Le 6 avril 2009 est une journée importante dans le dossier de la vente du Canadien. On savait déjà depuis deux semaines environ que cette franchise allait possiblement changer de main, mais tout était encore nébuleux. On n'avait aucun commentaire de la part de George Gillett et la seule chose qu'on savait c'est qu'il faisait la révision de tous ses actifs.

Donc le 6 avril, j'étais à New York en attendant le Canadien qui évoluait ce soir-là à Montréal contre Ottawa. Au milieu de l'après-midi, un contact important m'annonçait que Serge Savard et son groupe voulaient se porter acquéreur du Tricolore. Après plusieurs vérifications, c'est à l'Antichambre que RDS annonçait la nouvelle en primeur. C'est vraiment à ce moment qu'on a su que ce n'était pas du bluff et que la franchise la plus prestigieuse au hockey allait changer de main.

Cette nouvelle a mis le feu aux poudres. Dès le lendemain, tous les médias parlaient de cette nouvelle et des acheteurs potentiels. Des noms très importants faisaient partie de cette fameuse liste qui avait été préparée par BMO Groupe Financier. Le Cirque du Soleil, René Angelil, Saputo et j'en passe faisaient partie des acheteurs potentiels. Mais la réalité c'est que c'est que très peu de groupes étaient en lice au départ.

Il y avait Serge Savard, Quebecor et Graeme Roustan qui faisaient partie des groupes les plus importants. Ces gens ont d'ailleurs rapidement su qu'il fallait verser au moins 450 millions de dollars sur la table pour acheter l'équipe. Si Serge Savard et Graeme Roustan étaient bien connus de la LNH, ce n'était pas nécessairement le cas pour le groupe Quebecor. Pierre-Karl Péladeau s'est donc rendu à New York au début du mois de mai pour présenter son plan de match au commissaire Garry Bettman et le groupe de direction de la LNH. Une bonne présentation qui a semblé donner des ailes à Quebecor.

Mais le vent a tourné à la fin du mois de mai lorsque Geoff Molson et ses frères Andrew et Justin annoncent à la surprise de tous qu'ils veulent se porter acquéreurs du Canadien. Une annonce qui change complètement les données en raison de l'impact de cette famille dans le hockey, non seulement à Montréal, mais partout dans la Ligue nationale de hockey depuis trois générations.

L'impact fut tellement important que l'acheteur potentiel le plus populaire des Québécois, Serge Savard, a décidé de se retirer de la course. Une déception pour plusieurs, mais ceux qui connaissent la famille Molson, dont Serge Savard, étaient soulagés par cette annonce. Le Canadien allait demeurer entre bonnes mains.

Finalement, trois groupes sérieux se sont retrouvés tous près du but. Quebecor, Stephen Bronfman et Geoff Molson.

Une semaine interminable

Les derniers jours ont été particulièrement difficiles pour ces trois groupes. Une vraie partie de poker. Qui dit vrai ? Qui a vraiment le pouvoir de verser des dizaines et des dizaines de millions de plus ? Et qui finalement allait flancher en premier ?

Les rumeurs ont été nombreuses sur l'identité de l'acheteur puisque franchement chaque groupe avait confiance en ses moyens. Si on avait posé la question aux dirigeants de ces trois groupes vendredi matin, ils se seraient tous déclarés gagnants.

Sauf que plus la journée avançait, plus il était évident qu'il y allait y avoir un gagnant. Finalement, peu avant minuit, il y a eu une entente de principe entre George Gillett et Geoff Molson.

Une entente historique de 550 millions de dollars qui permet à George Gillett de mieux respirer financièrement, mais en même temps de perdre un amour qui lui était cher; SON club de hockey.

Merci George Gillett

Vendredi soir, quelques heures avant que l'entente ne soit conclue, j'étais dans les gradins du Centre Bell pour assister à la grande victoire de Jean Pascal. George Gillett se promenait près de l'arène de boxe avec une Molson dans la main. Il n'avait pas son sourire légendaire sur les lèvres. Il semblait perdu dans ses pensées et les gens présents au combat ont senti que ce n'était pas une soirée ordinaire pour lui. C'était finalement un dernier événement dans SON building avant de céder les rênes qu'il voulait garder.

George Gillett a transformé cette franchise. En 2001, les gradins étaient loin d'être pleins comme aujourd'hui et il se demandait bien comment il allait être en mesure de rendre cette nouvelle entreprise rentable. Et bien il a réalisé tout un exploit en s'assurant des profits annuels de 45 millions depuis 2006. Pas mal du tout. Et la consécration fut l'ouverture du Complexe sportif Bell à Brossard. Lorsqu'il a mis les pieds dans le vestiaire de l'équipe pour une première fois l'hiver dernier, il n'a pas été en mesure de refouler ses émotions. Il se rappelait les moments difficiles en 2001. Jamais à l'époque il ne s'imaginait un tel complexe. Mais au milieu du vestiaire à Brossard, il savait aussi qu'il avait de fortes chances que son rêve de donner cette équipe à ses fils ne se réalisera pas. Et c'est franchement ce qui lui fait le plus mal aujourd'hui.