Il n’était pas question de s’arrêter pour Mathieu Bilodeau
Jeux olympiques vendredi, 6 août 2021. 11:25 jeudi, 28 mars 2024. 11:48Malgré d’importants maux de dos, un abandon n’était pas une option pour Mathieu Bilodeau au 50 kilomètres marche des Jeux olympiques de Tokyo vendredi. Son compatriote, le Britanno-Colombien Evan Dunfee est quant à lui monté sur la troisième marche du podium de l’épreuve d’endurance.
En dépit de la douleur intense, l’athlète de Québec a tenu à franchir la ligne d’arrivée au centre-ville de Sapporo, dans le nord du Japon. Il l’a fait au 45e rang, après un très long effort de 4 h 20 min 36 s.
« J’ai des problèmes de dos depuis le camp d’entraînement qui a précédé les Jeux et mon dos a lâché après 20 kilomètres. J’avais vraiment de la difficulté à tenir la technique et je boitais un petit peu. Ç’a vraiment affecté mon rythme, je n’étais pas capable d’aller plus vite. »
Le marcheur de 37 ans a dû être traité par un chiropraticien avant le rendez-vous olympique. « Je pensais que ça allait passer, mais dans un 50 kilomètres, quand tu as un petit bobo, c’est sûr qu’il ressort. »
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Bilodeau s’est même demandé si le scénario de sa première expérience olympique ne se répèterait pas. « Je me suis demandé si je continuais ou si j’arrêtais. Je n’avais pas fini à Rio, il n’était pas question que je sois encore DNF (did not finish). J’étais prêt à finir dernier s’il le fallait. Présentement, je paye, par exemple. Je n’ai pas hâte d’aller dans l’avion, mettons. »
Une très longue échappée pour la victoire
Le Polonais Dawid Tomala a été sacré champion olympique en un temps assez lent de 3 h 50 min 8 s. Parti en solitaire vers le 30e kilomètre, il détenait une avance de plus de 3 minutes au 45e kilomètre. Malgré la chaleur et l’humidité, il s’est ensuite accroché pour gagner son pari, devançant l’Allemand Jonathan Hilbert par 36 secondes.
« Il s’est essayé, il n’a pas eu peur. C’est un marcheur de 20 kilomètres, qui est passé au 50 kilomètres cette année. Il a encore vraiment de la vitesse. Evan et moi, nous nous sommes entraînés avec lui en Australie, c’est une machine », a indiqué le Québécois au sujet du très long effort en solo du gagnant.
Dunfee a quant à lui conclu à 51 secondes de Tomala. Après avoir été distancé par le groupe des poursuivants avec moins de 5 kilomètres à faire, le marcheur de Richmond a effectué toute une remontée dans le dernier kilomètre pour ravir la médaille de bronze à l’Espagnol Marc Tur.
Bilodeau était fort heureux pour son compatriote, quatrième aux Jeux de Rio et troisième aux mondiaux de 2019. « Je lui ai dit qu’il me devait un dixième de sa médaille parce qu’en janvier, février et mars, je me suis entraîné avec lui. Ça n’allait pas bien ses affaires. Je l’ai motivé un peu. Je lui ai redonné un peu le goût de s’entraîner qu’il avait perdu. »
« Ça va vraiment être une belle fin de Jeux pour moi, de célébrer ce super accomplissement de la part de mon partenaire d’entraînement. »
Des résultats qui passeront à l’histoire
Les 59 partants de ce 50 kilomètres marche ont par ailleurs marqué l’histoire. Au programme olympique depuis les Jeux de 1932, mis à part une absence en 1976, à Montréal, leur épreuve en était en effet à sa dernière apparition à la plus grande fête sportive.
En 2024, à Paris, elle sera remplacée par une épreuve mixte afin de favoriser la parité hommes-femmes en athlétisme, le 50 kilomètres marche étant disputé seulement chez les hommes.
« Ça me fait un pincement au cœur. Je savais que je n’aurais pas une troisième chance, c’est pour ça que je me suis dit que je devais finir. Je vais peut-être m’essayer sur 20 kilomètres, mais il est encore trop tôt pour savoir ce que je vais faire », a commenté Bilodeau au sujet de la disparition de son épreuve.
Avant de franchir la ligne d’arrivée, il y a d’ailleurs pensé. « C’était le dernier 50 kilomètres, alors je me suis dit qu’il fallait que j’apprécie les derniers moments. Ce n’était pas la bonne journée pour moi, mais ce n’était pas grave. »
L’ancien triathlète n’est pas peu fier d’avoir persévéré. « Je suis vraiment allé puiser dans mes réserves, je me suis mordu les dents. Ça me faisait tellement mal dans le dos, je ne sais même pas comment j’ai fini. L’adrénaline, le mental, je ne sais pas trop, mais je me disais que je finirais sur les genoux s’il le fallait. Ce n’est pas le résultat auquel je m’attendais, mais au moins, mon nom est dans les résultats. »
Des choix différents
Après une excellente saison 2019, marquée entre autres par un meilleur temps de 3 h 53 min 36 s et une 14e place aux Championnats du monde, celui qui a commencé la marche en 2014 a emprunté un tout autre chemin avec la pandémie qui a frappé.
« J’ai travaillé davantage pour avoir un peu plus d’argent, en remettre en banque. J’ai fait des choix différents et ç’a affecté un peu ma performance ici, mais je suis correct avec ça », a précisé avec beaucoup de sérénité le comptable professionnel certifié (CPA) chez Deloitte.
Ironiquement, le calvaire vécu par Bilodeau vendredi lui a prouvé quelque chose de très important : il a toujours la flamme.
« Je ne suis pas aussi en forme que je l’étais (aux mondiaux de 2019) à Doha. J’ai eu des problèmes d’abducteurs en raison de la quarantaine. Ç’a été long à rebâtir. En mai, je ne marchais pas terrible. Je suis vraiment content d’avoir fini, même si c’est à l’arraché. La passion est encore là au moins. Je ne suis pas éteint. »