MONTRÉAL – Quelques minutes avant le lancement du livre sur sa carrière, Chantal Machabée se questionnait encore sur l’intérêt envers son parcours. Mordue de statistiques, elle m’offrait l’exemple de l’exploit de marquer des centaines de buts dans la LNH. Pourtant, sa carrière relève directement de l’exploit.

 

Les journalistes sportifs qui ont marqué une génération, comme Chantal l’a fait, ne courent pas les rues. Elle n’est pas entrée dans le cœur de milliers de Québécois par hasard, c’est parce qu’elle est avant tout une femme de cœur.

 

Il fallait voir, mercredi soir, les nombreuses personnes qui tenaient à tout prix à assister au lancement du livre – écrit par Guillaume Lefrançois - sur cette journaliste qui affiche une longévité aussi épatante que son rôle de pionnière.

 

C’était beau de voir les personnalités sportives de renom, comme Geoff Molson et Marc Bergevin, qui s’étaient déplacés pour l’occasion. Sauf qu’il ne s’agissait pas uniquement d’une visite de courtoisie, ils étaient sincèrement heureux de venir saluer Chantal.

 

« C’était important pour moi d’être ici parce que Chantal fait partie de la culture du Canadien depuis des décennies. Elle nous a toujours traités avec beaucoup de respect. C’est une personne que j’admire et c’est toujours un plaisir de la revoir », a notamment confié M. Molson.

 

Mais, à vrai dire, la sensation était encore plus spéciale de voir l’admiration qui envahissait les journalistes sportives de la relève qui étaient présentes. Elles ont toutes grandies en regardant Chantal briller à la télévision. Un peu comme à l’image des petits garçons qui ont rêvé à devenir gardien de but en idolâtrant Patrick Roy.

 

Il ne suffisait que de leur poser une question sur cette grande dame pour voir leurs joues se rougir, trahissant les émotions qui remontaient.

 

Les hommages pleuvent pour Chantal

« Quand j’avais 13-14 ans, pendant que les petites filles trippaient sur Britney Spears, je trippais sur elle. Je regardais Sports 30. Avant l’arrivée des réseaux sociaux, c’était notre moyen de s’informer sur ce qui se passait dans le monde du sport. Je n’aurais pas rêve à ce métier sans elle », a confié Emna Achour, journaliste pour Athlétique Montréal.

 

Daphnée Malboeuf, de La Presse Canadienne, a partagé un discours tout autant senti.  

 

« C’est tellement merveilleux de voir qu’elle reçoit cet honneur. Elle est l’exemple d’une femme qui a su s’imposer dans un milieu d’hommes à une époque beaucoup plus difficile. Elle a fait son chemin et elle est respectée et admirée de tous. C’est touchant, c’est vraiment elle qui m’a donné le goût de faire ça. »

 

Francis Bouillon, l’ancien défenseur du Canadien, a grandi d’une autre manière auprès de Chantal. Il l’a connue à la fin de son séjour junior avec les Prédateurs de Granby et elle a été témoin de plusieurs moments de sa carrière dans la LNH.

 

« À nos yeux, elle était vraiment one of the boys. On ne la voyait pas comme une femme », a noté Bouillon en mettant en relief la crédibilité qu’elle possédait.

 

Mais le lien va plus loin. Homme de caractère, Bouillon se reconnaît dans les traits de personnalité de Chantal.  

 

« J’ai toujours aimé sa personnalité, elle fait partie des gens qui sont vrais. Ça me rejoint », a visé Bouillon avec justesse en vantant aussi son approche humaine du métier.

 

S’il y a ceux qui ont grandi avec Chantal, il y a aussi ceux qui lui ont permis de grandir. Elle s’assure toujours de rappeler que Gilles Péloquin est celui qui lui a donné sa première chance à la télévision alors qu’elle n’était âgée que de 18 ans.

