Si la médaille d’or obtenue à Vancouver par Alexandre Bilodeau avait une dimension patriotique (première médaille d’or canadienne en solo lors de Jeux présentés au Canada), celle décrochée à Sotchi a certainement une valeur beaucoup plus personnelle.

Depuis les Jeux de Vancouver, Alexandre Bilodeau a vu arriver un adversaire de taille sur son terrain de jeux où il était le roi et maître depuis plusieurs années. Et cet adversaire n’était pas n’importe qui. Un jeune prodige nommé Mikaël Kingsbury qui est présentement en train de pulvériser toutes les marques de Bilodeau en ce qui a trait aux succès en Coupe du monde.

Dès son arrivée en Coupe du monde, Kingsbury a bousculé l’ordre établi. Deux ans après son triomphe à Vancouver, Bilodeau laissait le champ libre à son rival pendant un an le temps de se consacrer à ses études. De retour en piste, Bilodeau n’était plus le monarque. Le « King » avait pris son trône, enchaînant les globes de cristal. À répétition, Bilodeau devait se contenter de la deuxième place derrière Kingsbury.

La gifle la plus sévère, Bilodeau l’a reçue lors des Championnats du monde en 2013. Le seul titre qui manquait à son impressionnant palmarès, c’était celui de champion du monde en simple. Les Mondiaux de 2013 en Norvège allaient être ses derniers puisqu’il a prévu se retirer après la saison 2013-2014. Encore une fois, il doit se contenter de la 2e place derrière Kingsbury non sans lancer des flèches aux juges qu’il trouve un peu sévère à son endroit compte tenu de ce qu’il offre en piste.

Lors de la saison actuelle, le manège se répète. Kingsbury remporte les trois premières Coupes du monde de la saison. Chaque fois, Bilodeau termine deuxième. Irrité, Bilodeau refuse de parler aux journalistes après une course à Calgary, préférant se taire au lieu de prononcer des paroles qu’il pourrait regretter. Son entraîneur Michel Hamelin va au front et mentionne en conférence téléphonique : « On dirait que tout tend vers Kingsbury. Les deux font les mêmes sauts et vont aussi vite. Des fois, Mikaël a un peu plus de vitesse. Alex a réalisé un superbe double full, mais les juges ne semblent pas lui donner les notes que ça vaut ».

Kingsbury a le vent dans les voiles. Clairement, il sera le favori à Sotchi. On ne voit pas comment le vent pourrait tourner. Il démontre la constance d’un métronome.

C’était mal connaître Bilodeau qui revient en force et remporte coup sur coup les trois dernières Coupes du monde de la saison avant les Jeux de Sotchi. Le momentum change de camp. Pour la première fois en deux ans, Bilodeau vient d’ébranler le « King » dans sa forteresse.

Comme l’a dit Kingsbury, le rendez-vous de Sotchi était la finale d’un 4 de 7. Bilodeau n’avait rien à perdre. Tout à gagner. Du déjà vu pour lui. À Vancouver, il était l’avant-dernier skieur à prendre le départ en grande finale. Il s’apprêtait à réaliser la descente olympique la plus importante de sa carrière. En 24 secondes et 81 centièmes, Bilodeau a rappelé à tout le monde combien il est un grand champion. Il a attaqué le parcours comme s’il n’y avait pas de lendemain. « All in » comme au poker : il a gagné son pari. Les juges n’ont même pas eu à trancher.

Avant de passer le flambeau à son dauphin Kingsbury, Bilodeau peut dire mission accomplie. Dans l’adversité, il a réussi à se surpasser. Le voilà maintenant confortablement installé sur son trône pour les quatre prochaines années. Le prétendant Kingsbury lui succédera probablement en 2018 ans non sans avoir beaucoup appris de cette expérience.