LAVAL – Que ce soit dans le silence d’un matin d’entraînement ou la cacophonie d’un soir de match, deux syllabes quittaient régulièrement les lèvres de Joël Bouchard en début de saison. Le coach les expulsait souvent avec férocité, parfois avec lassitude, accompagnées d’un roulement d’yeux qui trahissait son impatience.

 

« Vey-dmo! »

 

« VEY-DMO! »

 

Bouchard ne fait pas de favoritisme. S’il doit dire ses quatre vérités à l’un de ses poulains, il le fera en allant droit au but, qu’il s’agisse d’un vétéran ou d’une verte recrue. Mais de l’extérieur, il était difficile de se débarrasser de l’impression que l’entraîneur du Rocket avait décidé de se mettre sur le cas de Lukas Vejdemo.

 

« Oui, c’est vrai qu’il était dur avec moi, confirme l’attaquant recrue, incapable de réprimer un large sourire quand on lui rappelle le traitement auquel le soumettait son entraîneur. Et il l’est encore! Au début, je ne comprenais pas trop, je n’avais jamais été dirigé de cette façon. Joël est probablement l’entraîneur le plus exigeant que j’ai eu, mais j’aime ça. Il faut être sur la coche à chaque seconde de chaque pratique, sinon on va en entendre parler. Mais je sais qu’il le fait avec les meilleures intentions. »

 

Choix de troisième ronde du Canadien en 2015, Vejdemo possède un talent indéniable. Son séjour de quatre ans en ligue élite suédoise lui a aussi permis d’arriver à Laval avec une bonne fondation.

 

« Ce n’est pas un gars qui faisait n’importe quoi sur la glace, explique Bouchard. Je voulais juste que son taux d’exécution, que son ratio de succès sur plein de facettes, soit plus élevé. Qu’il devienne un joueur dans la colonne positif quand tu regardes son impact sur un match. Tous les joueurs sont différents, mais est-ce qu’ils ont un impact positif ou négatif dans un match? Pour lui, c’est de jouer sur 200 pieds en étant le plus parfait possible dans tous les aspects, avec et sans la rondelle, avec les habiletés qu’il a. »

 

« Pour moi, poursuit Bouchard, il faut qu’il soit un joueur qui, avant le match, est en banque. Il faut que je puisse me dire : ‘Vejdemo, il va finir tous ses jeux comme il le faut, il ne fera pas de folies sur la glace, il ne prendra pas de risques inutiles et il va générer de l’attaque de la bonne façon.' Comme hier. »

 

Hier, c’était mardi soir, à la Place Bell. Dans une victoire de 6-2 contre les Marlies de Toronto, Vejdemo a été le meilleur joueur du Rocket. Il a marqué un but dans la première minute du match, profitant d’une belle passe de Hunter Shinkaruk alors qu’il avait les deux pieds plantés dans la zone payante. Il a obtenu deux échappées lors d’un même désavantage numérique en deuxième période, marquant sur la deuxième qu’il avait lui-même provoquée en harponnant un défenseur imprudent à la toute fin d’une superbe présence. Il a envoyé Shinkaruk seul devant le gardien quelques minutes plus tard à l’aide d’une savante passe en entrée de zone. Il s’est même porté à la défense de son compagnon de trio lorsque celui-ci a été frappé sournoisement par Carl Grundstrom à mi-chemin dans le match.

 

Après s’être contenté de deux points à ses douze premiers matchs dans la Ligue américaine, Vejdemo en a récolté six à ses quatre derniers. Le jeune homme de 22 ans est en train de sortir de sa coquille devant nos yeux et soudainement, son nom revient moins régulièrement sur les lèvres de son entraîneur.

 

« La confiance est certainement l’une des clés, remarque-t-il. Je prends davantage soin de la rondelle. J’aime la garder maintenant plutôt que de m’en débarrasser. Je suis de plus en plus à l’aise à mesure que je continue d’en apprendre sur le jeu nord-américain. »

 

« C’est vraiment différent de la Suède ici, j’étais un peu sous le choc en arrivant. Je savais que ça ne serait pas pareil, mais peut-être pas à ce point-là. Il y a moins d’espace dans les coins et il faut savoir ce qu’on va faire avec la rondelle avant de la recevoir. C’est vraiment difficile au début, mais je me sens mieux. Je suis content de mon développement jusqu’à maintenant. »

 

« Il a un bon sens du hockey, c’est un bon joueur... mais qui n’était jamais venu en Amérique du Nord, corrobore Bouchard. Il y a une adaptation, il y a des étapes. C’est un gars intelligent. Quand tu lui parles, il le voit, il le sait. Le style de jeu est différent, la charge de travail est différente aussi. Mais je trouve qu’il s’adapte bien aux exigences. Et je ne lui donne pas un pouce, justement pour que ça continue à aller dans la bonne direction. Il a un beau potentiel, mais c’est à recommencer à chaque jour. »