MONTRÉAL – Au domicile familial de Mascouche, Alex Dubeau n’est généralement pas attendu si tôt. Depuis quatre ans, le jeune homme ne rentrait au bercail qu’à la fin de sa session d’hiver à l’Université du Nouveau-Brunswick. Cette année, on espérait le revoir encore plus tard. Ça aurait voulu dire que sa première saison chez les professionnels se serait conclue par de longues séries éliminatoires.

Mais celui qui a remporté deux titres canadiens avec UNB ne soulèvera probablement aucun trophée cette année. Comme des centaines d’autres joueurs de hockey, Dubeau a reçu le feu vert pour rentrer à la maison en attendant la résolution de la crise provoquée par la propagation de la COVID-19. Il continuera de s’entraîner en prévision d’un improbable retour au travail. Avant longtemps, il ira probablement donner un coup de main dans la compagnie de ventilation de son père.

« On se fait dire des choses, on se fait envoyer des programmes d’entraînement pour se garder en forme. Mais les coaches n’en savent pas plus que nous. Personnellement, je suis pas mal sûr que c’est terminé, se résignait le gardien de 25 ans en début de semaine. Je ne vois pas comment on pourrait tout recommencer au début mai. Je me demande si ça ne pourrait pas être dangereux de revenir au jeu. On va être complètement arrêté, puis si on se fait garocher dans des séries, ça va être full intense. Ça pourrait être risqué. »

Il n’y a pas de bon moment pour être frappé par une pandémie et la suspension d’une saison de hockey, dans un tel contexte, ne devient qu’une insignifiante entorse au quotidien auquel nous sommes habitués. Ça ne rend toutefois pas illégitime la déception de Dubeau, pour qui il a été particulièrement difficile de se séparer de ses jambières cette année.   

Au moment où les différentes ligues nord-américaines ont commencé à se mettre en quarantaine, l’ancien des Cataractes de Shawinigan et des Wildcats de Moncton vivait ses premiers moments dans la Ligue américaine de hockey. Le moment n’était pas banal pour lui. Il avait signé un contrat à deux volets (LAH/ECHL) avec l’organisation des Sénateurs d’Ottawa en début de saison, mais au fond de lui-même, il ne pensait pas pouvoir s’approcher autant du grand club.

Joey Daccord, avec qui il a obtenu la garde partagée du filet du Beast de Brampton en début de saison, était un choix de septième ronde de l’organisation. C’est lui qu’on appellerait en premier en cas de besoin avec le principal club-école. Il le comprenait et l’acceptait. C’est d’ailleurs précisément ce qui est arrivé, fin novembre. Dubeau, par conséquent, est devenu le numéro 1 indiscutable de son équipe.   

« Je ne l’avais pas vu venir, mais j’étais prêt et j’étais content. Là, je jouais. Je dirais même que des fois, je jouais un peu trop. J’ai joué des séquences de trois matchs en trois jours. C’est très difficile avec le voyagement et les heures auxquelles on jouait. Des fois, on jouait le dimanche à 14 h à la maison et on était à Toledo la veille... c’est débile! »

« Mais j’ai eu 40 games et je ne me plains pas. J’ai adoré ça. Côté statistiques, je suis allé chercher bien des victoires, ça c’est le fun. C’est sûr que j’aurais aimé monter un peu mon efficacité, mais quand tu joues autant de matchs, c’est dur d’aller chercher de la qualité à tous les soirs. »

Les rigueurs de l’ECHL auront bien préparé Dubeau à ce qui l’attendait dans le détour. Début mars, une pénurie de gardiens dans l’organisation des Sens a mené à son rappel à Belleville. Il a eu le temps de jouer trois matchs en quatre jours avant que les activités de la LAH ne soient interrompues. « Même les gardiens qui étaient déjà là n’avaient jamais fait ça de la saison, mais le coach a jugé bon de me faire confiance », dit-il fièrement.

Dubeau a battu les Marlies de Toronto à son premier départ, un gain de 8-4 au cours duquel les effets de sa nervosité ont été bien camouflés par la production offensive de ses coéquipiers. Il a ensuite travaillé dans un programme double contre les Americans de Rochester, qui l’ont poivré de 83 tirs en deux matchs.

« Les deux matchs se sont terminés de la même façon : dans les dernières minutes de jeu de la troisième période, ils ont scoré et on a échappé la victoire. Mais personnellement, je sens que j’ai vraiment fait la job. C’est sûr que j’aurais aimé continuer, mais je suis content du souvenir que j’ai laissé à Belleville. On verra ce qui va se passer cet été si jamais ça ne recommence pas. »

Dubeau avait signé un contrat d’un an à sa sortie de l’université. Il espère s’être donné de bons arguments, avant la fin précipitée de la saison, pour se négocier une promotion durant l’été.

« Ma première idée, c’était d’aller chercher le respect de tout le monde. C’est vrai que je ne suis pas le plus grand, ça a toujours été un facteur dans ma carrière, mais je suis capable d’arrêter la rondelle. Et oui, c’était ma première saison pro, sauf que j’ai 25 ans. Je ne sors pas du junior. »

« La Ligue américaine, c’est une marche qui est haute, mais je pense que j’y ai bien fait à mes premiers pas. Je pense que les entraîneurs ont vu que j’étais capable de jouer dans cette ligue. C’est sûr que c’est le but ultime et je reste positif pour la suite. »

L’ECHL demeure une option viable pour Dubeau, qui s’y est bâti de solides contacts depuis un an. L’Europe, dans quelques années, pourrait devenir une autre avenue intéressante. Pour l’instant, le sympathique cerbère n’a qu’une certitude à travers ces vagues scénarios.

La ventilation peut attendre.