MONTRÉAL – Il y a trois ans, Alexandre Fortin amorçait sa première saison dans la Ligue nationale. L’accomplissement s’inscrivait alors dans la suite logique des choses. Quelques années plus tôt, le jeune homme avait tout arraché après avoir reçu une invitation au camp des Blackhawks de Chicago, à un point tel que l’organisation ne l’avait pas laissé partir avant de lui avoir fait signer son premier contrat professionnel.

Un contrat à 19 ans, donc, et la grosse ligue à 21. Mais ce qui s’est passé ensuite n’a rien de logique pour Fortin. La LNH, il y est resté pendant deux mois et n'a fait que s'en éloigner depuis.

Le natif de Blainville a fait partie de la horde de joueurs québécois recrutés par le Rocket de Laval cet été. Mais contrairement à des nouveaux coéquipiers comme Jean-Christophe Beaudin et Brandon Gignac, dont les parcours sont similaires au sien, le contrat qu’il a signé est à deux volets. Il est donc plus exposé – administrativement, du moins - à un renvoi chez les Lions de Trois-Rivières dans la ECHL.

Pour un gars qui marquait sur Henrik Lundqvist et qui jouait contre le trio de Steven Stamkos il n’y a pas si longtemps, on soupçonne que c’est un compromis qui a été dur à avaler.

« C’est sûr que ça fait de quoi, un petit pincement au cœur, concédait Fortin après l’entraînement du Rocket mardi. Mais je te dirais que les deux dernières années, mentalement, ça a été très difficile. Je n’ai pas nécessairement eu les statistiques et la chance de montrer vraiment qui j’étais comme joueur, donc ce n’est pas de quoi qui me dérangeait tant que ça. Pour moi, je voyais ça comme vraiment une dernière chance de pouvoir me montrer. Le reste va venir. J’avais l’option de venir à Laval, de rentrer dans l’organisation du Canadien. Ils auraient pu me donner deux trois bâtons pour venir, je l’aurais fait. »

Puisque Fortin aborde le sujet, parlons de ses statistiques. Après sa rétrogradation dans le club-école des Blackhawks, en 2018, il a amassé douze points en 46 matchs. L’année suivante, il a fait légèrement mieux avec 17 points en 44 matchs. Ce n’était rien de dramatique puisque même au niveau junior, cet ancien des Huskies de Rouyn-Noranda n’avait jamais été un prolifique marqueur. À sa meilleure saison, il a produit à un rythme d’un point par match (52 points, dont 22 buts, en 52 parties).

Mais l’an dernier, désormais dans l’organisation de l’Avalanche du Colorado, ses chiffres sont passés dans une éclipse. Seulement trois petits points en 23 matchs.

« C’était un joueur de soutien l’année passée au Colorado, note l’entraîneur-chef du Rocket, Jean-François Houle, qui a pu l’observer à quelques reprises dans ses anciennes fonctions avec le club-école des Oilers d’Edmonton. Il n’a pas joué tous les matchs. Mais ce n’était pas évident l’an dernier avec la COVID, il y a plein de joueurs qui ont eu des saisons plus courtes ou qui ne se sentaient pas confortables. C’était une année difficile pour tout le monde. »

« Je n’étais pas capable de profiter du moment et de me concentrer sur une saison complète. Mentalement, ça a été très dur », insiste Fortin, qui s’est toutefois pointé au camp du Rocket avec un moral d’acier après avoir pris part à un match hors-concours au camp du grand club.

« J’ai eu un peu moins de succès dans la Ligue américaine, mais avec beaucoup de réflexion, j’ai appris beaucoup et je pense que je suis quand même un meilleur joueur que j’étais il y a quatre ans. Je pense qu’à chaque année, je m’améliore même si ça ne paraît pas dans les statistiques. Il n’est jamais trop tard tant que tu sens que t’es dedans », philosophe-t-il en citant en exemple Alex Belzile, qui a joué ses premiers matchs à 28 ans après avoir bourlingué dans les circuits mineurs.

Quand on évalue les forces en présence au camp du Rocket, on arrive vite à la conclusion que Fortin patine sur une glace très mince. À la Place Bell lundi, on comptait dix attaquants qui détiennent des contrats de la LNH ou des contrats garantis de la Ligue américaine. À ce groupe pourraient éventuellement s’ajouter jusqu’à six joueurs qui sont toujours au camp du Canadien.

« C’est dur à savoir, répond Houle quand on lui demande si Fortin est plus près du Cosmodome que de l’Hippodrome. En lui donnant des matchs d’exhibition, peut-être qu’on va pouvoir avoir une idée plus claire. C’est pour ça aussi qu’on fait des matchs simulés [à l’entraînement], pour essayer de les évaluer le mieux possible. Ce n’est pas évident avec le nombre de joueurs qu’on a, mais c’est un joueur qui va compétitionner pour une place. »

« C’est sûr qu’à chaque année, il y a beaucoup de joueurs et il va y avoir de la compétition, ça c’est sûr et certain. Je te dirais que je n’ai pas vraiment pensé à ça durant l’été. Mais je suis venu ici pour montrer que je veux être dans les 12. Ça va être de la bonne compétition, mais je vais tout donner pour rester ici à Laval. »

Le Rocket disputera deux matchs préparatoires en fin de semaine à Belleville en Ontario. Il affrontera le club-école des Sénateurs d’Ottawa vendredi et celui des Maple Leafs de Toronto samedi. Fortin y jouera gros, il le sait, mais il ne s'y rendra pas en regardant derrière son épaule.

« J’ai toujours dit, depuis que je suis revenu, que la minute où dans ma tête je ne penserai plus que je suis un joueur de la Ligue nationale, je vais arrêter tout simplement. C’est le but de tout le monde, c’est mon but, c’est là que je veux me rendre un jour. La minute que je pense que ce n’est plus possible, je passerai à autre chose. Mais pour l’instant mon focus est là. »