Dans le dossier du congédiement de Guy Boucher par les Sénateurs d’Ottawa (vendredi dernier), il faut dire que c’est davantage le moment choisi qui a retenu l’attention que la décision elle-même. Un autre « spin » négatif dans l’environnement de cette formation qui aurait bien pu s’en passer.

Il n’y a pas grand-chose de constructif et de positif à retenir sur le moment présent. La situation est un réel désastre, partant du départ de plusieurs vétérans de premier niveau à la date limite des transactions, passant par l’échec des plus lamentables dans le dossier du nouvel amphithéâtre et les relations très tendues entre les hautes instances de la capitale nationale et le propriétaire de la franchise des Sénateurs, Eugene Melnyk.

Or, sans nécessairement obtenir de garantie sur le futur organisationnel, le département des opérations hockey à Ottawa, qui a été confronté à cette triste réalité, a tout de même réussi à mettre la main sur quelques jeunes espoirs et garnir la banque de choix au repêchage pour les prochaines années. Cela représente un facteur non négligeable dans le nouveau style de gestion de la Ligue nationale de hockey.

Revenons à nos moutons ou au plancher des vaches, comme vous voulez. Ce dernier clou dans le sarcophage de Boucher, qui aura été congédié pour les mêmes raisons qu’il aura été embauché, a été victime de cette situation désastreuse. Passionné et obsédé par la « game », l’entraîneur québécois a prouvé qu’il était un homme de structure, rigoureux et demandant envers ses joueurs, son personnel et surtout lui-même.

De grandes qualités qui pouvaient aussi représenter des défauts, dans ce milieu des plus compétitifs, où le mot « adaptabilité » prend tout son sens. Un élément qui, en fin de compte, semble avoir été la goutte qui a fait déborder le vase.

Pourtant, le directeur général, Pierre Dorion, pas plus tard que lundi dernier, de façon très transparente, avait clairement mentionné que le personnel hockey serait évalué à la fin de la présente saison et non vendredi dernier. Un signe qui démontre qu’il n’avait possiblement pas la bonne température de l’eau de son propre vestiaire.

L’espace à la créativité, l’audace et le niveau d’habiletés, trois éléments qui n’auront jamais été aussi présents au cœur de cette nouvelle génération des hockeyeurs professionnels.

Dans un monde où, à part les plus chevronnés, l’homme de hockey derrière le banc fait beaucoup plus dans ce qu’il peut et non ce qu’il veut, le sort de Boucher ne tenait qu’à un fil, car trop d’indicateurs, malheureusement, poussaient dans ce sens depuis décembre dernier.

En effet, trop d’indicatifs poussaient de plus en plus dans cette direction, soit celle de la porte de sortie pour celui qui à sa première saison derrière le banc des Sénateurs avait réussi à faire abandonner le « je » pour le « nous ».

À cette époque, tout le monde avait accepté son rôle et ses responsabilités. Certains joueurs avaient su alors laisser leurs intérêts personnels à l’extérieur de la porte du vestiaire dans le but de retrouver un niveau de respectabilité plus qu’acceptable.  

Loin d’être parfait, Boucher avait le mandat de développer et de faire progresser, mais surtout faire cheminer les plus jeunes de l’organisation dans l’essai-erreur. Il a fait ce qu’il croyait être le mieux pour cette formation, de la meilleure façon qu’il le pouvait.

Brady TkachukLe meilleur exemple est celui de Thomas Chabot qui, dans les premiers mois d’activité du calendrier régulier, avait épaté tout le monde, en prenant plus de liberté dans ses actions offensives. Il y a aussi eu la décision d’insérer Brady Tkachuk (1er choix 2018), et Colin White au sein du top-6 de la formation.

Sans nécessairement être plongé dans une obligation de résultat sur le court terme, en raison de ce processus de reconstruction, Boucher avait permis aux Sénateurs d’Ottawa de trouver une manière de demeurer compétitifs et engagés dans une lutte pour une place en séries éliminatoires à la fin du mois de novembre dernier. À ce moment-là, il aurait probablement dû mériter la confiance de son employeur.

Un contexte qui aurait dû, normalement, se traduire par une ouverture organisationnelle et des discussions pour procéder à une prolongation de contrat gagnant-gagnant. Or, ce ne fut pas le cas, de ce que l’on a pu apprendre dans les discussions de couloir.

J’ai l’impression que le principal concerné était très peu informé au sujet de l’évolution des dossiers entourant la dernière période des échanges. Tout en reconnaissant que cela ne faisait pas partie de son département et de ses tâches quotidiennes, le fait de devoir accepter les décisions et vivre avec les frustrations du moment n’a sûrement pas été évident.

Boucher a constamment dû se concentrer sur le moment présent et y rester sans se préoccuper du reste. Une situation qui interpellait au plus haut point. Une noirceur qui démontrait des signes de grande fragilité.

Dans cette incertitude du moment, peut-on vraiment blâmer le personnel d’entraîneurs de s’être éloigné du processus de développement dans l’utilisation des Drake Batherson, Logan Brown et compagnie? Poser la question c’est un peu y répondre.

Comment l’équipe peut-elle performer lorsqu’elle est privée de plus ou moins 40 % de sa production offensive, depuis les retraits de l’alignement et les départs de Mark Stone, Matt Duchene et Ryan Dzingel?

Pierre DorionMalgré une complicité non négligeable au début de leur association, et ce, dans un milieu aussi compétitif que celui de la LNH, l’histoire d’amour entre Dorion et Boucher n’a duré que le temps des roses.

Le problème est peut-être qu’on a tout simplement surévalué cette édition 2016-2017 des Sénateurs. Il s’agissait d’une équipe qui jouait du hockey de nécessité, considérant ses forces et ses faiblesses, mais également d’une équipe qui s’est rendue en finale de l’Est et qui aura créé des attentes insoutenables.

Aujourd’hui, cela nous amène tout simplement à la case départ et le mot patience reviendra continuellement dans l’actualité. Un processus qui s’annonce long et ardu.

Il y aura certainement des dommages collatéraux dans les prochaines semaines. Déjà à ce jour, on remarque le manque en confiance en soi chez certains jeunes de la formation. On a qu’à penser à Chabot, qui est présent de corps, mais pas nécessairement d’esprit par les temps qui courent. À ses sept derniers matchs, le jeune défenseur de 22 ans n’a qu’une seule passe à son actif et présente un différentiel de moins-13.

Entre-temps, je tiens à offrir mes sincères remerciements à ce grand passionné de la « game », Guy Boucher. Son sens du partage, sa générosité, sa grande collaboration envers les médias ont été des éléments grandement appréciés par la communauté. Il a certainement réussi à faciliter la tâche de plusieurs personnes affectées à la couverture des activités des Sénateurs.