Il a obtenu une passe sur le premier but de Maurice Richard dans la Ligue nationale dans les années '40. Mais sa carrière avec le Canadien, pourtant fort prometteuse, a été éphémère. Seulement 82 matchs avec le Tricolore sur une période s'étendant de 1937-38 à 42-43. Sa meilleure saison est survenue en 1940-41 alors qu'il avait marqué 13 buts en 46 parties, pour se retrouver, temporairement, en tête des compteurs de la LNH.

Le destin, souvent cruel, a voulu que Tony Demers, doté d'une force herculéenne dont il ne connaissait même pas ses limites, a été trouvé coupable d'homicide involontaire en 1949 et condamné à 15 ans de prison. Son séjour derrière les barreaux aura donc été plus long que sur la glace. Tony Demers aura involonairement écrit l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire des 100 ans du Canadien.

15 ans de prison

C'est en novembre 1949, il y a 60 ans, que l'honorable juge Césaire Gervais, laissait tomber son verdict: "Vous vous êtes servi de votre force prodigieuse pour battre, avec une cruauté et une sauvagerie inhumaine, une faible femme sans défense. Vous saviez pourtant que l'alcool vous rendait violent, belliqueux, querelleur et incontrôlable. Vous avez abusé de cette force herculéenne, dont vous étiez si fier, pour tuer votre amie. Vous avez bénéficié d'un procès juste et équitable. Les membres du jury vous ont trouvé coupable d'homicide involontaire. Je vous condamne donc à une peine de 15 ans de prison. Vous n'avez que 32 ans. Vous pourriez purgé votre peine et refaire votre vie. C'est ce que je vous souhaite." Fin du jugement.

L'incident était survenu deux mois plus tôt sur le chemin de Coaticook. Tony avait alors tué Mme Robert Juneau lors d'une altercation musclée survenue dans sa voiture. En premier lieu, on parlait d'une accusation beaucoup plus grave, soit de meurtre au premier ou deuxième degré. Puis on se ravisa et Demers fut accusé d'homicide involontaire. Les connaisseurs du milieu judiciaire de Sherbrooke prévoyaient une peine de 25 ans de prison pour l'ancien hockeyeur, mais en fin de compte, Tony aura tout de même passé plus de temps en prison que dans l'uniforme du Canadien.

Il a payé sa dette à la société

Tony Demers, né le 22 juillet l917 à Chambly, a purgé six ans de sa peine et comme l'avait souhaité le juge Gervais, lors du prononcé de sa sentence, il a pu refaire sa vie et se réhabiliter de façon exemplaire. "J'ai pu compter sur de bons amis. Je pense entre autres à Maurice Lecompte, qui a facilité ma rentrée à la compagnie (sel) Sifto, où j'ai travaillé 20 ans, dont 17 comme surintendant. Auparavant j'avais exploité un champ d'exercices de golf, Boulevard Henri-Bourassa dans l'Est de la Métropole, en plus de travailler le cuir repoussé et vendre de l'annonce pour la revue "Sport Illustré", propriété conjointe du journaliste Maurice "Momo" Desjardins et du photographe Gerry Donati", m'avait confié Tony, lors d'une entrevue exclusive réalisée pour le "Journal de Montréal" dans les années '80 à sa résidence de Lanoraie, où il habitait avec sa femme et ses deux enfants.

Il se souvenait d'un tas de souvenirs, dont la passe obtenue sur le premier but du "Rocket" dans la Ligue nationale. "C'était au Forum contre Boston. Maurice, un ailier gauche qui a toujours joué à l'aile droite, jouait à gauche ce soir-là et moi à droite avec Paul Haynes au centre. Cette saison là, 1940-41, je me suis retrouvé en tête des compteurs à un certain moment avec George Allen des Blackhawks de Chicago. J'avais déjà 13 buts et 10 passes pour 23 points. C'était trop beau. Lors d'un accident de la route près de Valleyfield, j'ai subi une fracture d'une jambe et du nez. Oui, j'ai fait mon service militaire avant d'être échangé aux Rangers de New York en 1943-44 contre Phil Watson.

New York-Montréal.....en taxi

"Je n'ai disputé qu'un match avec les Rangers. Je n'aimais pas l'ambiance ni l'environnement. La "Grosse Pomme", ce n'était pas pour moi. Je suis revenu à Montréal en taxi et j'ai payé la note, 180$. Une aubaine, à comparer à aujourd'hui. Au Québec, je me suis retrouvé avec le St-Francois de Sherbrooke de la Ligue Québec Sr. Un beau dimanche après-midi au Forum de Montréal, lors d'un match des séries éliminatoires pour la coupe Allen contre le Rloyal, j'ai compté cinq buts contre Gerry McNeil et chaque fois sur des lancers du poignet décochés un peu en dedans de ligne bleue. McNeil, qui devait faire carrière avec le Canadien par la suite, n'a rien vu. Les lancers frappés n'étaient pas tellement populaires à l'époque, car les joueurs ne pouvaient pas tous les contrôler. Et puis il en coutait $8,00 si tu brisais ton bâton."

"Après avoir tenté l'aventure de jouer au hockey à Paris et à Wembley, en Angleterre, je suis revenu au pays où Ernest Savard, propriétaire du Canadien, m'a fait signer mon premier contrat en 1937-38. J'avais touché un boni de 200$ à la signature et un salaire de 2,000$ pour la saison. Bien "blood" Monsieur Savard, sauf que tout est allé à mon père, jusqu'à je sois majeur à 21 ans. J'en avais 19. Monsieur Savard m'a envoyé à New Haven, dans la Ligue américaine, pour y acquérir de l'expérience. Pas chanceux. J'ai subi une fracture d'une jambe lors d'une collision avec Gracia Béliveau, dont le père était médecin à Drummondville. Aucun lieu de parenté avec la famille de Jen Béliveau, cependant, de conclure Tony.

Tony Demers est décédé le 2 septembre 1997 à l'âge de 80 ans. Il aurait connu une carrière phénoménale, s'il avait été plus sérieux.

Dommage.