LAVAL – Michael McCarron l’a échappé belle. Son oreille gauche est si sévèrement balafrée que selon son estimation, une soixantaine de points de suture ont été nécessaires pour la lui recoller.

« Soixante points, est-ce qu’on peut dire que c’est sa saison la plus productive? », lance Sylvain Lefebvre quand on lui fait part de l’approximation de son grand attaquant.

Lefebvre blague, bien sûr. McCarron a recommencé à pratiquer avec ses coéquipiers mardi et il sera en uniforme lors du programme double prévu à Charlotte en fin de semaine. Il y a deux semaines, par contre, quand il est entré dans l’infirmerie jouxtant son bureau au deuxième entracte d’un match à Syracuse et a vu que l’oreille de son joueur était partiellement décollée de son visage, il la trouvait pas mal moins drôle.

« Une chance que j’ai le cœur solide, a confié l’entraîneur-chef du Rocket. Ce n’était pas beau. »

McCarron a raconté sa mésaventure avec un sourire qui est loin de lui être inhabituel, mais dans lequel on détectait encore un brin de soulagement mercredi. Le 1er décembre, à la fin de la deuxième période d’un match contre le club-école du Lightning, il a chuté sur un adversaire dont le patin lui a charcuté le côté gauche. Un accident banal, dit-il. Mais immédiatement, il savait que les conséquences ne l’étaient pas.

« J’ai eu la chienne. Mon oreille était déchirée à 75% et je craignais de la perdre. J’étais sous le choc, je pleurais comme un bébé et je n’arrêtais pas de me parler tout seul. Mais étrangement, je ne sentais rien. Ça devait être l’adrénaline. »

En route vers l’hôpital, le sang qui s’était accumulé dans son conduit auditif l’empêchait d’entendre correctement, extrapolant les scénarios pessimistes qui se bousculaient dans sa tête.

« On m’a dit qu’il y avait une chance qu’on ne puisse la replacer, mais je crois que mon cas a été confié à un chirurgien plastique. Il a fait du bon travail. Il faudrait bien que je le retrace pour lui envoyer un petit quelque chose, une bouteille de vin peut-être... »

McCarron a passé une partie de la nuit à l’hôpital accompagné d’un employé de l’équipe et en est sorti avec un épais bandage autour du crâne. « On aurait dit que je revenais de la guerre », rigole-t-il. Une fois le traumatisme passé, une douleur persistante l’a ennuyé pendant deux ou trois jours. Depuis, seule une procédure visant à éviter les risques d’infection l’empêchaient de reprendre le collier.

« Je ne pouvais pas suer, je ne pouvais même pas prendre de douche. Je prends des bains depuis le début du mois, je n’ai pas hâte de recevoir ma facture d’eau chaude! »

« Ça a été une dizaine de jours assez pénible. La fin de semaine dernière, les gars me taquinaient parce que je ne pouvais jouer même si j’étais en pleine forme. Et c’est enrageant de voir l’équipe perdre quand on est dans les gradins et qu’on se sent assez bien pour jouer. J’étais frustré, je me tournais les pouces, mais là je suis prêt. »

Séparé de Scherbak

McCarron reviendra au jeu avec de nouveaux protecteurs en plastique greffés à son casque. Il retrouvera aussi la glace avec de nouveaux partenaires de jeu.

Pour la première fois depuis le 21 octobre, Sylvain Lefebvre aura à sa disposition les trois membres originaux du premier trio qu’il avait concocté pour le match inaugural du Rocket. Mais il n’a pas l’intention de les réunir. Du moins, pas tout de suite.

À court terme, le plan de Lefebvre est plutôt d’associer Adam Cracknell à Nikita Scherbak et Chris Terry. McCarron devra donc attendre le déploiement du jeu de puissance pour retrouver ses anciens compagnons avec qui il avait récolté quatre points en six matchs avant d’être rappelé par le Canadien.

« Avoir deux gars qui reviennent d’une blessure sur la même ligne, je me suis dit qu’on allait attendre avant de faire ça, a justifié Lefebvre en faisant référence au statut de Scherbak, qui revient à peine d’une opération à un genou. Je l’avais dans la tête aussi, j’y ai pensé! Mais on va commencer comme ça. »

« On ne sait jamais, ça peut changer rapidement, a commenté McCarron devant la possibilité d’être séparé des deux attaquants les plus productifs de l’équipe. On aura nos opportunités en avantage numérique et si on nous met ensemble à 5 contre 5 aussi, je suis sûr que les chances de marquer suivront. »

Le temps de réfléchir

McCarron a déjà été moins philosophe. Le 8 novembre dernier, dans une entrevue accordée au collègue Éric Leblanc, il avait difficilement contenu sa rage au lendemain de son renvoi dans la Ligue américaine par l’état-major du Canadien.

« Je crois que je me suis laissé emporter par les émotions, confesse-t-il aujourd’hui lorsqu’on lui reparle de cette sortie publique. J’ai eu le temps de réfléchir depuis, de penser aux choses que je dois vraiment améliorer et c’est maintenant le temps ou jamais. Je travaille fort et je progresse bien. J’ai eu un petit recul dernièrement, mais ça ne m’arrêtera pas. »

Depuis sa rétrogradation, d’autres ont saisi l’opportunité qui leur a été offerte. Byron Froese, Nicolas Deslauriers et Daniel Carr font présentement un tabac sur le quatrième trio du Canadien, laissant à Montréal le genre d’impression que McCarron est incapable de répliquer de façon constante. L’ancien choix de première ronde ne cache pas qu’il prendrait volontiers la place d’un de ses coéquipiers, mais il dit se réjouir pour eux.

« Ce n’est pas le fait de les voir connaître du succès qui est difficile. Je suis plus déçu de ne pas être là-bas avec eux. Mais ce n’est pas mon tour et si je suis ici, c’est qu’il y a une raison. Je suis ici pour m’améliorer et je suis excité par cette opportunité. »