LAVAL – À l’automne 2015, Marc-Olivier Roy et Josh Currie ont conjointement fait leurs débuts dans la Ligue américaine sur le quatrième trio des Condors de Bakersfield, le club-école des Oilers d’Edmonton.

Les deux recrues ont bien rempli leur mandat. À 20 ans seulement, Roy a terminé sa première saison professionnelle avec 20 points en 42 parties. Currie, qui avait déjà deux années d’expérience dans l’ECHL, a quant à lui amassé 24 points en 53 rencontres.

La suite de l’histoire est une autre preuve qu’il n’y a pas de formule infaillible pour prévoir la courbe de progression d’un athlète professionnel. Currie, qui n’a jamais été repêché par une équipe de la LNH, vient finalement de percer dans les grandes ligues. Dimanche dernier, il a marqué son premier but dans le circuit Bettman moins d’une semaine après avoir été rappelé par les Oilers.

Le lendemain, Roy signait un contrat d’essai professionnel avec le Rocket de Laval et obtenait ainsi sa troisième audition de la saison dans la Ligue américaine.

« Je continue, je lâche pas, s’encourageait l’attaquant de 24 ans après avoir lui-même fait le lien avec le parcours de son ancien compagnon d’infortune, mardi. Je ne suis pas le plus jeune, mais je ne suis pas le plus vieux non plus. J’ai encore du travail à faire, mais je peux faire ma place. »

On sent que Roy en aurait long à dire sur son propre passage dans l’organisation des Oilers. Choix de deuxième ronde en 2013, il a été incapable de convaincre l’état-major de lui offrir un contrat d’entrée après la conclusion de sa carrière junior. Il a accepté une entente à deux volets et a connu ce qu’il croyait être une bonne entrée en matière chez les pros, mais la cassure a fini par se concrétiser.

« Je ne veux pas aller trop dans les détails, mais on a eu des pourparlers avec eux autres et ça ne s’enlignait pas très bien, divulgue l’ancien de l’Armada de Blainville-Boisbriand et des Remparts de Québec. Après une saison comme celle que j’avais connue, je m’attendais à d’autres options de la part de l’équipe qui m’avait repêché. Mon agent et moi, on a décidé de prendre un autre chemin. »

Roy a fait bien des détours depuis. Après un passage infructueux dans le giron des Canucks de Vancouver, il a signé un contrat avec les Komets de Fort Wayne, une équipe indépendante de la ECHL, demeurant ainsi admissible à un rappel pour toutes les équipes de la Ligue américaine. Il s’est déplacé à San Jose, Utica et Chicago. L’uniforme du Rocket est le sixième qu’il enfile depuis deux ans.

« Je ne regrette pas d’avoir changé de décor, réitère-t-il en repensant à son divorce avec les Oilers. Peut-être que j’aurais dû rester avec Bakersfield, mais ce sont des choses qui arrivent. Je n’ai pas de torts là-dedans et je ne leur reproche rien non plus. Mais c’est sûr que j’étais déçu à l’époque et je veux encore leur prouver qu’ils ont peut-être eu tort. »

Une vie dans les aéroports

Pour arriver à prouver sa valeur, Roy accumule le genre de sacrifices qui n’entrent pas souvent dans l’équation de l’opinion publique.

« C’est sûr que le monde dans les estrades ne voit pas tout. Ils regardent le match, ils regardent qui marque les buts, mais ils ne voient pas tout ce qui se passe en dehors », convient le grand voyageur.

Roy cite en exemple son passage précédent avec le Rocket. Rappelé le 11 février, il a joué deux jours plus tard à Utica, puis a été laissé de côté pour les trois matchs suivants à Binghamton et Belleville. Le 20 février, il a pris un avion au petit matin pour retourner à Fort Wayne.

« J’ai dormi une heure et je suis allé jouer ma game », raconte-t-il. La tête encore sur l’oreiller, il a marqué un but, son douzième de la saison, dans une défaite en fusillade contre le Thunder de Wichita. Quelques jours plus tard, avec une épicerie encore fraîche dans le frigo, il recevait une autre invitation à rejoindre le Rocket.

« Disons que je suis habitué d’être dans les valises et les avions, concluait-il 24 heures avant de s’envoler pour Cleveland avec ses nouveaux coéquipiers. Ma maison, c’est les aéroports maintenant. Mais écoute, c’est la vie de joueur de hockey. J’aime ça me faire rappeler. Le monde dit que je bouge tout le temps, mais me faire rappeler, c’est tout le temps un boost pour moi. C’est sûr que je n’ai jamais vraiment eu ma maison. À ma première saison, je suis resté à Bakersfield toute l’année, mais j’étais à l’hôtel. Je n’ai jamais eu encore mon chez-moi... Ça me prouve juste qu’il faut que je travaille encore plus fort. »

La saison dernière, un total ahurissant de 17 joueurs ont passé les portes tournantes du vestiaire du Rocket avec un contrat d’essai en poche. Seulement quatre d’entre eux ont joué plus de dix matchs avec l’équipe et un an plus tard, on n’en retrouve que deux avec un rôle régulier quelque part dans la Ligue américaine. Les autres bûchent encore dans la ECHL, évoluent dans des circuits mineurs en Europe ou ont tout simplement pris leur retraite.

Roy n’est donc pas au bout de ses peines, mais il est encore sûr d’être l’exception à l’impitoyable règle du hockey professionnel. « Je veux juste essayer de bien jouer dans mon style. Je pense que je suis capable d’apporter de l’offensive aussi. Si je trouve mes repères et que je suis confiant, tout peut arriver »

Concentré sur son labeur quotidien, le natif de Boisbriand se permet quand même une brève pensée vers l’avenir. Dans une semaine, le Rocket sera de retour à la maison pour amorcer une série de quatre matchs à domicile. Un match devant les siens, dans les couleurs de l’équipe locale, serait déjà une belle récompense pour le nomade aux grands rêves.

« Je vais essayer de donner mon maximum pour pouvoir être dans l’alignement quand on va revenir. Mais là on retourne sur la route. Je suis habitué. »