Bien avant le report des Jeux de Tokyo en mars 2020, René Cournoyer était conscient que le parcours pour se rendre aux Olympiques est souvent parsemé d'imprévus sur lesquels l'athlète n'a que très peu d'emprise. Mais il était loin de se douter par quelle gamme d'émotions il devrait passer avant de finalement participer à ses premiers Jeux olympiques.

Le gymnaste de 24 ans, assuré de son billet pour Tokyo dès octobre 2019 à la suite de sa performance aux Championnats du monde, croyait alors que le plus dur était derrière lui et qu'il pouvait se concentrer sur sa préparation. Mais la pandémie de la COVID-19 a frappé et a tout remis en question.

« Il y a eu des périodes d'angoisse, a reconnu le Repentignois mi-juin en marge du dévoilement de l'équipe canadienne de gymnastique, dont il est le seul représentant masculin. Je ne savais pas trop quoi faire au début. Est-ce qu'il faut être prêt pour cet été - 2020 - ou abandonner et passer à autre chose. Puis il y a eu l'annonce officielle du report. »

« C'était un nouvel objectif, avec une nouvelle date fixe au calendrier. Mais je vivais toujours dans l'angoisse : est-ce que ça va être encore reporté, annulé? Est-ce que je m'entraîne pour rien? Il a fallu passer à travers cette période de doute », a-t-il confié.

N'ayant aucun contrôle sur les événements, Cournoyer a finalement décidé de faire confiance au processus.

« J'ai décidé d'adopter l'approche que peu importe que les Jeux aient lieu ou non, je suis ici pour m'entraîner, faire le sport que j'aime. Je vais m'entraîner de mon mieux et je serai prêt quand ça va arriver », résume-t-il.

Pas que du négatif

Avec le recul, il estime que la dernière année lui a finalement été bénéfique. Non seulement a-t-il pu augmenter son niveau de gymnastique, mais il en a aussi profité pour bien soigner des blessures chroniques, notamment aux poignets.

« J'ai vraiment profité de ces 12 mois supplémentaires de préparation. J'ai augmenté mes notes de départ et mon niveau de résilience, travaillé sur certains éléments de la performance que nous n'avons normalement pas le temps de faire. Je suis un athlète complètement différent d'il y a 12 mois », énumère Cournoyer.

Son entraîneur, Jean-Sébastien Tougas, est lui aussi d'avis que le report n'a pas eu que du négatif.

« Ça nous a permis de prendre un peu de recul et de travailler sur les bases, des trucs plus fondamentaux, de s'assurer de récupérer de différentes blessures, de faire de la prévention de blessure et aussi d'augmenter considérablement son niveau de gymnastique depuis la dernière compétition internationale », explique-t-il.

« Il était déjà qualifié, alors les enjeux n'étaient pas tout à fait les mêmes. Nous n'avions pas besoin d'atteindre un sommet de performance pour se qualifier. Son sommet de performance est planifié pour qu'il se produise à Tokyo », rappelle Tougas.

Bien entendu, Cournoyer manque de repères pour évaluer sa progression face à la concurrence puisque les gymnastes n'ont disputé aucune compétition en présentiel depuis mars 2020. Il s'était alors classé 10 du concours multiple de l'American Cup à Milwaukee, une des plus prestigieuses compétitions au circuit de la Coupe du monde.

« Il y a une certaine dose d'incertitude. Une compétition virtuelle est assez différente de celle où tous les concurrents sont présents physiquement. Il y a les échauffements avec une période de temps déterminée, il faut s'adapter aux appareils un peu différents de ceux avec lesquels on s'entraîne habituellement. Je vais sans doute être un peu rouillé en arrivant là-bas (à Tokyo). Mais j'ai un bon bagage d'expérience et cela ne devrait pas trop m'affecter », ajoute-t-il.

Volonté à toute épreuve

Après avoir raté de peu sa qualification pour les Jeux de Rio en 2016 alors qu'il était un jeune senior au sein de l'équipe canadienne, Cournoyer s'est transformé comme gymnaste au cours des dernières années.

Inspiré par son mentor Kyle Shewfelt, médaillé d'or aux exercices au sol aux Jeux d'Athènes en 2004, il s'est efforcé de développer son exécution afin que ça devienne plus agréable à regarder.

« Au début de ma carrière, je réalisais de gros mouvements, mais qui n'étaient pas très élégants. En m'inspirant de ce que Kyle faisait, j'ai travaillé cet aspect et je suis aujourd'hui l'un des gymnastes les plus élégants à l'international », dit-il.

Et ce n'est pas la bonne volonté qui lui manque quand il s'agit de s'améliorer. Son entraîneur doit parfois même tempérer ses ardeurs.

« René, c'est un athlète persévérant, travaillant et assidu, évalue Tougas. C'est moi qui dois lui donner du repos. Il veut toujours en faire plus et mieux. C'est le secret de la réussite, il faut vouloir et avoir une détermination incroyable. En gymnastique, l'aspect perfectionniste est aussi très important. Ce n'est pas suffisant de faire, il faut aussi apprendre à bien le faire. »

Si l'objectif de Cournoyer à Tokyo est de faire de son mieux et de profiter au maximum de l'expérience olympique, malgré le contexte inusité de ces jeux, il hésite à se prononcer en ce qui concerne les résultats.

« C'est assez difficile de me situer après 16 mois sans compétition, d'autant plus que nous n'avons aucune idée des conditions d'entraînement que les autres pays ont eues », a-t-il évoqué.

Son entraîneur, lui, est prêt à se mouiller davantage.

« Un objectif réaliste pour lui est de faire la finale du concours multiple chez les garçons. Pas beaucoup de gymnastes peuvent se vanter d'avoir atteint ce niveau au pays », souligne Tougas.

« Il a déjà réussi une qualification pour le concours multiple aux Mondiaux de 2018 à Doha, mais il s'est blessé et il n'a pas pu participer à la finale. Cette fois, on souhaite passer cette étape et se classer pour cette fameuse finale prestigieuse. Après ça, nous serons comblés. tre aux Jeux, c'est déjà du bonbon », conclut-il.