuyées en coulisses par de nombreuses autres femmes mais aussi beaucoup d'hommes, ont été les artisanes et le moteur de la première saison d'existence de la LPHF.
Une première saison que l'attaquante Laura Stacey, de la formation montréalaise, a résumée en une phrase toute simple : « C'est notre carrière maintenant et c'est merveilleux d'être capables de dire ça ».
Depuis le temps qu'elles attendaient ce moment, les joueuses de la LPHF ont amorcé cette étape de leur vie professionnelle sur les chapeaux de roues, quatre mois, à peine, après l'annonce du lancement de la ligue, le 29 août 2023.
Une ligue qui, visiblement, a été lancée sur des bases financières très solides.
Tout est allé tellement vite et les moments marquants ont été si nombreux que Stacey et la gardienne de but Ann-Renée Desbiens, sa coéquipière avec la Victoire, avaient peine à réaliser que ce n'était que la première année d'existence du circuit qui s'achevait.
« C'est fou quand on y pense. J'ai l'impression que la ligue s'est développée tellement rapidement, avec le succès qu'on a, que ça fait plus longtemps qu'on est là », a souligné Desbiens, pendant la récente pause internationale du début décembre.
« Ça fait chaud au cœur de voir que les organisations continuent de grandir, qu'on continue d'engager des personnes, que des anciennes joueuses qui ont joué l'année passée sont maintenant impliquées au niveau de la ligue. Et aussi, de voir l'engouement des fans qui est encore là et qui viennent nous supporter jour après jour. »
Danièle Sauvageau, la directrice générale de l'équipe de Montréal, qui a consacré « 40 ans de sa vie au service du hockey » pour employer ses propres termes, a vécu la naissance de la ligue comme un moment de magie.
« Il y a eu plusieurs tentatives de ligues, sans les résumer. L'Association des joueuses a commencé à faire des tournées, développer l'intérêt », a rappelé Sauvageau en effectuant un retour dans le passé avant de revenir sur ce qui a été un feu roulant à la fin de l'été et pendant l'automne de 2023.
« Le groupe Walter est arrivé et tout d'un coup, c'est comme si d'un coup de baguette il y a une ligue, il y a six équipes. Et là ça part. Trois signatures, un repêchage, l'embauche d'une entraîneuse-chef, d'un assistant-entraîneur. Tout ce qui est ‘business', tout ce qui est autour, en périphérie d'une équipe, le médical, la préparation physique, le mental », s'est-elle souvenue lors d'une récente conversation téléphonique avec La Presse Canadienne.
Des forces équilibrées
Une fois tout ça en place, les « nouvelles pionnières » du hockey féminin, réparties dans trois équipes au Canada et dans autant de clubs au sud de la frontière, ont été impliquées dans un calendrier de 85 parties, incluant 13 matchs éliminatoires, du 1er janvier au 29 mai. Ce jour-là, Minnesota a gagné la première coupe Walter, 3-0 contre Boston lors du cinquième et décisif match de la finale.
On les a vues s'éclater partie après partie, marquer des buts spectaculaires et même se donner de percutantes mises en échec. De la robustesse au hockey féminin? Absolument!
Les matchs serrés ont été nombreux. Des 85 parties qui ont été disputées, 45 se sont décidées par un but. Et de ce nombre, 25 ont requis du temps supplémentaire. Un témoignage de l'équilibre des forces en présence.
Montréal et Boston ont dominé avec 11 rencontres ayant nécessité du temps supplémentaire, dont leurs trois confrontations en demi-finale, toutes gagnées par Boston après plus de 67 minutes de prolongation, au total.
La première saison de la LPHF, ç'a aussi été des décisions inattendues et inédites.
Dans la première catégorie, celle d'identifier les équipes uniquement par leur ville d'attache, sans nom officiel ni logo, a surpris plusieurs observateurs.
Certains se sont demandés si le sentiment d'appartenance du public allait être présent sans nom ni logo. Il l'a été dès le départ.
Surtout, c'est un détail qui n'a jamais inquiété les joueuses, estime Poulin.
« On était tellement excitées, on était tellement fébriles de commencer cette ligue-là, d'être enfin des professionnelles, je pense que de pouvoir mettre le chandail, peu importe l'équipe – pour nous, c'était Montréal – c'est un autre rêve qui devenait réalité. On était comme des petits enfants à Noël. On a notre chandail et les gens sont derrière nous. »
Dans la seconde catégorie, le règlement du «jail break» grâce auquel une punition prend automatiquement fin lorsque l'équipe en désavantage numérique marque un but, a causé une très favorable impression. Le verra-t-on un jour dans la LNH? Pourquoi pas?
Un moment inoubliable
Propulsée par des escales dans des amphithéâtres de la Ligue nationale de hockey et de la Ligue américaine, dont la Place Bell à Laval, la LPHF a connu du succès aux guichets avec une foule totale de 483 530 spectateurs, pour une moyenne de 5689 par partie.
Mais aucun moment n'a autant marqué la LPHF que l'après-midi du 20 avril, lorsque 21 105 spectateurs ont occupé les gradins du Centre Bell pour un match que Toronto a remporté 3-2 en prolongation.
Ce record d'assistance, le sixième de la saison, est du jamais vu au hockey féminin, peu importe le niveau de jeu et l'endroit sur la planète.
Malgré le score final, Poulin a vu l'événement comme une «victoire pour le hockey féminin, en général».
« De voir les gens dans les estrades. Une personne à qui j'ai parlé avait les larmes aux yeux. Ce n'était pas seulement pour nous, pour la génération future, mais aussi pour les pionnières qui sont passées avant nous, qui étaient dans les estrades. C'était remarquable. Je suis très chanceuse et très choyée d'avoir joué dans ce match-là. »
La saison 2 est en marche depuis le 30 novembre avec le même nombre d'équipes, mais de nouvelles athlètes et un calendrier qui est passé de 24 à 30 parties.
L'une de ces nouvelles athlètes est la Canadienne Sarah Fillier, première joueuse réclamée au repêchage de juin dernier, par les Sirens de New York, qui fait partie d'un trio de joueuses au sommet du classement des marqueuses avec sept points en cinq matchs.
Aussi, la LPHF continuera de s'aventurer dans des marchés « étrangers », dont celui de Québec le 19 janvier. De quoi faire rêver à la naissance d'une nouvelle rivalité Montréal-Québec, car le mot « expansion » flotte déjà dans l'air.