 

« Elle n’a pas hésité et elle a été sublime. Avec elle, j’avais un instinct que ça passerait. Quand je vois Chantal, je le dis humblement, c’est ma plus belle réussite », a prononcé ce sympathique monsieur qui est encore impliqué dans le milieu.

 

Le vénérable Jean-Paul Chartrand pourrait parler de Chantal pendant des heures. Bon conteur comme il est, ce serait du bonbon de l’écouter. Même à 87 ans, il se souvient de sa première rencontre avec Chantal.  

 

« Je l’ai connue bien avant RDS, c’était dans le cadre d’une émission à Télé-Métropole. Elle venait d’arriver, je me souviens même la couleur de sa robe qui était gris-violet. Elle avait défoncé à l’écran. Elle a rentré comme une tonne de briques dans ce milieu.

 

« C’est une vraie ! Elle a réussi à faire sa place comme si de rien n’était. Ça n’a pas toujours été facile, elle a eu à travailler de nuit à RDS et elle était mère de famille », a-t-il rappelé avec reconnaissance.

 

Une pensée pour Pat Burns et Jacques Demers

 

C’est simple, tout le monde a son histoire avec Chantal. Il y a d’abord les gens du public qui l’ont croisé à différents endroits ou qui l’ont regardé si souvent au petit écran. Mais il ne faudrait pas oublier tous les jeunes journalistes qui ont bénéficié de ses conseils ou tout simplement de sa bonne humeur contagieuse.

 

Ce n’est pas le volet le plus connu de son héritage, mais Chantal est gentille au point qu’on se demande comment elle fait pour l’être autant. Après tout, elle doit composer avec un horaire extrêmement chargé et elle pourrait se contenter d’accomplir son travail de manière admirable.

 

Les témoignages de Daphnée Malboeuf et Emna Achour dressent un portrait bien plus juste de son influence.

 

« À mes débuts à la radio 91,9, j’ai dû la contacter quelques fois. J’étais tellement intimidée, c’est une idole. C’est la personne qui m’a fait le plus shaker avant d’appeler. Mais c’est tellement rafraîchissant de voir qu’elle est ouverte, sympathique et humble comme ça malgré sa stature. C’est admirable de sa part, c’est un milieu compétitif. Au-delà de ça, elle choisit d’aider les autres. Elle prend son rôle de pionnière pour un peu 'materner' positivement les autres », a souligné Malboeuf.  

 

« C’est fou, parce que tellement de gens sont déçus quand ils rencontrent leur idole qui est souvent bête ou froide dans la vraie vie. C’est tout le contraire avec Chantal, elle est tellement chaleureuse. Elle nous a toutes accueillies avec les bras grands ouverts », a vanté Achour.

 

Pour une femme d’exception comme elle, je m’en permets une : celle de vous raconter mon histoire inoubliable avec elle. En septembre 2004, après le dernier match des Expos au Stade olympique, RDS a procédé à une émission spéciale. J’avais commencé ma carrière dans le milieu depuis à peine un an et mon mandat était d’aller chercher les invités dans le vestiaire des Expos et les alentours.

 

À un certain point, Chantal ne pouvait plus retenir ses larmes. Ce moment déchirant m’en avait dit long sur son grand cœur et son professionnalisme car elle avait enchaîné les entrevues avec une sensibilité bien dosée.  

 

Il y aurait eu bien d’autres personnes qui auraient souhaité livrer des témoignages d’appréciation à son endroit. Les Mario Lemieux, Luc Robitaille et Guy Lafleur de ce monde notamment. Mais on pense avant tout à Pat Burns et Jacques Demers, deux hommes qui ont marqué sa vie.

 

Parions que Burns avait laissé ses airs bougonneux de côté, mercredi soir, en regardant la scène des nuages. Quant à Demers, elle se promet d’aller lui donner un gros câlin dans les prochains jours, un geste qui fera autant de bien à un qu’à l’autre.