Difficile d’identifier clairement les problèmes du Rocket de Laval à sa première saison d’existence, tellement ça s’est mal passé. L’écrasement s’est conclu samedi par une défaite à Toronto, une 12e consécutive et une 52e en 76 matchs (24-42-10), de loin le pire rendement en six saisons sous les ordres de Sylvain Lefebvre.

Pourtant, le Rocket avait bien décollé, présentant un dossier de 9-5-2 après 16 rencontres. Les plus optimistes le voyaient alors batailler pour le sommet de la division Nord. D’autres lui prédisaient une qualification en séries, ce qui se serait produit pour seulement la deuxième fois avec Lefebvre comme pilote.

Le Rocket aurait alors pu retenir toute l’attention dans la région montréalaise et remplir la Place Bell au printemps, considérant les déboires du Canadien depuis le jour 1 du calendrier LNH. Mais le petit frère a rapidement imité le grand, ne remportant que 15 de ses 60 derniers matchs (15-37-8)!

Dans leur bilan de fin de saison, tenu dimanche, le directeur général Larry Carrière et l’entraîneur-chef Sylvain Lefebvre ont expliqué cet écrasement par les rappels à Montréal et les blessures.

En effet, seulement 10 joueurs ont participé à 60 rencontres, soit 80 % du calendrier régulier. Ce groupe exclut les piliers que devaient être les Audette (56), Lernout (56), McCarron (54), Lindgren (37), Juulsen (31), Scherbak (26), Carr (20), Deslauriers (14) et Froese (13).

Les absences chez le Rocket ne peuvent cependant tout expliquer. À preuve, Toronto, Syracuse, Rochester et Utica se sont tous qualifiés pour les séries dans la division Nord, celle du Rocket, malgré plusieurs rappels et blessures.

À Toronto, les Borgman, Kapanen, Dermott, Gauthier, Johnsson, Rosen et Holl ont tous eu droit à une promotion chez les Leafs. Kapanen, Dermott et Johnsson affrontent même présentement les Bruins au premier tour éliminatoire.

À Syracuse, les Conacher, Erne, Cirelli, Domingue, Peca, Dumont et Bournival sont tous allés prêter main forte au Lightning; Conacher, Erne, Cirelli et Domingue étant toujours dans la LNH. Les exemples du genre sont également nombreux à Rochester et à Utica.

Pourquoi ces quatre formations ont-elles réussi à maintenir leur bateau à flot pendant que celui du Rocket coulait à pic? Parce que la relève des Maple Leafs, du Lightning, des Sabres et des Canucks est beaucoup plus talentueuse et profonde que celle du Canadien. C’est aussi simple que ça.

Des leaders jamais remplacés

À Laval, on n’a jamais vraiment pu remplacer les piliers qui sont allés aider le Tricolore. La glissade s’est d’ailleurs amorcée le 15 novembre, jour du dernier match de Nicolas Deslauriers avec l’équipe. Lorsqu’il a pris la direction de Montréal, il a amené avec lui une partie du coeur du Rocket.

Deslauriers, utilisé principalement à l’aile gauche du troisième trio, permettait à tous ses coéquipiers de jouer plus grands, plus gros et plus confiants.

Sa perte, jumelée à celle du capitaine Byron Froese, a fait très mal. En l’espace de huit jours, le club a perdu ses deux leaders les plus vocaux, tant dans le vestiaire que devant les médias.

Froese était aussi le centre numéro un du club, un joueur intelligent sur 200 pieds et toujours l’option numéro un lors des mises en jeu importantes.

Deux victoires en 16 matchs

Pendant que Deslauriers et Froese tentaient de faire leur place à Montréal, Nikita Scherbak, lui, soignait une blessure subie lors de son deuxième match avec le Canadien. Le Russe n’a pas joué pour le Rocket du 22 octobre au 15 décembre, deux mois fatidiques.

En effet, privé de trois de ses meilleurs éléments offensifs (et d’un quatrième lorsque Daniel Carr a été promu à la fin novembre), le Rocket a présenté une atroce fiche de 2-10-4 du 15 novembre à la pause de Noël.

Le K.-O. a toutefois été encaissé en janvier. Finissant 2017 sur une surprenante séquence de trois victoires, le Rocket croyait pouvoir se replacer dans la course aux séries à l’amorce de 2018, avec 8 de ses 11 matchs disputés à Laval. Mais il s’est plutôt enterré pour de bon avec seulement trois gains.

Tout le reste de la saison a été joué pour la forme et pour construire en vue de 2018-2019. Une construction qui a été marquée de 18 défaites en 21 matchs, en mars et avril!

Peu convaincant, le travail des recruteurs

Les recruteurs du Canadien n’ont d’ailleurs impressionné personne avec les 15 joueurs qu’ils ont suggérés pour des contrats d’essai. Du lot, un seul est assuré d’une place à Laval l’an prochain, soit le petit défenseur Adam Plant, qui a signé une entente valide pour 2018-2019 après son séjour à l’Université de Denver. Les 14 autres joueurs à l’essai pourraient n’avoir fait que passer.

