Tant que Jacques Martin sera à la barre du Canadien, il restera un homme controversé. La machine à critiques est partie dans son cas. Il lui aura fallu patienter un peu plus d'une saison et demie avant que le doute et l'impatience s'installent à son sujet.

C'est un peu normal qu'il ait attendu tout ce temps avant de réaliser ce que représente le marché de Montréal quand le rendement de l'équipe soulève du mécontentement. Celui qui lui a permis d'acheter du temps est Jaroslav Halak.

Quand Halak a réussi des miracles à répétition durant les séries du printemps dernier, il a fait grimper du même coup le capital de sympathie de son entraîneur. Personne n'a trouvé quoi que ce soit à redire du travail de Martin quand le Canadien a participé à trois séries pour la première fois depuis la coupe Stanley de 1993.

Je suis convaincu que les récentes révélations d'un ancien joueur, un bagarreur de service que Martin n'a jamais vraiment aimé de toute façon, ne l'a pas empêché de dormir. Quand on se fait crucifier sur la place publique, il est toujours bon de noter d'où viennent les flèches. Parfois, comme ce fut le cas la semaine dernière, un entraîneur constate que ça ne vaut pas la peine de trop s'inquiéter.

On va être clair sur un point, cependant. Martin ne sera jamais le genre d'entraîneur qu'on souhaitera pour Montréal, une ville qui exige un minimum d'émotion de ses dirigeants. C'est un coach placide qui garde pour lui tout ce qu'il pense ou ce qu'il ressent. Quand il se fâche, c'est à l'intérieur que ça brasse. Quand il a des reproches à adresser à ses joueurs, ce n'est jamais devant les caméras que ça se passe. Remarquez que jamais personne n'a exigé de lui qu'il lave son linge sale publiquement. Néanmoins, on aimerait bien le voir hausser le ton quand la situation l'exige.

On savait déjà quel genre d'entraîneur il était quand il est apparu dans la salle de presse du Centre Bell en compagnie de Bob Gainey, après avoir été fortement recommandé par Pierre Gauthier. Celui qui n'a rien gagné avec une très bonne équipe à Ottawa et qui n'a pas dirigé un seul match des séries en trois ans derrière le banc en Floride, est un tiré du même moule que Gainey et Gauthier. Il est discret, réservé, cachottier, drabe et incapable d'une quelconque émotion en public.

Ce qui ne l'aide pas, ce sont ses apparitions d'après-partie. Plus vide que cela d'explications, ça ne se trouve pas. Je vous défie de relever un seul commentaire qui nous ait appris quelque chose cette saison. Le mieux serait que Martin soit excusé de ces points de presse futiles, mais la ligue ne le permettrait pas. Encore moins le Canadien puisque sa contribution au travail des médias fait partie de sa définition de tâches.

Cela dit, ceux qui souhaitent son départ, que ce soit dans le public ou ailleurs, ne doivent pas gaspiller trop d'énergie là-dessus. Martin, qui détient une entente de quatre ans, est encore bien en selle. Il ne sera pas remplacé durant la saison morte et à moins qu'une catastrophe ne frappe l'équipe d'ici-là, il serait étonnant qu'il ne se rende pas à la limite de son riche contrat.

Pourquoi? Parce que la somme de travail qu'il a abattue jusqu'ici ne justifie pas son remplacement. Parce que l'équipe ne s'est pas trop mal défendue sans Andrei Markov, qui est aussi important au Canadien que Nicklas Lidstrom l'est à Detroit. Parce qu'il a été privé de Josh Gorges, un vrai guerrier dont on n'a jamais à se soucier de la forme ou du rendement. Parce qu'il a perdu Jaroslav Spacek dans un moment où la défense était déjà lourdement hypothéquée et Max Pacioretty, dont l'agressivité et l'étonnante production étaient devenues une précieuse source d'inspiration pour tous les autres.

Mais il y a plus. Martin ne sera pas congédié, malgré les échos négatifs en provenance du vestiaire, parce que Pierre Gauthier ne le permettra pas. Si des joueurs sont mécontents, ils devront vivre avec lui. La plus belle sécurité d'emploi de Martin réside dans l'amitié qui le lie à son directeur général. Il faudrait vraiment qu'il ne lui en laisse pas le choix pour que Gauthier l'abandonne à son sort.

Dans un sens, cela nous rappelle ce qui s'est passé à Tampa quand Vincent Lecavalier était à couteaux tirés avec son entraîneur. Lecavalier avait une telle prestance dans cette organisation qu'on a cru que sa profonde divergence d'opinions avec John Tortorella allait lui permettre d'obtenir sa tête. Or, le directeur général du temps, Jay Feaster, les a condamnés à s'entendre.

Il n'a jamais été question pour lui de remplacer Tortorella et encore moins d'échanger son as joueur de centre. Forcés de s'accepter mutuellement, les deux ont ensuite donné au Lightning l'unique coupe Stanley de son histoire en unissant leurs efforts dans un climat plus harmonieux.

Gauthier souhaite sans aucun doute le même genre de dénouement entre son entraîneur et ses joueurs. Pour aider sa cause, Martin devra toutefois mettre tout sentiment de côté dans le cas de Scott Gomez par qui une certaine frustration est née et autour de qui l'autorité de l'entraîneur est sérieusement menacée. Si une politique de deux poids deux mesures continue d'être appliquée dans le cas d'un athlète qui n'a pas plus d'utilité qu'un plombier de troisième trio, ça risque de brasser.

C'est le traitement privilégié dont profite Gomez qui alimente le mécontentement entre les quatre murs du vestiaire. Et c'est peut-être ce qui déterminera la longévité du mandat de Martin à Montréal. Que Martin n'ait pas la même générosité envers ceux qui lui en donnent nettement plus que Gomez est un comportement néfaste qui ne pourra permettre à Gauthier de le soutenir éternellement.

C'est à Martin d'y voir.

Ça se peux-tu?

George Laraque: «La différence entre moi et les autres membres des médias est que je dis la vérité, mais eux inventent des choses pour faire leur travail».

Laraque un membre des médias? Attachez-le quelqu'un.

Le job de perroquet est assez facile à faire quand un délateur te pisse dans l'oreille pour exprimer son mécontentement. J'espère que Laraque saura bien protéger son informateur, car le joueur qui n'hésite pas à perturber l'équipe, dans un moment crucial de la saison au cours duquel son équipe tente d'assurer sa place en séries, ne mérite certainement pas de porter ce chandail.

Dixit Laraque encore: «Je sais ce qui se passe dans l'équipe, car j'étais dans ce vestiaire l'an passé.»

Si Laraque a été témoin d'une forme de mécontentement envers l'entraîneur l'an dernier, pourquoi n'en a-t-il pas parlé à ce moment-là?

Drôle d'attitude pour un gars qui se vante de toujours dire la vérité.