MONTRÉAL – Les souvenirs sont à la fois flous et très précis. Donovan Sebrango ne se souvient plus trop quel âge il avait ni à quels matchs exactement il a assisté, mais il se revoit clairement rôder dans le vestiaire de l’Impact. Ses visites à Montréal étaient plus fréquentes à cette époque. Son père, Eduardo, écoulait les dernières années d’une brillante carrière de joueur de soccer professionnel.

Donovan avait déjà hérité des yeux en amandes du paternel. La réciprocité dans leur amour pour le ballon rond ne s’est toutefois jamais développée.

« Ce n’est pas parce qu’il n’a pas essayé, dit le jeune garçon, aujourd’hui adolescent, en riant. J’ai joué un peu, mais rien de trop compétitif. Je crois que j’ai décidé assez tôt que pour moi, ça allait être le hockey. »

Les parents de Sebrango ont divorcé alors qu’il était bambin. Sa mère Kim l’a initié au hockey après que la famille reconstituée se soit établie à Kingston, en Ontario. « Je me souviens avoir vraiment détesté ça au début, affirme le jeune homme en entrevue avec RDS. Je ne patinais pas aussi bien, pas aussi vite que les autres. J’ai rapidement voulu tout arrêter, mais ma mère a insisté pour que je continue. Elle n’arrêtait pas de me dire que j’allais le regretter si j’abandonnais. »

L’insistance maternelle s’est avérée judicieuse. Aujourd’hui âgé de 18 ans, Sebrango vient de terminer sa deuxième année à la ligne bleue des Rangers de Kitchener et est identifié comme un bel espoir en vue du prochain repêchage de la Ligue nationale. La Centrale de recrutement de la LNH le classe au 59e rang de sa liste de fin d’année parmi tous les joueurs admissibles évoluant en Amérique du Nord.

De son père, Sebrango semble avoir gardé un certain flair offensif. « On l’a repêché pour ses habiletés avec la rondelle et la qualité de son coup de patin », affirme catégoriquement Mike McKenzie, le directeur général qui a mis le grappin dessus avec le 40e choix du repêchage de l’OHL il y a deux ans.

Sebrango évoluait alors à l’Académie CIH à Ottawa. À sa dernière année dans les rangs midget, il a récolté 25 points en 30 matchs. Comme recrue dans l’OHL, il surpassé les projections les plus optimistes en obtenant 26 points en 62 matchs. « Personne n’a été plus étonné que moi par la qualité de mon jeu cette année-là », admet-il aujourd’hui. Mais les dirigeants des Rangers n’en étaient pas à leur dernière surprise avec leur joueur de 16 ans.

En entrant le nom de Sebrango dans le moteur de recherche de YouTube, le premier extrait proposé est celui d’un match contre les Otters d’Erie, deux mois après le début de sa saison recrue. De sa vision du jeu et de sa fluidité sur patins il n’est ici nullement question : on l’y voit plutôt sortir un attaquant de ses culottes avant d’engager un furieux combat avec deuxième adversaire. On le reconnaît depuis comme un défenseur robuste, teigneux et avec assez de sang-froid pour répondre de ses actions.

« Le jeu physique, la hargne, on a réalisé assez vite que ça faisait partie de son arsenal, avance McKenzie, qui n’a pas oublié ce match du 23 novembre 2018 contre Erie. C’est vraiment difficile d’évaluer si un joueur d’âge midget possède ces attributs puisque les batailles et les mises en échec ne font plus énormément partie du sport à ce niveau. Mais avec Donovan, c’est rapidement devenu clair qu’il était un féroce compétiteur. Il n’a peur de rien. »

« J’ai toujours été un gars assez caractériel, estime Sebrango. Ma mère m’a toujours dit de ne jamais laisser personne travailler plus fort que moi. J’aime pratiquer un style de jeu robuste et je ne déteste pas entrer dans la tête de mes adversaires avec des mots bien choisis. Mais dans l’OHL, j’ai réalisé que si je voulais rester fidèle à cette approche, je devrais apprendre à me défendre. »

Sebrango revendique fièrement cette pugnacité qu’il considère comme un précieux atout dans son jeu. Au match des meilleurs espoirs du circuit junior canadien, en janvier, il a pris la décision – inhabituelle dans ce contexte – de jeter les gants contre le colosse Will Cuylle, un attaquant des Spitfires de Windsor avec qui il avait déjà eu maille à partir en saison régulière.

« En blague, un de mes coéquipiers à Kitchener m’avait mis au défi de le faire. Ce n’était pas mon intention, je voulais juste jouer mon match au meilleur de mes capacités. Mais éventuellement j’ai réalisé que ce match servait justement à mettre notre vraie nature en valeur. »

« On m’en parle dans mes rencontres avec les différentes équipes de la LNH, affirme Sebrango. Je crois que ça a ouvert les yeux des éclaireurs sur ma polyvalence. S’ils ont besoin d’un gars plus doué offensivement, je peux être ce gars-là. S’ils ont besoin d’un gars plus robuste, je peux faire ça aussi. »

« Il aime mélanger les styles et je crois que ça ne pourra que l’aider à progresser au prochain niveau », avance McKenzie, qui voit en Sebrango un jeune Dennis Wideman, qui occupe un rôle d’entraîneur-adjoint avec les Rangers de Kitchener.

Un éclaireur sondé par RDS ne partage pas cet avis. « Je ne sais pas dans quelle chaise le placer. Il est un peu dur à vendre. Je veux dire, il est correct, mais tu sors de l’aréna et tu aimerais en avoir vu un peu plus. »

« C’est un excellent défenseur, excellent pour transporter la rondelle. C’est juste pas un gars qui crée de l’offensive, propose une autre source à l’emploi d’une équipe de la LNH. Il y a des gars qui ont la touche, il y en a qui ne l’ont pas. Lui, je ne pense pas qu’il l’a. Mais je le vois quand même devenir un bon quatrième ou cinquième défenseur. »