MONTRÉAL – Le nom de Joseph Blandisi ressortira sur la feuille de pointage. Les manchettes seront probablement accaparées par la belle histoire de Joël Teasdale. Mais en termes de performance pure, ils ont tous les deux été éclipsés par leur compagnon de trio vendredi.

Pousserait-on l’audace jusqu’à affirmer que Jesse Ylönen a été le meilleur joueur sur la glace dans la victoire du Rocket? Le simple fait qu’il y ait là matière à réflexion en dit long sur l’impression qu’a laissée le jeune Finlandais à son premier match professionnel en Amérique du Nord.

« C’est un jeune joueur qui a une rapidité d’exécution phénoménale et un excellent coup de patin. Il réussit des jeux à haute vitesse. Tout ce qu’il fait, il le fait vite », avait affirmé le directeur général adjoint du Canadien, Trevor Timmins, après avoir sélectionné Ylönen au 35e rang du repêchage de 2018.

Le joueur qu’on a vu sur la glace du Centre Bell contre les Senators de Belleville correspondait exactement à cette description. À répétition, Ylönen a utilisé sa force d’accélération pour déborder un adversaire et laisser ce dernier du mauvais côté d’un surnombre. L’une de ses premières victimes a été Alex Formenton, un espoir des Sénateurs justement reconnu pour son coup de patin exceptionnel (mais moins pour son jeu en zone défensive, c’est vrai).

À mi-chemin dans le match, Ylönen a préparé le premier des deux buts de Blandisi. Il a récupéré une rondelle libre en entrée de zone, a fait mine de se diriger vers le coin de la patinoire et a furtivement remis en retrait à son joueur de centre, qui a battu le gardien Joey Daccord d’un tir sous la mitaine.

« C’est un joueur spécial, ne s’est pas fait prier pour affirmer Blandisi. Il n’a que 21 ans, mais il est très doué. On dirait qu’il a des yeux derrière la tête. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas eu autant de chances de marquer dans un match. Je ne pensais même pas qu’il m’avait vu quand il m’a fait la passe sur mon premier but. Il me trouvait partout où j’étais sur la glace. »

Ylönen a aussi obtenu ses propres chances de marquer. Utilisé à la pointe sur la première vague d’avantage numérique, il a envoyé un tir sur réception sur le poteau et s’est vu bloquer l’accès à la partie supérieure du filet sur une autre tentative immédiatement après lors d'une double supériorité numérique en deuxième période.

La jeune recrue a aussi utilisé sa rapidité pour faire avorter quelques jeux en replis défensif.

« On n’aurait pas dit qu’il est surtout habitué de jouer sur une plus grande surface, a renchéri Blandisi. Sa tête est toujours haute, il regarde toujours pour faire un jeu et il n’a pas peur. Il ne joue pas en périphérie, il va dans le trafic. Il m’a donné l’impression qu’il jouait dans cette ligue depuis quelques années. »

« Il se dégêne »

Ylönen devait en fait jouer ses premiers matchs avec le Rocket l’hiver dernier. Il est arrivé à Montréal au début mars et il était prévu qu’il fasse ses débuts avec le club-école du Canadien après une courte période d’adaptation. Une blessure, puis le début de la pandémie, ont contrecarré ses plans.

Le report du début de la saison l’automne suivant l’a contraint à retourner en prêt aux Pelicans de Lahti. Il y a disputé 21 matchs et récolté seulement sept points avant d’obtenir le feu vert pour revenir au Québec. L’occasion de jouer pendant que d’autres était à l’arrêt forcé lui a bien sûr été profitable, mais il a admis vendredi qu’il n’avait pas été satisfait de son rendement durant cette période de rodage.

Il n’a pas voulu entrer dans les détails, mais son entraîneur a sa petite idée de la cause de cette apparente stagnation.

« Je pense que sa tête était en Amérique du Nord », propose Bouchard sans détour. 

« C’est un joueur qui est très honnête avec ce qui se passe, ce qu’il voit. Un jeune intelligent, un jeune spécial. J’ai eu la chance de lui parler cet été, d’échanger des messages textes avec lui comme j’ai fait avec tous les joueurs. Il m’impressionne beaucoup par sa maturité. Il n’est pas perdu, il ne vit pas sur une autre planète. Il sait exactement ce qui se passe dans le monde et il est capable de s’évaluer. La Finlande, il y est retourné parce qu’il n’avait pas le choix, mais je pense que son cœur était avec nous autres et  ça paraît. Ça paraît dans son niveau d'engagement. Je suis content de la façon dont il s’est adapté. »

Bouchard dit qu’à l’image du défenseur d’âge junior Kaiden Guhle, il a vu une progression constante dans le jeu d’Ylönen au cours du camp préparatoire.

« Rapidement, j’ai commencé à le regarder du coin de l’œil, un peu plus, un peu plus. J’ai vu l’opportunité de le laisser aller un peu et lors du dernier scrimmage, il s’est vraiment laissé aller. C’est un gars de talent, évidemment, vous l’avez vu. Et là il se dégêne. [...] Il a un style un peu différent aussi dans notre groupe de jeunes joueurs. Il a des beaux atouts à développer. »

On a parfois eu l’impression que la courbe de progression d’Ylönen tardait à gagner en verticalité depuis son ajout dans la banque d’espoirs du Canadien. Une accumulation d’échantillons comme celui qu’il a produit vendredi pourrait mener à un ajustement des pronostics.  

« Le jeu est beaucoup plus rapide ici, tout arrive plus vite et il faut réagir en conséquence dans toutes les situations, a remarqué Ylönen. J’apprends de nouvelles choses à chaque jour. Ce n’était qu’un premier match ce soir, il y a encore des choses sur lesquelles je dois travailler pour m’améliorer et je veux apprendre ces choses. À chaque jour, je veux m’adapter un peu plus, je veux devenir meilleur. »

Entrée très réussie pour le Rocket