Florian Xhekaj, le marqueur
LAVAL – Une licorne.
Le qualificatif, utilisé par le co-directeur du recrutement amateur du Canadien Nick Bobrov avant le repêchage 2023 pour décrire l'espoir Florian Xhekaj, pouvait à l'époque sembler un tantinet exagéré.
D'abord, le petit frère d'Arber n'a pas de corne dans le front. Sa chevelure est certes généreuse et ondulée, mais rien à voir non plus avec la crinière multicolore qu'a l'habitude d'arborer la mythique créature.
Reste que l'on comprend aujourd'hui la réflexion de Bobrov. De plus en plus.
L'attaquant a beau en être à sa saison recrue dans les rangs professionnels, il met déjà à profit les habiletés singulières qui ont fait de lui une sélection de quatrième tour, la 101e au total, sous la recommandation de l'éclaireur.
« On pourrait utiliser ce mot-là », approuvait l'entraîneur-chef du Rocket, Pascal Vincent, plus tôt cette semaine. « Mais je trouve que c'est de mettre beaucoup de pression sur le jeune de dire qu'il est unique. »
À son arrivée dans le vestiaire lavallois, Vincent connaissait bien peu de choses sur sa recrue, outre peut-être son nom de famille. À 6 pi 4 po et 195 lb, le joueur de centre avait sans contredit la carrure pour asseoir son autorité le long des rampes et devant le filet, tout en jetant les gants à l'occasion, mais allait-il être en mesure de contribuer également sur le plan offensif?
« Il est meilleur que ce que je pensais », observait déjà le pilote en janvier dernier, lors d'une rencontre avec quelques journalistes. « Il a d'excellentes mains. Je l'ai vu faire certaines choses à différents moments cette saison où je me suis dit que ça, ça n'arrivait pas par accident. »
C'est ainsi qu'après 51 rencontres, Xhekaj a déjà marqué 15 buts. Chez le Rocket, seuls Joshua Roy (19), Jared Davidson (19), Laurent Dauphin (18) et Alex Barré-Boulet (16) ont fait mieux jusqu'à maintenant.
À ce rythme, et avec encore 21 matchs à jouer au calendrier régulier, l'espoir du Tricolore pourrait fort bien égaler, voire surpasser le record d'équipe pour le plus de buts marqués par un joueur recrue (16), une marque que détiennent conjointement Pierrick Dubé et Lucas Condotta.
Tout ça en étant le joueur de la Ligue américaine de hockey ayant passé le plus de temps assis au banc des pénalités.
Avec un total de 137 minutes de punition, Xhekaj est le premier joueur recrue du circuit depuis Jean-François Jacques en 2005-2006 à franchir les plateaux des 15 buts et des 130 minutes de pénalité en une saison, selon un décompte fait par l'ancien dépisteur de la LNH Grant McCagg, maintenant collaborateur à la baladodiffusion Recrutes Draftcast.
« C'est sûr qu'il a des outils qui sont uniques, parce qu'il est capable de shooter le puck, de marquer des buts, il joue bien en désavantage numérique, il peut jouer au centre ou à l'aile, et il s'améliore sur les mises en jeu. Puis, il est capable de jouer un style physique et de se battre. Alors il remplit beaucoup de cases », apprécie Vincent.
« Ce qui m'impressionne le plus de lui, c'est sa capacité d'assimiler l'information qu'on lui donne, ajoute le coach. Sa progression est très, très bonne et une grande partie de ça s'explique par son habileté à exécuter ce qu'on lui demande de faire. On n'a pas besoin de le répéter souvent. C'est un joueur intéressant, vraiment intéressant. »
D'autant plus qu'à 20 ans, faut-il le rappeler, Xhekaj était admissible à une dernière campagne dans la Ligue junior de l'Ontario cette année.
« Je suis très heureux et fier de moi. J'aurais pu avoir à retourner dans le junior, mais je suis ici dans la Ligue américaine de hockey. J'ai l'impression que je me débrouille quand même assez bien », observe celui qui a amassé au moins un point à ses sept derniers matchs et qui en totalise maintenant 25.
En l'absence d'Owen Beck, rappelé par le grand club, et de plusieurs attaquants réguliers soignant des blessures, Xhekaj se voit confier un rôle plus important, lui qui a récemment été promu du quatrième au troisième trio.
« Je touche davantage à la rondelle et on m'utilise dans davantage de situations. C'est bon pour ma confiance », estime celui qui a marqué les deux tiers de ses buts en troisième période ou en prolongation cette saison.
« Il y a des joueurs qui sont comme ça, qui sont clutch », tente d'expliquer Vincent. « Il y a des saisons où ça leur arrive, puis d'autres où c'est plus difficile de marquer. Mais cette année, pour lui, il semble avoir cette touche-là dans des moments importants. »
Le juste équilibre
Il suffit maintenant de retrancher quelques minutes de pénalité ici et là. Les arbitres l'ont à l'œil et son nom de famille y est assurément pour quelque chose. Lors de chaque rencontre, les officiels lui rappellent qu'ils n'hésiteront pas à le ramener à l'ordre, confie Xhekaj.
Son entraîneur a lui aussi dû lui remémorer les vertus de la discipline en début de campagne, mais il n'était pas le seul coupable, relativise Vincent, dont l'équipe demeure la plus punie de la LAH à ce jour (869 minutes).
« Les punitions inutiles qui ne changent rien au match, qui ne lancent pas de message, qui n'empêchent pas de but et qui sont prises par satisfaction personnelle ou par manque de contrôle des émotions, il faut qu'on élimine ça. Flo était parmi les joueurs qui en prenaient des punitions comme ça, mais il n'était pas le seul. »
Xhekaj, comme plusieurs de ses coéquipiers en apprentissage, apprend donc à marcher en sur cette mince ligne. Reste à trouver le juste équilibre.
« En arrivant chez les professionnels cette année, mes objectifs étaient juste d'apprendre, de grandir et m'améliorer chaque jour pour gagner la confiance de mes coachs et de mes coéquipiers pour être placé dans ces situations. Je pense que c'est ce que je fais jusqu'à maintenant. »