LAVAL – Ses pommettes imberbes encore rougies par l’effort après un entraînement de près de 90 minutes, Cayden Primeau considère pendant un bref instant la question qui vient de lui être posée. Ses réponses précédentes commençaient à laisser filtrer des signes d’agacement, mais le nouveau sujet, visiblement, l’interpelle. Il reprend son sérieux et se lance.  

    

« Il n’y a rien qui bat l’expérience », répond le jeune gardien en pensant au conseil qu’il donnerait à un jeune joueur forcé de gérer les attentes et la pression inhérentes à un marché comme celui de Montréal. « Et si tu n’as pas d’expérience, comporte-toi comme si tu en avais. »

 

Personne ne peut reprocher à Primeau de parler à travers son chapeau. À 20 ans, le cadet du vestiaire du Rocket se comporte déjà comme un vétéran.   

 

« C’est un très bon gardien, ça je pense que tout le monde le voit, constate Alex Belzile. Mais au-delà de ça, la façon dont il se comporte pour un gars de son âge, je trouve ça quand même impressionnant. Un gardien aussi calme, ça démontre une belle confiance. Des fois, on a des présences où les émotions embarquent, mais lui, il reste toujours très calme. Je pense que 24/7, c’est un gars qui est en contrôle. »

 

« Il est calme sur la glace, il est calme en dehors de la glace. Il n’a pas l’air d’être stressé par grand-chose », entérine Noah Juulsen.

 

« Très impressionnant, enchaîne le capitaine Xavier Ouellet. Il est calme. On le dit beaucoup, mais c’est une grande qualité chez un gardien. Il est calme, pas de panique, il fait ce qu’il a à faire. Je ne connais pas grand-chose aux gardiens, mais je sais qu’il fait la job. »

 

Un mot – on vous laisse le trouver s’il ne vous a pas déjà sauté aux yeux – revient sans cesse quand il est question du grand gardien aux traits juvéniles. Il a commencé à circuler à l’Université Northeastern en 2017, après que le Canadien en ait fait un choix de septième ronde au repêchage. Il s’est ensuite passé jusqu’à Vancouver, où l’équipe américaine a atteint la finale du Championnat mondial junior l’hiver dernier. On le prononce aujourd’hui sans retenue à Laval, où on est de plus en plus convaincu d’avoir en face de nous l’éventuel dauphin de Carey Price.

 

« Ce n’est pas un secret, c’est une grosse partie de mon jeu, affirme Primeau au sujet de son zen légendaire. J’essaie très fort de me concentrer là-dessus parce que je crois beaucoup aux vertus de l’énergie. Si le gardien fait n'importe quoi, tout le monde finit par faire n'importe quoi. J’essaie simplement de me comporter de manière à influencer positivement le reste de l’équipe. »    

 

La même courbe que Fleury?

 

Alors que s’achève son premier mois chez les pros, Primeau affiche aussi les statistiques d’un gars qui a fait le tour du jardin. Après cinq matchs, il a une moyenne de buts alloués de 1,99 et un taux d’efficacité de ,937. Ces chiffres lui permettent non seulement de mériter sa place parmi un impressionnant contingent de cerbères recrues dans la Ligue américaine, mais aussi de se comparer avantageusement à son partenaire plus expérimenté. Avec un échantillon similaire à son dossier, Charlie Lindgren montre une moyenne de 2,95 et un taux d’efficacité de ,885.

 

« J’essaie simplement d’offrir à l’équipe la meilleure chance de l’emporter, minimise le jeunot. En raison de mon âge, je ne m’attends pas à ce que ça soit facile, mais c’est ma seule source de préoccupation. Je ne regarde pas vraiment les statistiques. »

 

Le seul moment de vulnérabilité de Primeau dans cette jeune saison est survenu lors d’un match préparatoire contre les Senators de Belleville, match au cours duquel il avait concédé cinq buts sur 17 lancers.

 

« Dans ce match, je crois que je n’étais pas assez habité du sentiment d’urgence. J’étais lent, j’étais constamment derrière le rythme du match. Dans la semaine qui a suivi, j’ai mis beaucoup d’effort pour tenter de m’ajuster », relate Primeau, qui n’a toujours pas donné plus de trois buts dans une partie depuis.

 

« L’adaptation, c’est une variable difficile à évaluer ou quantifier, atteste l’entraîneur-chef du Rocket, Joël Bouchard. Il y a des gars qui étaient probablement en avant de Cale Fleury dans les dernières années, mais je le répète depuis le début, c’est son écoute. L’écoute de Cale, l’écoute de Cayden... tu leur dis quelque chose, ce n’est pas compliqué. Ils pratiquent, ils le font, ils l’absorbent, ils digèrent, ils l’essayent. Il y a d’autres joueurs avec qui c’est très compliqué. Et plus c’est compliqué, plus leur progression est lente, plus c’est difficile pour eux de s’adapter. »

 

Pour l’instant, Bouchard n’a pas l’intention de changer l’approche qu’il privilégie depuis le début de l’année. Même si les résultats sont jusqu’ici plus concluants avec Primeau devant le filet, le système d’alternance continuera de prévaloir devant le filet du Rocket. C’est d’ailleurs Lindgren qui sera d’office mercredi alors que le Wolf Pack de Hartford sera en visite à la Place Bell.

 

« Ils ne sont pas à la même place dans leur carrière, mais Charlie Lindgren c’est un gentleman, c’est un travaillant, une bonne personne, vante Bouchard. Comme entraîneur, c’est vraiment un gars que tu es content de côtoyer et d’avoir de ton côté. Et c’est le gars parfait avec qui monter un jeune gardien de but parce que c’est un compétiteur, mais avec des bonnes valeurs. Dans le cas de Cayden, c’est un gars très facile, très calme, qui fait ses affaires. Je pense qu’il s’entend bien avec tout le monde, alors le duo fonctionne bien. »