Quand le talentueux Martin Brodeur a récemment réussi son 104e blanchissage en carrière, éclipsant ainsi l'historique record du fameux Terry Sawchuk, les médias électroniques ont posé la question suivante à leurs auditeurs.

Quel est le meilleur gardien de tous les temps? Terry Sawchuk, Patrick Roy ou Martin Brodeur? Roy et Brodeur se sont partagé la grande majorité des votes des blogueurs, tandis que Sawchuk récoltait les miettes du sondage. Pourtant, Terry fut le meilleur de son époque, avec Jacques Plante.

La réponse à l'énigme? Le monde ne l'a pas vu jouer ou ne l'a pas suffisamment connu. Le jeune monde, on s'entend.

De descendance ukrainienne, Sawchuk est né à Winnipeg le 28 décembre 1929. Il aurait donc célébré ses 80 ans la semaine dernière, s'il n'était pas décédé de façon tragique, lors d'un incident bête survenu le 31 mai 1970, suite à une altercation avec son coéquipier des Rangers de New York, Ron Stewart. Les deux joueurs cohabitaient une maison à Long Island pour la saison de hockey.

Quand le temps de régler les comptes est arrivé à la fin du bail, une violente dispute a éclaté entre les deux hommes ivres et dans la bagarre, Sawchuk a fait une vilaine chute sur un poêle Bar-B-Q et a subi une blessure à la tête en plus d'une hémorragie interne. Hospitalisé, il a subi trois opérations avant de rendre l'âme. Une semaine avant sa mort, il avait déclaré à l'épouse du journaliste new-yorkais Stan Fischler qu'il s'agissait d'un accident bizarre et que Stewart n'était pas à blâmer. Après une enquête préliminaire, la police de New York, a exonéré Stewart de tout blâme attestant qu'il s'agissait bien d'un accident.

Un bras plus court que l'autre

Élevé dans un secteur pauvre de Winnipeg, Terry a subi une fracture du coude du bras droit à douze ans, en jouant au football. Ne voulant pas s'attirer les foudres de ses parents, ni nuire à sa carrière de gardien de but au hockey, le jeune homme a gardé son secret avec le résultat qu'il a établi tous ses records dans la LNH en jouant avec un bras deux pouces plus court que l'autre. Quelle histoire!

Carrière fabuleuse

À 14 ans, un dépisteur des Red Wings de Détroit a découvert ce phénomène et il a poursuivi son apprentissage à Galt en Ontario. Il a connu une carrière phénoménale de 20 ans dans la Ligue nationale, soit de 1949-50 à 1969-70. C'est avec Detroit qu'il a récolté le plus de succès soit de 1950-51 à 54-55. Des 103 blanchissages réussis, 56 ont été réalisés en cinq saisons avec les Red Wings. Il a aussi gagné trois coupes Stanley, trois trophées Vézina et une coupe Calder au cours de cette période. Dans la finale pour la coupe Stanley contre le Canadien en 1952, Detroit l'avait emporté en quatre matches et Sawchuk n'avait alloué que deux buts dans la série.

Problèmes de santé et de comportement

Les choses se sont compliqué pour le gardien toutes étoiles à un certain moment. Il a été opéré au coude et pour l'appendicite. Il a joué en dépit d'une coupure à la main, d'une blessure au tendon d'Achille, de maux de dos, d'une mononucléose et quand le directeur-gérant Jack Adams lui eut ordonné de réduire son poids de 240 livres à 200 ou à peu près, il a pratiquement perdu les pédales. Il est devenu irritable, maussade et son comportement, intolérable.

Il faudrait souligner, pour aider sa cause, qu'il avait reçu plus de 400 points de suture au visage, avant l'arrivée du masque en 1962. Après la conquête de la coupe Stanley par Detroit en sept matches contre le Canadien, privé de Maurice Richard suspendu en 1955, Sawchuk a été assommé d'apprendre qu'il avait été échangé par Jack Adams aux Bruins de Boston avec Marcel Bonin. Laissé sans protection, il avait été repêché par les Leafs et a gagné une dernière coupe Stanley à Totonto, battant le Canadien en finale. Toronto n'a pas savouré la coupe depuis. Ayoye.

Marcel Bonin l'a bien connu

« Il n'était pas un gars comme les autres. Un peu spécial sur les bords. Tous les gardiens de but sont bizarres. Cocasses. Qu'on pense à Jacques Plante. Terry était solitaire en voyage. Dans mon livre il a été le meilleur gardien de son temps avec Plante. Et n'oubliez pas qu'il était infirme. Quand il a été échangé à Boston en ma compagnie en 1955, il était réellement malheureux. Il ne riait pas souvent. Il donnait l'impression d'un gars qui n'avait jamais connu le bonheur », de commenter Marcel Bonin à son sujet.

Avant d'atterrir à New York, il a fait un séjour à Los Angeles, une équipe de l'expansion en 1967 et dirigée par son ancien coéquipier Red Kelly. Il avait épousé Patricia Ann Bowman le 8 août 1953, après de très courtes fréquentations, disent les historiens. Ils ajoutent que l'heureux couple a eu sept enfants avant le divorce survenu en 1969, quand Patricia a appris que la maîtresse de son mari était enceinte. De quoi réconforter Tiger Woods.

« Il est mort comme il a vécu », a dit George Armstrong, capitaine des Leafs, coéquipier de Terry lors de la conquête de la coupe Stanley en 1967. Ron Stewart, involontairement responsable de sa mort, a tout simplement déclaré : « Il était gentil comme un mouton à jeun, mais détestable avec un verre derrière la cravate. Il cherchait alors noise à tout le monde ».

Le mot de la fin de cette triste histoire appartient au célèbre Gordie Howe avec qui il a joué pendant des années à Detroit. « Il a été le meilleur gardien que j'ai vu à l'œuvre. Comme individu, il possédait tout, mais ne semblait pas plus heureux. Dommage ».

Fin des émissions.