Vous pourrez voir le reportage de Jean-Christophe Bertrand à l'émisison «Hockey 360» qui sera diffusée à 18 h 30.

Le 26 décembre 2017, la vie de Vincent Boily a complètement changé.

Le jeune hockeyeur, qui venait de voir sa persévérance être récompensée par un contrat de la LHJMQ avec l’Océanic de Rimouski, a décidé d’aller se promener en motoneige avec son parrain.

« Ça se passe vite. Je ne roulais pas vite. C’est une malchance. Je suis passé sur une plaque de glace. Je n’ai pas bien tourné et je suis passé tout droit à travers un croche », a expliqué Vincent.

Vincent Boily« Je me suis réveillé dans la neige, j’ai vu mon bras qui n’était pas du bon bord. Je ne savais pas trop ce qui se passait. J’ai touché mes jambes parce que je voulais être sûr que je n’étais pas paralysé. J’ai été soulagé de pouvoir avoir de la sensation. »

Par la suite, Vincent a attendu l'ambulance pendant une heure et demie dans la neige et le froid.

Après un douloureux transfert du Saguenay à l’Hôpital Sacré-Cœur, le diagnostic est tombé.

Ann Mathieu, la mère de Vincent, se le rappelle très bien : « Vincent souffrait d’une fracture de l’humérus du bras droit, une fracture des deux jambes et une fracture de la première vertèbre lombaire. En raison de cette dernière, il y a eu une compression au niveau de la moelle épinière qui amène tous les autres problèmes qui suivent ».

Le jeune homme avait donc une longue (et pénible) réadaptation devant lui pour une petite seconde de malchance.

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Lorsque j’ai rencontré Vincent pour la première fois il m'a dit la chose suivante : «Tu peux demander à n’importe qui, ils vont te dire que ma qualité première, c’est la détermination. Ça va m’aider à passer à travers ça ».

Un périple a donc commencé. Séance de physiothérapie après séance de physiothérapie, exercice après exercice, Vincent prenait du mieux. Mais, pas assez rapidement à son goût.

« En raison de ma fracture à la colonne, j’ai perdu beaucoup de force dans mes jambes et dans mes fesses. C’est dur de donner tout ce que tu as lors d’un exercice quand ta jambe ne bouge pas beaucoup. »

Vincent a aussi dû s’adapter à une nouvelle réalité.

« C’est difficile parce que tous mes amis vont jouer au hockey ou vont au restaurant. Moi je suis limité par ma condition. Lorsque je jouais avec les Vikings de Saint-Eustache dans la Ligue midget AAA, j’avais presque plus de hockey que d’école. Maintenant, je perds tout. »

L’ancien numéro 22 des Vikings n’a toutefois pas été seul dans sa réadaptation.

« Les parents, mes amis, mes anciens coéquipiers et mes entraîneurs m’encouragent. Ça m’aide vraiment beaucoup. C’est un bien pour un mal, mais le bien prend plus d’ampleur. »

L’histoire du planchiste Mark McMorris a également aidé le jeune homme qui vient d’atteindre la majorité.

« La première fois que je suis sorti de l’hôpital, j’ai écouté les Jeux olympiques. Il y avait un reportage sur lui qui s’appelait Unbroken. J’ai pu voir son histoire, qui ressemblait un peu à la mienne. Nous étions tous les deux dans un lit d’hôpital entubé. Un an plus tard, il participait aux Jeux olympiques et gagnait une médaille. »

Mark McMorris à gauche, Vincent Boily à droiteVincent a donc décidé d’écrire une lettre à McMorris pour lui raconter son histoire. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’au même moment, j’écrivais également à Mark pour lui parler de l’histoire de Vincent. McMorris et son agent m’ont donc donné une date et une heure afin que je puisse être présent lorsque Mark allait envoyer une vidéo à Vincent.

Le jour J est arrivé. Mon caméraman et moi sommes donc arrivés chez Vincent en prétextant vouloir faire un suivi.

J’ai finalement dit à Vincent d’ouvrir ses courriels afin qu’il y trouve un message du planchiste.

« Salut Vincent, tu dois garder la tête haute. Continue de travailler fort en physiothérapie. Merci d’avoir regardé mon histoire dans Unbroken. Je suis certain que tu vas jouer au hockey bientôt. Sois fort et reste affamé! »

Un message d’une vingtaine de secondes, mais qui faisait tellement plaisir au jeune assis devant moi.