En outre, on est en droit de se demander qui a conseillé les Tyson Wilson, Jackson Leef et autres Bailey Webster au directeur général Larry Carrière. Après un match, voire quelques présences, il était clair que ces trois-là - pour ne nommer qu’eux - n’étaient pas de calibre pour jouer dans la deuxième ligue la plus relevée en Amérique du Nord.

S’il est facile de dresser un constat d’échec au chapitre du recrutement, on peut faire de même pour le jeu défensif. Le Rocket a terminé dans la cave du circuit tant pour les buts accordés que pour l’efficacité en désavantage numérique. Difficile de gagner quand tu accordes près de quatre buts par rencontre!

Le caractère et la « force mentale » ont également fait défaut à maintes reprises. On n’a pas assez de mains pour calculer le nombre de fois que le Rocket s’est effondré en troisième période, alors qu’il détenait une avance ou que le pointage était égal. Là-dessus, les joueurs ont leurs torts, mais aussi les entraîneurs, qui ont été incapables d’avoir les bons mots ou de modifier leur stratégie pour freiner les glissades.

Quelques points positifs

Par contre, l’An 1 du Rocket a été ponctué de quelques points positifs. Le succès aux guichets a, sans aucun doute, été le plus grand. En moyenne, près de 6700 spectateurs par match se sont déplacés à la Place Bell (10e rang dans la LAH), un exploit considérant que le club n’a remporté que 10 de ses 38 matchs à Laval, de loin la pire fiche du circuit!

Aussi, certains joueurs se sont signalés. Chris Terry a remporté le premier championnat des marqueurs de sa carrière, avec un total de 71 points en 62 rencontres. Il avait terminé deuxième dans la OHL en 2008-2009, derrière un certain John Tavares, de même que l’an dernier dans la LAH, derrière Kenny Agostino.

Matt Taormina, lui, a été le quart-arrière (surtout en avantage numérique) que le Rocket souhaitait et a amassé 52 points, malgré une absence de 13 matchs.

Adam Cracknell a amassé 48 points - dont 27 buts - en 54 matchs après avoir été acquis du Wolf Pack de Hartford, où on l’utilisait sur un quatrième trio. À Laval, il a été placé au centre de la première ligne et a rapidement trouvé une chimie avec Terry.

Sinon, cinq Québécois ont pleinement profité de l’opportunité de jouer à la maison. Jérémy Grégoire a doublé sa production avec 25 points, tout en étant un leader et un joueur impliqué défensivement et physiquement. Zach Fucale a tenté de faire beaucoup avec peu, dominant les gardiens du Rocket avec 10 victoires contre 7 revers. S’il n’avait pas été blessé, Daniel Audette aurait pu terminer sa deuxième saison professionnelle avec 40 points. Joueur invité au camp, Jordan Boucher a conclu son année recrue avec 10 buts et 22 points. Finalement, Simon Bourque a joué de façon intelligente en défense pour terminer avec un différentiel de plus-2, le meilleur du club.

Autre point positif: le fait que les Froese, Deslauriers et Carr soient demeurés à Montréal après avoir été rappelés, et que les Scherbak, Juulsen, Lernout, Rychel et McCarron aient terminé la saison avec le Canadien.

On peut toutefois se demander qui d’entre eux amorcera la prochaine saison avec le CH et, surtout, qui d’entre eux exercera un réel impact sur la troupe de Claude Julien.

Beaucoup de changements en vue

Pour ce qui est du Rocket, le retour à la respectabilité, l’an prochain, passera peut-être par des changements dans l’état-major, mais d’abord et avant tout par des modifications de l’effectif hockey.

Des changements à prévoir

Car ce n’est pas l’arrivée des Jake Evans (s’il ne joue pas à Montréal), Will Bitten, Michael Pezzetta, Scott Walford, Cale Fleury et Jarret Tyszka qui va changer la situation.

Heureusement pour les fans lavallois, plusieurs joueurs pourraient partir et plusieurs autres pourraient arriver. Chris Terry et Adam Cracknell seront libres comme l’air le 1er juillet. Même chose pour les Gélinas, Leblanc, Boucher, Veilleux, Petti, Ebbing et Broll, qui avaient tous un contrat de la Ligue américaine en poche cette saison. De leur côté, les Carr, McCarron, Valiev, Rychel, Parisi, Fucale, Eisenschmid et Grégoire deviendront tous joueurs autonomes avec compensation.

Bref, c’est la moitié, si ce n’est pas le deux tiers, du visage du Rocket qui pourrait être modifié en vue de l’An 2. Aux dirigeants du Canadien de faire en sorte que la chirurgie soit un succès.