« C’est vraiment nice ça! Ça fait chaud au cœur de savoir que je ne suis pas seul là-dedans. Il comprend ce que j’ai vécu et il me dit que ça va bien aller. C’est encourageant. »

Un mois plus tard, j’ai revu Vincent lors d’une séance de physiothérapie. Il avait fait beaucoup de progrès. Il avait troqué les bottes de marche pour une marchette. Puis, le déambulateur s’est transformé en béquille.

Je voyais une progression autant dans son physique que dans son attitude. Sa motivation s’amplifiait chaque fois qu’il voyait du progrès. Il peut dire un gros merci à sa physiothérapeute. Elle l’empêchait de tricher. C’est normal, tout le monde veut prendre le raccourci quand on est fatigué. Et Vincent était fatigué. Fatigué de se donner corps et âme pour aller mieux. 

« Je ne peux rien faire contre le temps. Je dois prendre mon mal en patience. »

Le temps peut être dur par contre. Il peut vous briser mentalement. Vincent l’a vécu un peu. Lorsqu’il s’est mis à plafonner physiquement.

Mais la flamme de la persévérance en lui n’est jamais morte. 

Il a continué à travailler et a recommencé à avoir une vie un peu plus normale.

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Un beau matin, à la fin du mois de novembre, j’ai reçu un message texte. C’était le beau-père de Vincent, Steve, qui m’annonçait que le jeune allait rechausser les patins le 3 décembre.

Nous nous sommes donc tous réunis à l’aréna Florian-Guindon de Saint-Eustache. C’est le domicile des Vikings. J’ai pu voir Vincent mettre ses patins, non sans difficulté.

Vincent Boily« Avant je portais des patins plus souvent que je portais mes souliers. Même si ç’a été difficile de faire entrer mes orthèses, j’ai réussi à mettre les patins aujourd’hui. C’est du bonus pour moi. On ne savait même pas si j’allais pouvoir remarcher et, là, je patine. »

C’est finalement devant ses parents, grands-parents, anciens coéquipiers et amis que Vincent a posé ses lames de patins sur la surface glacée.

N’allez pas croire qu’il patinait comme avant. La fluidité d’un joueur qui a terminé deuxième marqueur du midget espoir n’y était plus.

Ann, la mère de Vincent, était d’ailleurs dans un dilemme d’émotions : « J’étais fière de ce qu’il a accompli, mais j’avais aussi le cœur brisé. Ça avait l’air tellement difficile de faire quelque chose qui était une deuxième nature pour lui ».

Pendant qu’elle me confiait son état d’esprit, Vincent, lui, s’entraînait à tomber et, surtout, à essayer de se relever. L’image de Bambi sur la glace me vient en tête pour décrire la scène.

« J’ai vraiment dû être fort pour passer à travers. Je m’en sors tranquillement, mais il reste encore beaucoup de travail. Je ne suis pas encore sorti totalement. »

Comme c’était si souvent le cas dans sa réadaptation, Vincent ne se contentait pas de son progrès actuel. J’ai donc voulu qu’il fasse un bilan de la dernière année. De quoi était-il fier?

« Les six premiers mois, ç’a vraiment été plus difficile physiquement. Après, c’était difficile mentalement. Je suis fier de mes efforts parce que je n’ai jamais abandonné. Tous les jours, je voulais arrêter. C’était la voie facile et je ne l’ai pas prise. Je suis fier de moi parce que je n’ai jamais raté une journée de physio. Je n’ai pas de regret. »

Vincent Boily« J’ai encore des flashbacks d’où nous étions à Sacré-Coeur avec les tubes dans le nez. Par la suite, c’était les plâtres et le fauteuil roulant. On part de tellement loin. De le voir sur une glace comme ça, c’est sûr que je suis extrêmement fier de lui », a renchéri Ann.

Steve a synthétisé la situation de la façon sportive.

« Des fois, la vie c’est comme le sport. Ce n’est pas toujours le plus grand et le plus gros qui gagne. C’est souvent ceux qui le veulent le plus et Vincent a toujours été un de ceux qui le voulaient le plus. Ça lui a permis de déjouer le pronostic de beaucoup de monde. »

C’est vrai, Vincent a brisé des barrières. Des murs invisibles qui se sont dressés devant lui le 26 décembre 2017.

Il ne le réalise peut-être pas encore, mais sa progression va continuer et, un jour, cette épreuve ne sera qu’un souvenir qu’il contera à ses enfants.

Pour l’instant, il a droit à un repos bien mérité, dans sa vie presque normale de jeune homme de 18 ans.

Vincent Boily